Tous les axes d'action que j'ai présentés ont déjà été engagés. L'Anses a des missions tellement vastes qu'il était difficile de vous faire une présentation synthétique en quelques minutes.
L'Anses n'est pas une autorité administrative indépendante mais une agence sous tutelle de cinq ministères. En revanche notre expertise scientifique est indépendante, comme nos recommandations et nos avis. Les conclusions de l'agence ne peuvent pas revenir sur une évaluation. Quand la direction de l'évaluation des produits réglementés a fini son évaluation, celle-ci est envoyée directement au pétitionnaire par le directeur du service. On a séparé l'évaluation et les décisions de gestion qui me reviennent. De même, l'évaluation des risques et la gestion des risques sont séparées. Vous évoquez Tchernobyl. En cas de crise nous ne permettrions pas de faire des annonces qui relèvent de la responsabilité du gestionnaire de risques ; en revanche, l'ensemble de l'information scientifique adressée au ministère est publique sur notre site. Il appartient ensuite au ministère d'autoriser ou non la collecte de champignons. L'agence est sous tutelle mais son expertise scientifique est publique et indépendante.
Nous avons toute latitude pour délivrer des AMM ou pour les retirer : ainsi, en 2016, nous avons retiré 130 produits à base de glyphosate en coformulation avec la tallowamine. On va retirer l'epoxiconazole alors que l'Europe n'a pas encore pris de décision. Nous avons déjà réalisé de nombreuses analyses, en appliquant les nouveaux critères PE, qui montrent que ce produit est un perturbateur endocrinien. Nous avons demandé à l'Europe d'avancer. On ne peut pas attendre deux ans avant d'agir. Nous autorisons des produits quand il n'y a pas de risque pour la santé et l'environnement et les retirons en cas de risque, sans délai en cas de risque pour la santé. De même, les AMM ne valent que pour certains usages détaillés, et non pour tous les usages réclamés. Cela dépend des évaluations. En revanche nous ne pouvons pas proposer d'alternatives. Le pétitionnaire dépose son dossier et on l'évalue. Si celui-ci ne passe pas, il peut proposer des alternatives. Évidement nous sommes très engagés sur ce dossier. On nous avait demandé d'évaluer les alternatives aux néonicotinoides. Nous allons travailler sur les alternatives au glyphosate et sur le biocontrôle.
Avec Santé publique France, les agences sanitaires et l'Anses, notre système repose sur trois piliers : la santé publique et les études épidémiologiques, l'exposition, le dispositif médical et médicaments. C'est cohérent, on ne peut pas tout fusionner. Santé publique France travaille sur des matrices d'exposition professionnelle autour des liens entre santé et environnement, santé et travail. Mais la partie exposition relève de notre compétence et nous déterminons les valeurs de référence toxicologiques, d'imprégnation, les valeurs limites d'exposition professionnelle. Santé publique France mènera des expérimentations de terrain lorsqu'ils constatent l'apparition de cas dans la population. Nous travaillons sur les expositions, les valeurs repères et la prévention pour définir des valeurs guides. Santé publique France mènera des études épidémiologiques dans une approche populationnelle et nous oeuvrons selon une approche d'exposition. Ces deux approches sont complémentaires.
La réflexion institutionnelle concerne l'organisation des services de l'État pour la réalisation des contrôles de premier niveau, entre la direction générale de l'agriculture, la direction de la santé et la DGCCRF. Or l'Anses ne fait aucun contrôle de premier niveau. Ceux-ci sont réalisés sur les produits importés par la DGCCRF ou des laboratoires privés. Nous avons des laboratoires de référence et pratiquons les contrôles de deuxième niveau. Nous faisons l'évaluation de risques au regard des analyses. Pour Lactalis, les contrôles sur les poudres relevaient de laboratoires départementaux et ensuite nous assurions l'évaluation des risques et mettions à disposition les méthodes de référence utilisées par les laboratoires de premier niveau. C'est donc complémentaire. Nous n'interviendrons donc pas sur les contrôles sur les produits d'importation du Brésil mais nous appuierons les pouvoirs publics pour définir les normes utilisées. Il est indéniable, en effet, que la situation du Brésil est préoccupante. Comme agence sanitaire, nous sommes préoccupés à cause de l'exposition aux milliers de produits chimiques dans notre vie quotidienne au travers des produits phytosanitaires, ménagers, cosmétiques, avec souvent les mêmes substances actives et donc une exposition cumulée qui peut provoquer un risque pour nos concitoyens. Donc, sur le plan institutionnel, je ne suis pas favorable à une fusion en raison de la différence entre les contrôles de premier et deuxième niveau, de la responsabilité particulière du gestionnaire de risques. Je trouve aussi que notre système sanitaire atteint sa maturité.
Monsieur Forissier, vous évoquez le cas d'un site pollué. Il appartient aux services départementaux de l'État de faire les analyses de terrain, l'Anses fixera les valeurs de référence ou fera une évaluation de risque si cela est nécessaire.
Sur la santé au travail, je n'ai pas vu de projet de fusion avec l'INRS. L'Anses a des accords-cadres avec l'INRS, avec l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail, avec tous les acteurs de la prévention en matière de santé au travail. Nous travaillons avec l'INRS sur des bases de données. Cela se passe bien. La partie expertise scientifique de l'Anses n'a pas été remise en cause. Évidemment l'Anses est un acteur important du troisième Plan santé au travail. Notre mission consiste à dépasser l'évaluation individuelle d'un cas particulier, par un expert qui cherche à identifier la présence d'une maladie professionnelle, d'un lien de causalité ou d'une exposition probable, pour parvenir à une évaluation générale, collective et contradictoire. On a déjà commencé à organiser des saisines transversales sur certaines pathologies pour déterminer l'existence, ou non, d'un lien probable entre certaines pathologies et certaines expositions professionnelles. Nous pourrons communiquer nos résultats, d'ici un an ou 18 mois, aux partenaires sociaux, au conseil d'orientation des conditions de travail et à la commission supérieure des maladies professionnelles en agriculture (COSMAP).
Sur le gibier, nous avons travaillé étroitement avec les chasseurs. Ce sont eux qui ont défini les plans de prélèvement. Ils nous ont dit après coup que leurs adhérents n'avaient pas prélevé les bons morceaux. Lorsque vous utilisez des balles au plomb, le plomb se vaporise sur une zone beaucoup plus large que les cinq centimètres autour de l'impact que l'on retire classiquement. On a constaté que tous les échantillons que nous avons examinés étaient contaminés. Si l'on veut appliquer les mêmes normes que celles que l'on applique pour l'eau, un consommateur qui mange du gibier trois fois par an a déjà atteint la limite maximale sanitaire autorisée dans l'eau...Soit l'on revoit les seuils, soit il faut revoir les méthodes de chasse pour diminuer l'exposition au plomb. Cet avis ne s'applique qu'au grand gibier.