Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 23 janvier 2009 à 10h00
Accélération des programmes de construction et d'investissement — Article 3, amendements 4 2010

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

À la faveur de cet article, nous retrouvons la question des contrats de partenariat public-privé, dont nous avons déjà longuement débattu au mois de juillet mais sur laquelle je tenais à rappeler la position du groupe socialiste, pour que les choses soient parfaitement claires.

Nous pensons que les contrats de partenariat public-privé doivent figurer dans la panoplie des outils proposés à l’État et aux collectivités territoriales en cas de circonstances particulières. Imaginez une catastrophe, un pont qui s’écroule, ou encore des problèmes d’une très grande complexité : le recours à ce type de contrats peut se justifier.

Nous désapprouvons en revanche la volonté, constamment manifestée par certains depuis quelques années, de voir ces contrats généralisés à l’ensemble du champ de la commande publique.

En 2003, saisi par notre groupe, le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa grande sagesse, que ces contrats devaient être réservés à des circonstances définies par des critères d’urgence ou de complexité. En plus d’être sage, cette position est évidemment légitime. Quoi qu’il en soit, comme toutes les autres décisions du Conseil constitutionnel, elle s’impose à nous comme à l’ensemble des autorités publiques.

En dépit du discours de Mme Lagarde sur le respect qu’elle voue au Conseil constitutionnel et à la décision précitée, l’objet non avoué de la loi du 28 juillet 2008 était bien de généraliser la possibilité de recourir aux contrats de partenariat public-privé, dès lors qu’ils étaient plus avantageux.

Le tour de passe-passe consistait à déclarer quinze sujets urgents jusqu’en 2012. Pour faire mine de respecter la volonté du Conseil constitutionnel, tout devenait urgent, de l’urbanisme aux universités en passant par la santé ou l’environnement.

Nous nous sommes donc opposés à ce texte et avons, de nouveau, saisi le Conseil constitutionnel, qui, restant fidèle à lui-même, nous a largement donné raison en estimant qu’il n’était pas raisonnable de procéder de la sorte.

C’est pourquoi je vous félicite, madame le rapporteur, d’avoir retiré l’amendement n° 4 par lequel il s'agissait, une nouvelle fois, de contourner cette décision du Conseil constitutionnel en affirmant qu’un certain nombre de sujets devenaient soudainement urgents, cette fois-ci jusqu’en 2010.

Par ailleurs, à l’instar du Conseil d'État, le Conseil constitutionnel a utilement précisé que, pour la mise en œuvre du critère du « bilan favorable », le paiement différé ne saurait à lui seul constituer un avantage. Cette précision figure expressément dans la loi du 28 juillet 2008. Je me permets d’insister sur ce point.

En conséquence, mes chers collègues, notre position est très claire : nous pensons que les contrats de partenariat posent de réels problèmes et qu’il convient d’y recourir avec prudence.

J’aurai l’occasion de revenir sur ce point dans le cours du débat. Pour l’instant, je souhaiterais conclure mon intervention en me référant à un article aussi intéressant que préoccupant paru dans Libération le 19 janvier dernier, et relatif à la toute nouvelle prison de Roanne.

On nous a dit et redit que les contrats de partenariat public-privé permettraient de régler beaucoup de problèmes, notamment de construire vite et bien… Voilà pourtant ce que déclare un responsable syndical de la prison de Roanne dans les colonnes de Libération : « Ils ont tellement précipité le chantier que le temps de séchage du béton n’a pas été respecté […]. Les serrures ne tiennent pas : lors d’un exercice, un surveillant a défoncé la porte d’une cellule du quartier d’isolement en quarante et une secondes. Les panneaux de basket de la cour de promenade des femmes ne sont pas fixés, on peut les arracher à la main. Les plaques d’égout, pareil : on peut se prendre une plaque de 10 à 15 kilos dans la tronche. Les barbelés au-dessus des grillages commencent déjà à s’effilocher, et on peut plier leurs lames à la main. Les écrans tactiles ne marchent qu’une fois sur deux. Les détenus peuvent se glisser en dessous des grilles de la cour de promenade, car elles ne vont pas jusqu’au sol.»

Pour finir, permettez-moi, monsieur le président, de lire également la conclusion de cet article : « Face à ces problèmes en série, l’administration et le constructeur, Eiffage, “passent leur journée à éplucher les contrats, pour savoir qui va payer les réparations”, dit Vincent Mora. Les cinq personnes employées pour la maintenance technique sont “débordées”. “La direction nous a demandé d’arrêter les tests de solidité, soupire Sylvain Piron. Ça cassait tellement de tous côtés qu’on n’avait plus les moyens techniques ni le temps de réparer.” »

Le reste de l’article est de la même veine. Je me suis permis de le citer pour attirer votre attention, mes chers collègues, sur les solutions miracle et autres conceptions lumineuses qui, nous dit-on, permettraient de construire vite et bien dans les meilleures conditions financières.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion