Cet article soulève d’abord un problème de méthode quant à la façon de travailler du Parlement.
Personne n’a oublié les débats qui ont eu lieu ici même lors de la discussion de la loi du 28 juillet 2008, non plus que les termes mêmes de cette loi, sur laquelle l’urgence avait été déclarée. Il serait d’ailleurs intéressant de relire les interventions des uns et des autres.
Finalement, bien que cette loi ne soit toujours pas appliquée à ce jour, il nous est demandé de la modifier !
Mes chers collègues de la majorité, vous avez voté une disposition que vous estimiez très pertinente. Dès lors, pourquoi donc la remettre en cause avant même qu’elle n’ait été mise en œuvre ?
À l’appui de ces propos, je citerai Mme Laure de La Raudière, rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale, qui, à la page 42 de son rapport, écrit ceci :
« À l’inverse, devant le Sénat, Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, ne s’était pas montrée favorable à une cession totale » [de la créance] – c’est ce que vous nous proposez aujourd’hui –, « la part restante non cédée contribuant ainsi, selon la ministre, à garder le partenaire privé en situation de risque ou à lui imposer des pénalités s’il n’atteint pas ses objectifs. Le transfert, rémunéré, de risques au partenaire privé est en effet l’une des bases du PPP. Dans le cadre d’un équilibre contractuel, le partenaire privé peut s’engager sur le respect des délais et des coûts, sous peine de pénalités. Cette disposition contribue, de fait, au respect assez général des délais par les PPP.
« Lors des débats parlementaires, un compromis s’est dégagé sur la base d’une soumission de la cession d’une créance dans le cadre d’un contrat de partenariat au droit commun, la cession “Dailly”, sous réserve de certaines spécificités, et notamment la limitation à 80 % de la part maximale de la créance susceptible d’être cédée. »
Monsieur le ministre, vous nous proposez aujourd’hui une solution bien divergente de celle que défendait alors Mme Lagarde.
Pour notre part, après avoir proposé, par notre amendement précédent, la suppression de cet article, nous suggérons de limiter à 80 % la part de créances pouvant être cédées et à 50 % la part de la rémunération due par la personne publique au titre des coûts d’investissement et de financement pouvant être cédée.
Que se passerait-il si nous acceptions que la part de créances puisse être cédée dans sa totalité ?
Nous sommes en présence de trois acteurs : la collectivité locale ou l’État ; l’entreprise avec laquelle le contrat de partenariat a été conclu ; la banque, à laquelle, dans l’hypothèse où le dispositif qui nous est soumis serait adopté, la créance de l’entreprise est entièrement rétrocédée. Dans ce dernier cas, il ne reste plus que deux partenaires, à savoir la collectivité et la banque, cette dernière – faut-il le préciser ? – n’ayant pas signé le contrat de partenariat, puisque c’est l’entreprise qui l’a signé.
Le partenariat public-privé doit demeurer une procédure à laquelle il ne devrait être possible de recourir que dans des cas très précis. Il a pour fondement la responsabilité de l’entreprise par rapport à la collectivité. Or cette cession de créances est contraire à ce principe et déresponsabilise, qu’on le veuille ou non, le partenaire privé. Cela ne nous paraît pas souhaitable, et Mme Lagarde partageait d’ailleurs notre point de vue, en juillet dernier.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, vous me permettrez de me ranger à l’argumentation de votre collègue et de ne pas accepter votre proposition.