rapporteur. - Notre rapport s'attache à faire des propositions pour nous adapter aux dérèglements climatiques. Un constat, tout d'abord : nous ne partons pas de rien en matière de politique d'adaptation. Depuis dix ans, les connaissances sur le changement climatique et ses impacts ont fortement progressé et les politiques d'adaptation au changement climatique ont été régulièrement mises à jour. Ainsi, depuis la canicule de 2003, de réels progrès ont été réalisés dans la gestion des vagues de chaleur. Par ailleurs, de nombreux acteurs sont déjà impliqués dans les politiques d'adaptation, qu'il s'agisse de la communauté scientifique (BRGM, Institut national de la recherche agronomique, etc.) et de divers opérateurs comme l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) ou le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Toutefois, certains acteurs du terrain, tels que les collectivités territoriales, ne sont pas encore suffisamment sensibilisés aux enjeux d'adaptation au changement climatique alors qu'il faut au contraire décliner les politiques d'adaptation dans tous les territoires et dans tous les secteurs économiques. De même, l'opinion publique reste encore trop focalisée sur les politiques d'atténuation des dérèglements climatiques, même si une inflexion semble en train de s'opérer.
Afin de donner un nouvel élan aux politiques d'adaptation, nous effectuons quatre recommandations stratégiques déclinées en 18 propositions.
D'abord, il nous paraît indispensable d'inscrire plus activement l'adaptation au changement climatique dans le débat public. Pour atteindre cet objectif, il faut mieux utiliser les lieux institutionnels dans lesquels se construit le débat sociétal, tels que le Parlement, le Conseil économique social et environnemental (CESE) ou encore le Conseil national de la transition écologique (CNTE), dont j'ai l'honneur de présider la commission spéciale chargée de l'orientation de l'action de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC).
Par ailleurs, nous devons renforcer l'accompagnement par l'État des collectivités et des acteurs économiques. Si l'État met à la disposition des acteurs du terrain une « boîte à outils » déjà bien fournie, il y a encore des trous dans la raquette. Ainsi, en dépit des annonces faites dans le Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC) de 2018, Hervé le Treut nous a confié qu'aucun crédit n'était affecté au programme « gestion et impacts du changement climatique ». Il n'existe donc pas aujourd'hui d'action de recherche nationale interdisciplinaire destinée à créer l'expertise nécessaire pour affronter la crise des territoires face au réchauffement climatique.
Afin d'assurer la diffusion des connaissances et de donner aux collectivités territoriales des outils statistiques pour définir leurs politiques d'adaptation, nous avançons une proposition forte : garantir un accès gratuit à toutes les données climatiques, et notamment aux scénarios climatiques régionalisés de Météo-France.
Pour accélérer la déclinaison des politiques d'adaptation dans les collectivités et les filières économiques, la démarche de prospective régionale lancée par la région Nouvelle Aquitaine nous paraît être un modèle qui mériterait d'être généralisé.
Il est également nécessaire de progresser dans la quantification de l'effort financier indispensable aux politiques d'adaptation. Cette quantification n'est pas facile, car, pour une large part, l'effort à fournir peut s'intégrer dans les investissements courants. Un des enjeux majeurs de l'adaptation est de faire en sorte que ces derniers prennent pleinement en compte la problématique du changement climatique. Le secteur du bâtiment est un exemple pertinent. En effet, les constructions réalisées aujourd'hui ont vocation à perdurer pendant plusieurs décennies. Il est donc essentiel de les concevoir et de les réaliser pour qu'elles soient adaptées au réchauffement climatique. Si on cherche à les adapter après, l'adaptation sera plus coûteuse et moins efficace.
Pour être acceptées à la fois par la population et les territoires, les politiques d'adaptation devront mettre en place des outils de mutualisation des coûts et de solidarité financière pour soutenir les populations, les secteurs d'activité ou les territoires les plus exposés aux impacts du changement climatique ou les moins bien armés pour y faire face. Un des enjeux est de faire du secteur assurantiel un levier de l'adaptation. La prise en charge par les assurances du coût des sinistres devrait pouvoir être modulée afin d'inciter l'adaptation du bâti aux changements climatiques. Actuellement, les règles d'indemnisation peuvent constituer un frein aux politiques d'adaptation. Il faut au contraire les transformer en levier.
En ce qui concerne le rôle respectif des collectivités territoriales dans les politiques d'adaptation au dérèglement climatique, les régions doivent être confortées dans leur rôle d'orientation stratégique. Par ailleurs, il convient de faciliter la déclinaison opérationnelle des politiques d'adaptation par les intercommunalités. Enfin, les autres niveaux d'organisation territoriale doivent également être associés dans la conception et la mise en oeuvre de ces politiques.
Enfin, la dernière recommandation stratégique du rapport est d'accentuer l'effort national dans quatre domaines d'adaptation complexes et sensibles : un soutien renforcé aux territoires les plus vulnérables au changement climatique ; une politique ambitieuse d'adaptation au bâti ; la mise en place de politiques de l'eau qui tiennent compte du changement climatique ; l'instauration d'un plan national d'adaptation de l'agriculture.
Dans ce secteur, il n'y a pas encore de stratégie d'adaptation au niveau des filières. Il faut dépasser le cadre des actions pionnières individuelles. Il faut également raisonner en ne se limitant pas à l'adaptation des seuls agriculteurs. L'adaptation de l'agriculture est en effet autant l'affaire des grandes coopératives, des industriels, des distributeurs et des consommateurs que celle des agriculteurs. J'insiste aussi sur l'urgence des transformations à opérer. Les impacts agricoles du changement climatique sont là et modifient déjà profondément les paramètres économiques de l'activité. Par exemple, la sécheresse de 2018 a mis en relief les faiblesses du modèle économique de l'élevage dans le Limousin, qui n'est plus viable dès lors que le fourrage doit remplacer les pâturages.