Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous devons nous réjouir, bien sûr, de la réussite des deux commissions mixtes paritaires, réunies en une seule, qui ont approuvé le bon compromis dû au travail des rapporteurs, et tout particulièrement de celui du Sénat, M. Darnaud.
Vous l’avez rappelé, madame la ministre, ces textes sont le fruit de l’accord signé en 2017 par François Hollande et Édouard Fritch. Vous incarnez donc la continuité de la République, le Président de la République et le Gouvernement s’étant inscrits dans la même logique. Il faut s’en réjouir !
Madame la ministre, je sais combien vous êtes attentive à la question de l’indemnisation des victimes des essais nucléaires.
Dans le texte initial, que nous avions d’ailleurs voté, était évoquée une contribution déterminante de la Polynésie française à la dissuasion nucléaire française : comme si les Polynésiens s’étaient levés en masse pour réclamer des essais nucléaires, ce qui n’est pas tout à fait conforme à la réalité historique… L’Assemblée nationale a apporté une modification que l’on a qualifiée de « sémantique » – magnifique science des signes et du sens ! –, en proposant la rédaction de compromis suivante : « La République reconnaît la mise à contribution de la Polynésie française pour la construction de la capacité de dissuasion nucléaire et la défense de la Nation. » Cette formulation est tout à fait judicieuse : nos amis polynésiens ont en effet été mis à contribution, et notre pays a une dette à leur égard.
La loi Morin de 2010 a été considérée comme un progrès. Malheureusement, madame la ministre, lors de la première lecture, vous nous avez annoncé que seulement 11 % des 1 245 dossiers déposés entre 2010 et 2017 avaient donné lieu à une indemnisation financière par le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, le Civen, dont 75 en 2018, et vous avez ajouté que tout laissait à penser qu’il en serait de même dans les années à venir. Si le traitement des dossiers continue à avancer au rythme de 75 par an, sachant qu’il en reste un peu plus de 1 000, il ne faut pas être grand mathématicien pour établir qu’il faudra une quinzaine d’années pour indemniser l’ensemble des personnes concernées, souvent âgées.
C’est pourquoi je me permets de revenir sur ce point. Je ne le fais pas dans un esprit vétilleux, même si l’on pourrait parfaitement critiquer le fait que si peu d’indemnisations ont été accordées durant sept années. Vous avez annoncé que le Civen bénéficierait de davantage de crédits. Dans ce cas, pourriez-vous vous engager à faire en sorte que le traitement des dossiers, dont certains sont déposés depuis 2010, soit plus rapide ? Au-delà des effets d’annonce, nous avons des concitoyens qui ont droit à des indemnisations et qui les attendent depuis trop longtemps, surtout compte tenu de l’âge d’un certain nombre d’entre eux.
L’action menée avec votre collègue Mme Buzyn sur la question des pathologies radio-induites est bien sûr très positive. Les mesures en faveur de la dépollution des atolls – il faudra examiner concrètement ce qui sera entrepris – et la mise en place du centre de mémoire des essais nucléaires vont aussi dans le bon sens.
En définitive, les deux projets de loi dont nous débattons permettent d’assurer de la stabilité aux ressources de la Polynésie française. Que la DGA devienne un prélèvement sur recettes, et sorte donc du budget du ministère des outre-mer, aura pour effet de la pérenniser, ce qui est important pour le financement de la Polynésie française.
D’autres mesures techniques ont été approuvées lors de la commission mixte paritaire, s’agissant par exemple du statut de droit public des quelque 3 000 agents non fonctionnaires recrutés localement, à l’exception de 200 agents qui relèvent de la défense nationale et qui feront l’objet d’un traitement spécifique. Cette question sera, je pense, suivie plus particulièrement par la ministre des armées, mais je ne doute pas que vous serez vigilante, madame la ministre.
De même, Thani Mohamed Soilihi l’a dit, les mesures pour lutter contre l’indivision foncière sont précieuses, ainsi que les dispositions techniques relatives au stationnement, qui vont donc s’appliquer en Polynésie française après avoir été mises en œuvre en Nouvelle-Calédonie.
Notre collègue Lana Tetuanui avait présenté des amendements, qui sont devenus les articles 14 et 16 du projet de loi ordinaire, prévoyant la remise par le Gouvernement d’un rapport destiné à exposer comment la loi serait rendue intelligible, compréhensible et accessible. Dans sa sagesse, la commission mixte paritaire a retiré ces dispositions. Je crois qu’elle a bien fait, mais il est vrai que les interférences entre le droit national et ce qui relève du droit local et de l’adaptation locale du droit national sont parfois nombreuses. Néanmoins, sans qu’il soit nécessaire de vous demander un rapport, je ne doute pas, madame la ministre, que vous veillerez à l’intelligibilité des textes et à leur bonne compréhension.
En conclusion, le groupe socialiste et républicain votera lui aussi ces deux textes, qui vont dans un sens tout à fait positif.