Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les commissions mixtes paritaires sur le projet de loiorganique portant modification du statut d’autonomie de laPolynésie française et sur le projet de loi portant diversesdispositions institutionnelles en Polynésie française sontparvenues à un accord sans aucune difficulté.
Cette heureuse conclusion est l’aboutissement d’untravail mené en étroite concertation avec toutes les partiesprenantes : le Gouvernement, bien sûr, mais aussi chacune desdeux assemblées, ainsi que les parlementaires polynésiens, que je salue, lesreprésentants des institutions de la Polynésie française et tous ceux qui se sentent concernés par l’avenir de ce beau territoire.
Je veux remercier très sincèrement Mme la ministre des outre-mer et mon homologue rapporteur de l’Assemblée nationale, Guillaume Vuilletet, de ce travail constructif.
Ces deux textes visent pour l’essentiel à moderniser le statut de la Polynésie française pour faciliter l’exercice de ses compétences par le pays, ainsi que sa coopération avec l’État et les communes polynésiennes. Alors que les précédentes révisions du statut, en 2007 et en 2011, avaient plutôt pour objet de resserrer la réglementation pour mettre fin aux dérives observées par le passé, la réforme actuelle est un témoignage de confiance à l’égard des responsables polynésiens, qui ont su renouer avec la stabilité institutionnelle, assainir la situation budgétaire du pays et remettre son économie en marche.
Le projet de loi organique a également pour objet decorriger une malfaçon de la réforme de 2011 en ce quiconcerne les modalités de remplacement des représentants à l’assemblée de la Polynésie française. Il est urgent demettre fin à une incertitude juridique qui met en péril lastabilité des institutions du pays.
Enfin, le projet de loi organique reconnaît solennellement la contribution, ou plutôt la mise à contribution, de la Polynésie française pour la construction de la capacité de dissuasion nucléaire et la défense de laNation. Il inscrit en tête du statut de la Polynésie les principesde l’indemnisation des victimes des essais nucléaires, del’entretien et de la surveillance par l’État des sitesd’expérimentation et de l’accompagnement de la reconversionéconomique et structurelle du pays à la suite de la fin des essais.
Ces dispositions, je le sais, répondent à une attente fortede nos concitoyens polynésiens et traduisent dans la loiorganique les engagements pris par l’État dans le cadre del’accord de Papeete du 21 février 2017.
En première lecture, le Sénat a enrichi très substantiellement les deux textes, pour répondre mieux encore aux besoins de la Polynésie. J’en veux pour preuve la réforme du régime contentieux des lois du pays, qui permettra d’accélérer la mise en œuvre des politiques locales, la nouvelle faculté donnée aux autorités polynésiennes de saisir le Conseil d’État de questions de droit portant sur la délimitation de leurs compétences et sur le domaine des lois du pays, l’assouplissement du régime des sociétés publiques locales, les SPL, créées par la Polynésie française, ainsi que des incompatibilités frappant les membres d’autorités administratives indépendantes locales, la transformation de la dotation globale d’autonomie en prélèvement sur recettes, afin de sanctuariser cette ressource versée à la Polynésie française depuis la fin des essais nucléaires et destinée à accompagner sa reconversion, l’ajout de dispositions visant à encourager la coopération entre les collectivités polynésiennes ou encore d’importantes dispositions, inspirées de la proposition de loi du député Serge Letchimy, visant à faciliter la sortie de l’indivision foncière en Polynésie française. Je veux insister tout particulièrement sur ce dernier point, en rendant hommage à nos collègues Michel Magras, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer, et Robert Laufoaulu, sénateur de Wallis-et-Futuna, qui ont contribué à la rédaction de la partie du rapport consacrée au foncier.
Nos collègues députés, constatant que les deux textes étaient parvenus à un équilibre, n’y ont apporté que des modifications légères, mais utiles. Outre diverses retouches rédactionnelles, l’Assemblée nationale a ainsi précisé la portée de plusieurs dispositions et les a complétées en supprimant l’extension, malvenue en Polynésie française, de la dépénalisation du stationnement payant.
En commission mixte paritaire, il ne nous restait donc qu’à opérer quelques corrections de pure forme, ainsi qu’une coordination avec la loi tendant à sécuriser l’actionnariat des entreprises publiques locales, due à l’initiative de notre collègue Hervé Marseille, qui vient d’être adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées.
Nous avons par ailleurs confirmé la suppression de deux demandes de rapport, portant respectivement sur l’accessibilité et l’intelligibilité du droit en Polynésie française et sur le placement de leurs fonds libres par le pays et ses établissements publics. Je sais que notre collègue Lana Tetuanui en a conçu quelques regrets, mais je veux la rassurer : plutôt que de demander au Gouvernement des rapports qui ne viendront jamais, le Parlement se saisira lui-même de ces questions, notamment de celle de l’intelligibilité du droit applicable en Polynésie française et dans les autres collectivités ultramarines.
J’ai pu mesurer, en travaillant sur le projet de loi ordinaire, combien il est difficile pour toute personne normalement constituée de comprendre certaines dispositions d’adaptation du droit en Polynésie. Ce n’est pas un hasard si les Polynésiens appellent le code général des collectivités territoriales, le CGCT, le code général « casse-tête » ! Il faut y réfléchir sérieusement, d’autant que le problème pourrait bientôt se généraliser avec les progrès de la différenciation territoriale.
Je sais aussi que certains auraient souhaité que nous allions encore plus loin dans la rénovation du statut de la Polynésie française et dans la compensation des dommages provoqués par les essais nucléaires sur ce territoire. Nous avons fait ce qu’il était possible de faire, dans le cadre de la loi organique ou ordinaire et dans le respect de la Constitution. Nous resterons vigilants sur la transformation de la dotation globale d’autonomie, la DGA, en prélèvement sur recettes et sur la manière dont elle sera traduite dans la prochaine loi de finances.
En tout état de cause, je veux que chacun mesure les avancées que comprennent ces deux projets de loi, à l’issue de la navette parlementaire. Demain, grâce à ces deux textes, les institutions de la Polynésie française seront plus solides, leur fonctionnement sera plus fluide, les problèmes fonciers rencontrés par un grand nombre de nos concitoyens polynésiens pourront trouver une solution et la République aura solennellement reconnu sa « dette nucléaire » à l’égard de la Polynésie française. Ce n’est pas rien, on en conviendra !
Mes chers collègues, je vous invite donc à adopter les projets de loi organique et ordinaire dans leur rédaction issue des travaux des commissions mixtes paritaires.