Monsieur le Président, Mesdames les sénatrices et Messieurs les sénateurs, conseiller d'État, je me présente devant vous car je suis pressentie pour être renouvelée en qualité de présidente du conseil d'administration de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), mission que j'assure depuis le mois de mai 2016. Je me propose, dans un premier temps, de dresser un bilan des trois années écoulées pour l'agence puis de vous présenter le projet que l'agence porte pour les trois années à venir et, en conclusion, vous partager mes interrogations.
Mais, au préalable, je souhaite, d'une part, vous exposer les trois raisons qui m'ont conduite à solliciter le renouvellement de ce mandat et, d'autre part, vous rappeler en quelques mots introductifs les missions et activités de l'agence.
Trois raisons m'ont conduite à demander le renouvellement de mon mandat : à l'intérêt prononcé pour les missions de service public qui sont celles de l'agence qui a animé ma candidature il y a trois ans, s'ajoute aujourd'hui un attachement profond pour l'agence et ses agents, dont je salue le très haut niveau d'expertise et la forte implication personnelle au service de la sécurité sanitaire de nos concitoyens. En outre, j'ai la conviction que la stabilité et la continuité de sa gouvernance sont nécessaires pour que l'agence poursuive sa transformation.
C'est la raison pour laquelle je me trouve à nouveau devant vous aujourd'hui.
Établissement public administratif créé il y a sept ans par application de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, l'agence, placée sous la tutelle du ministre de la santé, est chargée de procéder à l'évaluation des bénéfices et des risques des produits à finalité sanitaire tant au plan national qu'au plan européen, ainsi que celle des produits à finalité cosmétique. Les compétences de l'agence s'étendent ainsi à tous les produits de santé : médicaments, matières premières à usage pharmaceutique, vaccins, produits biologiques, dispositifs médicaux et dispositifs médicaux de diagnostic in vitro. Afin d'assurer pour le patient l'accès à des produits de santé sûrs et efficaces et d'encadrer la mise à disposition précoce de produits de santé innovants, l'agence évalue et surveille les bénéfices et les risques de ces produits dont elle assure également la surveillance tout au long de leur cycle de vie. Elle inspecte les sites de fabrication et contrôle la qualité des produits dans ses laboratoires. L'agence est enfin chargée de contrôler la publicité, de développer la pharmaco-épidémiologie et de stimuler la recherche indépendante.
Pour s'en tenir à la seule partie décisionnelle de son activité, l'agence ne prend pas moins de 84 000 décisions par an, réglementaires ou individuelles, expresses ou tacites. Je citerai ainsi, s'agissant des plus nombreuses, près de 22 000 autorisations temporaires d'utilisation (ATU) - pour l'essentiel, des décisions d'octroi nominatives - 18 674 modifications d'autorisation de mise sur le marché (AMM), plus de 10 500 visas publicité - pour les dispositifs médicaux et dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (DM/DMDIV), pour la publicité auprès des professionnels ou auprès du grand public - et enfin, 2 947 décisions de libération de vaccins et médicaments dérivés du sang (MDS).
Moins nombreuses mais tout autant significatives de son activité, il convient de mentionner aussi d'autres décisions prises par l'agence en 2018, à savoir : 1 334 AMM non centralisées et portant principalement sur des génériques, l'autorisation de 931 essais cliniques et de 3 231 modifications substantielles d'essais en cours, et la délivrance de 84 habilitations d'organismes notifiés en matière de DM et de DM DIV. L'agence a également procédé à 52 rappels de lots, a adressé 64 injonctions et a infligé 9 sanctions financières.
En 2019, les recettes de l'agence s'élèveront à 127 millions d'euros, soit, d'une part, 116 millions d'euros au titre de la subvention pour charges de service public qui demeure globalement stable par rapport à celle figurant au budget de l'année 2018. Cependant, instaurée par la loi du 29 décembre 2011 en remplacement des taxes que l'agence percevait directement jusqu'alors, cette subvention a connu une baisse constante entre 2012 et 2017 avant de progresser très légèrement en 2018 et, d'autre part, 10,6 millions d'euros de recettes propres, issus principalement du produit de l'activité européenne de l'agence qui s'élève à 9,63 millions d'euros, soit en progression d'environ 900 000 euros par rapport à 2018.
Les dépenses de l'agence s'élèveront, quant à elles, à 126,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 127 millions d'euros en crédits de paiement (CP) dont 81,6 millions d'euros pour le personnel, 26,4 millions d'euros en AE et 25,9 millions d'euros en CP pour le fonctionnement, 10,6 millions d'euros en AE et 11 millions d'euros en CP pour les interventions et, enfin 7,7 millions d'euros en AE et 8,5 millions d'euros en CP d'investissement.
Par ailleurs, le fonds de roulement, qui était tombé à 14,5 millions d'euros en 2017 et 13,1 millions d'euros en 2018, devrait se rétablir à 22,5 millions d'euros.
Enfin, le nombre total d'ETP, qui était de 1 019 en 2012, passera de 971 en 2018 à 948, dont 912 sous plafond et 36 emplois hors plafond, dont les 10 emplois dédiés à l'activité européenne depuis 2018. Les services de l'agence sont répartis sur trois sites : Saint-Denis qui concentre la majorité des services, Lyon où sont principalement installés les laboratoires ainsi que Montpellier.
J'en viens, à présent, aux principales étapes de l'évolution de l'agence laquelle, entre 2015 et 2018, n'a cessé de se réformer et de transformer en vue d'améliorer la qualité du service rendu.
L'agence s'est engagée dans une politique de cartographie de ses risques majeurs - dix-sept risques majeurs ont ainsi été identifiés - et de maîtrise de ceux-ci, en particulier des risques sanitaires. Pilotée par une petite équipe placée auprès du directeur général et chargée de la mission de pilotage et de contrôle interne, cette politique consiste à obtenir de chaque direction la production de plans de maitrise de ces risques fondés sur une description des processus et une formalisation des procédures afin de couvrir les risques identifiés.
L'agence s'est aussi engagée dans une démarche qualité en matière de gestion du risque pour les quatre processus métiers que sont la surveillance des produits de santé, le traitement des situations à risque élevé, le contrôle des produits de santé et l'inspection.
Elle a mis au point des procédures et modifié son organisation afin d'assurer l'évaluation des produits de santé dans le respect des délais légaux impartis pour prendre les décisions qui lui incombent - s'agissant notamment de la délivrance et modification d'AMM, autorisation d'essais cliniques -, tout en renforçant l'efficience des processus d'évaluation, notamment pour les produits innovants. Au-delà des changements de procédure et de méthode, cette transformation traduit un changement de culture pour beaucoup d'agents de l'ancienne Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) où toute décision était différée en cas de doutes sur l'évaluation bénéfices-risques.
Concomitamment à la mise en place d'une comptabilité analytique et sous la pression des restrictions budgétaires brutales subies au titre de l'année 2017, l'agence a lancé un programme de restructuration des modalités de gestion de ses activités dans un double objectif d'efficience et de sécurité de ses usagers.
Au cours de ces trois années, l'agence a aussi défini et mis en place une stratégie de renforcement de sa place en Europe. Jusqu'en 2012, la présence de la France au sein des différentes instances européennes de l'Agence européenne des médicaments (EMA) était largement tributaire de la disponibilité des agents y représentant la France, puis avait connu une baisse sensible entre 2012 et 2015 à la suite de l'affaire dite du Mediator. Depuis 2015, l'agence s'y est efforcée de définir une vraie politique d'intervention en hiérarchisant les thèmes de ses interventions, au regard des priorités de la politique nationale de santé et de l'environnement national, c'est-à-dire universitaire, industriel et relatif à la recherche. Elle a distingué trois catégories de domaines : d'une part, les domaines d'intérêt majeur - ou encore dits de « priorité I » - pour la France pour lesquels il convenait qu'elle se porte en priorité candidate tels que la cancérologie, l'hématologie, la neurologie ou les maladies infectieuses et les vaccins en raison de leur importance pour la recherche et l'industrie médicales nationales ; d'autre part, les projets d'intérêt intermédiaire - qualifiés de « priorité II » - comme l'endocrinologie, gynécologie, traitements de l'obésité, pneumologie, ou les maladies orphelines métaboliques ; et, enfin, ceux considérés comme non prioritaires et labélisés « priorité III ». L'objectif affiché pour les prises de dossier d'AMM centralisées est respectivement de 70 %, 20 % et 10 %.
Afin de parvenir à une présence plus forte, l'agence a obtenu des moyens supplémentaires voués à être consacrés à son activité européenne : 3 ETP sous plafond en 2017 auxquels se sont ajoutés 10 ETP hors plafond en 2018 ; l'objectif étant que le coût de ces emplois soit a minima couvert grâce aux recettes supplémentaires versées par l'EMA pour rémunérer ces activités année après année.
Enfin, l'Agence a poursuivi sa modernisation afin de conjuguer performance et qualité de vie au travail. En particulier, elle s'est efforcée de résorber sa dette informatique et de renforcer la sécurité de ses systèmes d'information.
Ces chantiers majeurs ont porté leurs fruits. J'en donnerai trois illustrations.
Fin 2018, l'agence a apuré son stock de dossiers de demandes non traitées. Elle respecte désormais les délais qui lui sont impartis, en matière de modification des AMM et d'essais cliniques, pour statuer sur les nouvelles demandes dont elle est saisie. Des progrès restent néanmoins à faire en matière de délivrance d'AMM non centralisées.
Dans son rapport d'audit de la gestion des risques sanitaires par l'ANSM d'octobre 2018, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) relève que l'agence a progressé dans la maîtrise de ses risques, notamment sanitaires, en soulignant que les processus de contrôle en laboratoire et d'inspection ont atteint aujourd'hui un niveau élevé. Ainsi, la direction de l'inspection vient d'être accréditée pour mener des contrôles et inspection tant au plan européen que pour le compte de la Food and Drug Administration (FDA) américaine. Cette politique de maitrise et de prévention des risques s'est notamment traduite par la création, en septembre 2017, du Centre d'appui aux situations d'urgences, aux alertes sanitaires et à la gestion des risques (CASAR). Ce comité, placé auprès du directeur général, a pour but de traiter rapidement les alertes susceptibles de devenir des situations à risque élevé (SRE) et les situations de crise sanitaire. Si le rapport de l'IGAS indique que le dispositif est en cours de construction dans les autres directions où son niveau de maitrise est « moyen », l'agence a néanmoins obtenu sa certification qualité ISO 9001, qui atteste de l'engagement durable d'une « démarche qualité » commune à tous les agents de l'agence et garantit la poursuite et l'approfondissement de cette démarche.
Au plan européen, dès 2018, l'agence a obtenu l'attribution d'un nombre plus important de dossiers : alors qu'elle en avait obtenu douze en 2017, seize nouveaux dossiers d'AMM centralisés lui ont été attribués en 2018 - l'objectif initial étant de quatorze dossiers - et celui de 2019 est de seize dossiers. Elle a en outre été retenue pour émettre environ 75 avis scientifiques et a obtenu, au titre de la redistribution des dossiers jusque-là attribués aux Britanniques, 9 dossiers en qualité de rapporteur unique et 12 dossiers comme co-rapporteur associé à un autre établissement médical. Elle se situe désormais à la quatrième place pour l'attribution de nouveaux dossiers - après l'Allemagne, les Pays-Bas et la Suède, mais avant le Danemark et l'Espagne - et à la troisième place en termes de succès de sa candidature à l'obtention de dossiers. Ces résultats témoignent de la reconnaissance du très haut niveau d'expertise de l'agence et son écoute par les instances européennes, notamment celle du comité de l'agence européenne pour l'évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC).
Ces transformations ont été accomplies alors que l'agence a été confrontée, en 2017, à une réduction drastique de ses financements. Il lui a donc fallu différer des dépenses en matière de résorption de sa dette informatique, de rénovation de ses locaux et réduire ses dépenses d'intervention, alors que les enjeux de sécurité sanitaire dont elle a la charge la place en permanence sous le feu des medias qui relaient les attentes croissantes de nos concitoyens en matière de sécurité sanitaire. Il convient, de ce fait, de saluer d'autant plus le mérite des équipes de l'agence.
J'en viens, à présent, à l'évolution prévisible des activités de l'agence qui consisteront, entre 2019 et 2023, en la poursuite et l'approfondissement de ces axes de travail.
En effet, dans la droite ligne des préconisations du rapport de l'IGAS sur l'audit de la maitrise des risques sanitaires par l'ANSM et des leçons tirées des crises récentes que l'agence a traversées, le contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'agence pour les cinq prochaines années, qui sera formellement signé le 23 mai 2019, retient les quatre axes stratégiques suivants. Ainsi, le premier axe, sur lequel je reviendrai, consiste à développer l'ouverture de l'agence aux parties prenantes et à renforcer la transparence de ses travaux. Le second axe, qui vise à inscrire la gestion du risque comme principe commun à toutes les missions de l'agence, se subdivise en six objectifs : mettre en oeuvre une gestion prédictive du risque sanitaire et élargir le champ d'analyse des signaux ; assurer une gestion renforcée des situations à risque élevé durant tout le cycle de vie des produits de santé ; conduire une communication d'urgence par la mise en place de « vigimédicament » qui couvrira tous les produits de santé; assurer la couverture des besoins sanitaires des patients en produits de santé d'intérêt majeur, médicaments comme DM sensibles ; sécuriser et optimiser l'accès aux produits de santé pour les patients ; et, enfin, assurer une vigilance plus efficace sur les produits et les pratiques en renforçant l'organisation territoriale des réseaux et le pilotage scientifique. Le troisième axe vise au renforcement et à la stabilisation du positionnement de l'agence pour l'accès à l'innovation, dans l'environnement européen, notamment pour les dispositifs médicaux, dont ceux de diagnostic in vitro (DM DIV). Enfin, le dernier axe vise à stabiliser la performance et l'efficience de l'agence.
Je souhaite insister sur deux points, à savoir, d'une part, le premier de ces axes stratégiques qui me semble emblématique de la capacité d'évolution et d'adaptation de l'agence et, d'autre part, l'application de cette stratégie à deux sujets d'actualité qui ont retenu toute votre attention : la sécurité des dispositifs médicaux et de l'approvisionnement en produits de santé. Je voudrais, à cet égard, saluer l'attention que le Parlement porte aux activités de l'agence, et plus particulièrement l'utilité pour celle-ci des deux rapports récents de l'Assemblée nationale et du Sénat, portant respectivement sur les dispositifs médicaux et les pénuries de médicaments.
La mise sur le marché de la nouvelle formule du Levothyrox au printemps 2017 a révélé tout à la fois une inadéquation de la politique d'information des usagers retenue par l'agence et une insuffisante association de ceux-ci et, plus largement, des parties prenantes au processus de décision. Pourtant l'agence avait procédé, avant la mise sur le marché de la nouvelle formule, à une concertation avec les associations d'usagers et les sociétés savantes concernées, et mis en oeuvre une campagne d'informations intense auprès des seuls professionnels de santé, en recourant aux canaux éprouvés de la communication que sont les messages électroniques et les courriers postaux. Aussi, consciente des lacunes de cette démarche, c'est sur une politique de transparence et d'association de toutes les parties prenantes le plus en amont possible, testée en 2018, que l'agence s'est engagée massivement depuis le début de l'année 2019. Dès lors, les processus d'élaboration des décisions de l'agence invitent les agents des directions métiers et produits à examiner et traiter les demandes ou alertes reçues, tout en prenant d'emblée en compte les besoins concrets de l'usager dans leur évaluation des bénéfices et des risques. Le conseil d'administration de novembre 2018 a donné son accord à la refonte totale des commissions et groupes de travail de l'agence. Aux trois commissions permanentes et à la trentaine de groupes de travail qui existent à ce jour vont se substituer seize commissions permanentes dans lesquelles seront durablement appelés à siéger tant les professionnels de santé concernés et intéressés que les associations d'usagers. Un appel à candidatures a été lancé auprès des associations pour proposer des membres en vue d'une mise en place en juin 2019. Les travaux de ces commissions et des comités scientifiques spécialisés (CSST), organes temporaires que l'agence pourra également réunir sur des sujets qui le justifient, sont désormais ouverts au public, retransmis et organisés pour permettre des auditions publiques de personnes intéressées.
L'agence met désormais systématiquement en ligne les données communicables dont elle dispose et le fera pour les données qu'elle détient. D'ailleurs, c'est notamment à partir de l'analyse de données relatives à la nouvelle formule du Levothyrox, mise en ligne par l'agence, qu'a été réalisée l'étude franco-britannique parue récemment dans une revue de langue anglaise sur ce produit.
Elle se donne également pour objectif d'informer, de façon plus systématique, directement les patients, notamment en provoquant un échange entre le médecin et son patient sur le choix d'un produit de santé, médicament ou DM, lorsque celui-ci présente un risque - à l'instar de la prescription de valproate de sodium à des femmes enceintes et à partir de juin 2019, pour la prescription d'androcur. La direction de la communication a également mis au point des supports de communication plus pédagogiques pour les usagers.
Enfin, conformément à l'annonce de la ministre des solidarités et de la santé en septembre 2018 pour mettre en oeuvre le rapport sur l'information des patients, l'agence va assurer la communication d'urgence à l'égard des usagers en cas d'alerte sur un médicament en s'appuyant sur le CASAR auquel sera rattaché le comité d'information sur les produits de santé. À cet égard, la direction de la communication de l'agence, très présente sur les réseaux sociaux depuis l'année 2018, a mis en place un pôle de veille, qui vise notamment à corriger, le plus en amont possible, les fausses informations qui peuvent y être diffusées.
S'agissant des dispositifs médicaux, le règlement UE 2017-745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017, qui entrera en vigueur en mai 2020, est clairement en-deçà des positions de négociation du gouvernement français pour améliorer la sécurité de ces produits, notamment de ceux qui présentent le plus de risques, à savoir les DM implantables et les DM DIV. Il n'en constitue pas moins un progrès par rapport à l'état du droit actuel, très complexe, qui repose, pour leur mise sur le marché, selon le cas sur l'auto-certification ou la certification par des organismes tiers, puis sur la surveillance dans le cadre de la matériovigilance.
Les efforts de l'agence se déploieront tout d'abord au plan européen en assurant la pérennité d'une présence au sein du groupe de coordination des DM et en suscitant une réflexion sur le calendrier d'entrée en vigueur du règlement, au regard notamment du contrôle des organismes notifiés. Au plan national, elle mettra en place une évaluation des demandes d'essais cliniques des DM, au plus proche des exigences de ce Règlement.
L'agence poursuivra la mise en place d'un échelon régional de matériovigilance qui lui apparaît nécessaire à la surveillance de ces produits. Elle va également renforcer la formation de cet échelon régional et le pilotage scientifique à la fois de ce réseau et des autres réseaux de vigilance.
L'agence est pleinement consciente de ses points faibles, qui ont été parfaitement mis en lumière par le rapport de l'IGAS déjà cité, s'agissant notamment de l'évaluation, de la hiérarchisation des alertes et du délai de leur réponse. Ce rapport comporte les recommandations lui permettant de progresser et de monter fortement en puissance. Le contrat d'objectifs et de performance (COP) s'en inspire. Leur mise en oeuvre est une des priorités de l'agence pour les mois et années à venir. Elle a d'ailleurs commencé à le faire en matière d'implants mammaires et de renfort pour le traitement du prolapsus et de l'incontinence urinaire.
Enfin, la prévention et la gestion des ruptures d'approvisionnement de produits de santé sensibles constitueront aussi l'une des priorités de l'agence. Comme le rapport de la mission d'information du Sénat le souligne, les causes de ces ruptures d'approvisionnement peuvent être multiples : défauts de qualité sur une matière première, incidents techniques au sein d'une usine de fabrication, mais aussi mauvaise organisation d'un producteur ou d'un des maillons de la chaine de distribution. Elles relèvent toutes de la responsabilité des entreprises qui les fabriquent, les commercialisent et les distribuent. Leur survenance constitue une menace pour la sécurité des patients concernés, c'est pourquoi l'agence est particulièrement attentive à le prévenir ; la gestion des pénuries étant pour elle très chronophage.
La législation française comporte un arsenal très développé de mesures afin de les prévenir et de sanctionner les entreprises qui se montreraient négligentes. L'agence continuera de veiller au respect des règles qui visent à prévenir ces pénuries, quitte à sanctionner les entreprises négligentes et à déployer tous ses efforts pour faire face aux périodes de pénurie. Elle sensibilisera également ses partenaires européens pour favoriser une approche européenne de cette question, afin d'éviter qu'une rupture d'approvisionnement dans un État n'induise des effets négatifs dans les autres États.
En conclusion, je voudrais vous partager mes interrogations de présidente du conseil d'administration, qui a pour fonctions de donner à l'agence les moyens de ses missions et d'arrêter sa stratégie sur les moyens de l'agence.
Ainsi, est-il pertinent que les recettes que l'agence perçoit du budget de l'État pour compenser les missions de service public qu'elle assure soient à ce point déconnectées de son activité ? Je vous ai cité le chiffre de 84 000 décisions par an, mais ce chiffre ne rend qu'imparfaitement compte de l'importance de l'activité qu'elle déploie et du temps qu'elle y consacre ; les activités les plus chronophages et essentielles pour la sécurité sanitaires, comme de garantir les approvisionnements en produit de santé, ne se traduisant pas par le plus grand nombre de décisions.
Est-il également pertinent que les dépenses en personnel et de fonctionnement de l'agence soient plafonnées, quand son expertise repose sur les agents qui la composent ? Je prendrai deux illustrations. D'une part, l'agence vient de créer, avec la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), le Groupement d'intérêt scientifique (GIS) EPIPHARE destiné à conduire des études épidémiologiques indépendantes aptes à éclairer l'analyse sur la sécurité des produits de santé tout au long de leur vie. Or, le recrutement d'experts au sein de cette structure se heurte à la concurrence exercée par les laboratoires qui rétribuent davantage les mêmes qualifications !
Ma seconde illustration concerne la résorption par l'agence de sa dette informatique qui a été différée en raison des problèmes budgétaires auxquels l'agence a été confrontée en 2016-2017. Or, cette résorption se fait par la location et non plus des investissements et se trouve ainsi soumise à une contrainte non prévue.
Enfin, est-il pertinent, alors que l'agence s'engage sur des travaux sur plusieurs années conformément à son COP, qu'elle ne dispose pas davantage de prévisibilité et sécurité sur son financement pour la période correspondante ?
Je demeure néanmoins confiante dans la capacité de l'agence et de la direction du budget, avec laquelle un dialogue constructif a été conduit depuis 2017, à trouver des réponses adéquates à ces interrogations et à assurer une dotation en adéquation avec ses missions. Cette démarche ne manquera pas d'être aidée par les conclusions de l'audit de l'agence que la Cour des comptes vient de débuter à votre demande, Monsieur le Président. Je vous remercie de votre attention.