Cet amendement a été déposé par M. Ralite, notre collègue spécialiste de l’audiovisuel.
L’article 142 de la loi de modernisation de l’économie, dite « loi LME », est issu d’un amendement de commande déposé par M. Frédéric Lefebvre, député des Hauts-de-Seine, département qui accueille nombre de sièges de chaînes de télévision, dont TF1 à Boulogne-Billancourt, M6 à Neuilly-sur-Seine, Direct 8, propriété du groupe Bolloré, à Puteaux.
La chaîne TF1 s’est d’ailleurs attaché les services de M. Laurent Solly, qui fut un temps collègue de travail de M. Lefebvre au cabinet de Nicolas Sarkozy, place Beauvau. M. Lefebvre est donc très au fait des questions liées à l’audiovisuel !
Nous devons d’emblée nous interroger sur le sens profond de l’activité parlementaire quand de tels amendements sont soumis aux suffrages d’une assemblée, quelle qu’elle soit.
Cet amendement, devenu l’article 142 de la loi LME, a modifié le premier alinéa du I de l’article 39 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dite « loi Léotard », en assouplissant les règles anti-concentration dans le secteur de la télévision.
L’article 39 de la loi du 30 septembre 1986 disposait, jusqu’en juillet dernier, ceci : « Une même personne physique ou morale agissant seule ou de concert ne peut détenir, directement ou indirectement, plus de 49 % du capital ou des droits de vote d’une société titulaire d’une autorisation relative à un service national de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre dont l’audience moyenne annuelle par un réseau de communications électroniques au sens du 2°de l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques, tant en mode analogique qu’en mode numérique, dépasse 2, 5 % de l’audience totale des services de télévision. »
Lors de l’adoption du régime juridique de la TNT, défini par la loi du 1er août 2000 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, cette disposition a été étendue aux chaînes de la TNT.
L’article 142 a modifié, pour les chaînes de la TNT, non pas le taux concernant la part de capital – la manœuvre aurait été trop grossière –, mais le taux d’audience totale, relevé de 2, 5 % à 8 %. Avec un tel taux, la règle anti-concentration a désormais peu de chances de se déclencher un jour s’agissant de la TNT !
Je précise que votre majorité, alors dans l’opposition, s’était opposée à cette TNT lors du vote de la loi du 1er août 2000. Il faut dire que TF1 et M6, mais surtout TF1, avaient œuvré très activement contre son développement, ne croyant pas, à l’époque, en ce modèle de télévision ! En huit ans, les choses ont bien changé !
J’ajoute que les opposants d’hier, TF1 comme M6, ont investi dans la TNT. La première détient 50 % de TMC, la seconde 100 % de W9.
La TNT a peu à peu trouvé son public, et d’autres groupes, comme Bolloré, qui détient 100 % de Direct 8, ou Lagardère, propriétaire à 100 % de Virgin 17 et à 66 % de Gulli, leur ont emboîté le pas. Alors, pourquoi ce changement radical ?
Lors de la discussion de la loi LME, le changement de taux d’audience était « vital pour soutenir le développement de la TNT ». Pourtant, les chaînes de la TNT ont très bien réussi à se développer avec l’ancien seuil.
Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, lors du débat à l’Assemblée nationale, a soutenu cet amendement, parlant de « modèle économique fragile ». N’était-il pas déjà fragile au moment de son lancement, en 2000 ?
Cette fragilité exigerait que ces chaînes – je cite toujours Mme la ministre – « soient soutenues par des groupes à l’assise financière solide ». Or ces mêmes groupes avaient tout fait pour que la TNT ne sorte jamais des cartons !
Aujourd’hui, les audiences sont en constante progression : 2, 1 % de la part d’audience au mois de mai pour TMC, filiale de TF1, et 1, 9 % pour W9, propriété de M6. Ces ne veulent pas partager le gâteau et s’inquiètent donc de l’obligation d’ouverture du capital que la loi allait leur imposer. Heureusement, le projet de loi de modernisation de l’économie, voiture-balai de la session extraordinaire 2007-2008, est passé par là ! Et parce que de gros intérêts sont en jeu, on décide de changer les règles du jeu en fonction des convenances de certains !
Le seuil des 2, 5 % d’audience totale avait un objectif : protéger le pluralisme et lutter contre la concentration à la télévision. Cet objectif est plus que jamais d’actualité aujourd’hui alors que la question de la trop grande concentration des médias se pose avec autant d’acuité, et plus encore depuis l’adoption la semaine dernière du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle, texte qui autorise notamment la deuxième coupure publicitaire. Décidément, c’est trop de cadeaux !
L’amendement n° 117 vise donc à supprimer l’article 142 de la loi LME, et, partant, à permettre que de nouveaux investisseurs se décident à créer les conditions du pluralisme et de la diversité de l’offre de programmes et de services proposée aux téléspectateurs.