Intervention de Jean-Yves Roux

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 16 mai 2019 à 8h30
Examen du rapport sur l'adaptation de la france aux dérèglements climatiques à l'horizon 2050

Photo de Jean-Yves RouxJean-Yves Roux, rapporteur :

Le changement climatique nous oblige à adapter nos politiques de l'eau : c'est le troisième chantier qui appelle une attention particulière. Pour faire face aux tensions sur les ressources hydriques, la stratégie est claire. La première priorité, c'est de développer des usages plus parcimonieux de l'eau : améliorer le rendement des réseaux d'eau potable et d'irrigation, développer les équipements hydro-économes ou de récupération des eaux de pluie, faire évoluer les pratiques des acteurs économiques, notamment dans le secteur agricole. La deuxième priorité, c'est de développer des politiques de l'eau fondées sur la nature, telles que la désartificialisation des sols et la préservation des zones humides, qui permettent d'optimiser la recharge des nappes et de lutter contre les inondations. Ces deux priorités impliquent une priorité budgétaire : préserver le budget des agences de l'eau. Elles impliquent également de mettre en place des mécanismes de tarification de l'eau cohérents.

Toutefois, il n'est pas certain que le respect de ces deux priorités suffise à résoudre les problèmes de pénurie d'eau et, dès maintenant, il apparaît clairement qu'il ne sera pas possible de faire face partout aux besoins sans développer le stockage de l'eau. La question du stockage hivernal de surface doit donc être clairement incluse dans le débat public. Elle doit être traitée de manière pragmatique et responsable, en évitant les postures. Il est possible d'y parvenir dans le cadre d'une démarche de projet de territoire, dans laquelle tous les acteurs concernés construisent une vision partagée de l'avenir de leur territoire et font les compromis nécessaires. Le rapport cite l'exemple des Deux-Sèvres, qui peut servir de modèle sur ces questions.

Enfin, notre rapport insiste sur un quatrième chantier : l'adaptation du secteur agricole. Au niveau technique, les solutions adaptatives sont relativement bien identifiées : décalage de la date des semis, innovation variétale, optimisation des méthodes d'irrigation, mutation structurelle vers l'agroécologie et l'agroforesterie, ainsi que recomposition de la carte des cultures en France. La difficulté réside dans la mutation économique des filières agricoles : elle implique des coûts, des investissements, ainsi qu'une capacité à faire évoluer ensemble non seulement les exploitations agricoles, mais également tous les acteurs de chaque filière. Une telle mutation n'est pas réalisable sans l'appui des pouvoirs publics. C'est la raison pour laquelle nous proposons la mise en place d'un plan national d'adaptation de l'agriculture au changement climatique, dont l'enjeu serait de faire de l'agriculture un atout dans la transition climatique et de préserver la souveraineté alimentaire de la France. Les objectifs de ce plan seraient les suivants : mieux rémunérer les services environnementaux rendus par l'agriculture, notamment en mobilisant des fonds sur le pilier 2 de la politique agricole commune ; fixer aux chambres d'agriculture une mission d'accompagnement des agriculteurs dans la transition climatique ; intégrer l'enjeu de l'irrigation et du stockage de l'eau de manière responsable, en conditionnant le stockage à l'évolution des pratiques agricoles. Selon moi, grâce aux nombreux services agrosystémiques qu'elle peut rendre à l'homme et à la nature, une agriculture qui saura se transformer n'est pas le problème mais une grande partie de la solution aux défis de la transition climatique.

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