Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en l’absence de nos collègues polynésiens, j’ai l’honneur et le plaisir d’intervenir aujourd’hui sur les deux projets de loi se rapportant à la Polynésie française, collectivité d’outre-mer régie par l’article 74 de la Constitution.
Ces projets de loi, déposés sur le bureau du Sénat le 12 décembre 2018, examinés en première lecture le 13 février 2019 et adoptés à l’unanimité par notre assemblée, puis modifiés et votés à l’Assemblée nationale le 11 avril, ont fait l’objet d’une commission mixte paritaire conclusive le 7 mai dernier. Nous nous en félicitons.
Cette loi organique et cette loi simple, qu’il nous appartient aujourd’hui d’entériner, visent à moderniser le statut de la Polynésie française pour faciliter l’exercice de ses compétences par le pays ainsi que sa coopération avec l’État et les communes. Je suis heureux que ces textes satisfassent dans une large mesure la volonté de la majorité gouvernementale du pays de la Polynésie française et concrétisent un engagement fort de la République à l’égard de cette collectivité d’outre-mer marquée par le fait nucléaire.
En effet, outre l’impératif de modernisation de la loi statutaire, cette réforme élève au rang législatif la reconnaissance du fait nucléaire et de toutes ses incidences économiques, sanitaires et environnementales, qui ont profondément marqué la société polynésienne. L’État reconnaît en effet solennellement la mise à contribution de la Polynésie française pour la construction de la capacité de dissuasion nucléaire et la défense de la Nation.
Avec l’article 1er du projet de loi organique portant sur le fait nucléaire, toutes les conséquences de celui-ci sont donc aujourd’hui reconnues et assumées par l’État. Cela répond à un vœu très cher des Polynésiens et constitue un acte ayant valeur de « pacte de confiance », qu’il convenait de sanctuariser dans la loi statutaire.
Le vœu des élus polynésiens était également d’aller plus loin dans la sanctuarisation de la dotation globale d’autonomie, dite « dette nucléaire », car elle était rabotée chaque année, à l’instar d’une dotation globale de fonctionnement. À cet égard, nous nous félicitons que l’article 1er de la loi simple soit maintenu tel qu’adopté au Sénat en première lecture. Il conforte ainsi le principe de l’instauration future d’un prélèvement sur recettes qui déterminera de manière pérenne le montant de la dotation globale d’autonomie, conformément aux engagements de l’État pris en 1996 lors de l’arrêt des essais nucléaires. Il conviendra donc de veiller à opérer ce prélèvement sur recettes au travers de la prochaine loi de finances.
Par ailleurs, il était essentiel de toiletter le statut de large autonomie dont bénéficie la Polynésie, pour un fonctionnement plus efficient de ses institutions et dans une perspective de développement économique durable.
À ce titre, permettez-moi de faire un peu d’histoire, pour rappeler les grandes dates ayant jalonné le parcours menant au statut d’autonomie de la Polynésie française.
Cette marche de la Polynésie vers l’autonomie est ancienne. Établissement français de l’Océanie à l’origine, devenu territoire d’outre-mer dénommé « Polynésie française » en 1957, ce territoire a connu de nombreuses réformes statutaires visant à répondre aux attentes légitimes des élus locaux en matière de gestion de leurs propres affaires.
Ainsi, dès 1977, une première tentative d’autonomie de gestion avait été mise en œuvre, mais ce n’est qu’en 1984 qu’une véritable autonomie dite « interne » a été concédée au territoire de la Polynésie. En 1996, c’est la loi organique du 1er avril qui conféra à la Polynésie un nouveau statut d’autonomie, avec une personnalité propre et des compétences accrues, au moment même où s’interrompaient les essais nucléaires.
Enfin, en 2004, c’est par l’adoption de la loi organique du 27 février que la Polynésie française devient un pays d’outre-mer. Elle dispose donc désormais d’une très large autonomie : il est clairement prévu que « la Polynésie se gouverne librement et démocratiquement par ses représentants élus et par la voie du référendum local ».
Après plus d’une décennie d’application de la loi organique de 2004, il convenait d’améliorer, de toiletter ce statut, et de clarifier certaines de ses dispositions. C’est l’objet des deux textes présentés par le Gouvernement, que de nombreux amendements du Sénat puis de l’Assemblée nationale sont venus enrichir. On relèvera néanmoins, pour la regretter, la suppression de deux rapports, prévus aux articles 14 et 16 du projet de loi ordinaire, qui avaient pourtant fait l’objet d’un accord et d’un engagement de Mme la ministre lors de la première lecture au Sénat.
L’essentiel des réformes prévues par ces deux projets de loi vont toutefois, heureusement, permettre notamment d’introduire une plus grande stabilité politique grâce à la correction de l’anomalie de l’article 107 relatif aux modalités de remplacement des représentants à l’assemblée de Polynésie française, gage essentiel du maintien de la relance économique actuelle après plus de neuf ans d’instabilité politique entre 2004 et 2013, une plus grande souplesse dans le fonctionnement de l’assemblée de Polynésie, un partage des compétences mieux défini et renforcé entre les communes et le pays, une extension de la possibilité de recourir à de nouveaux outils de gestion administrative tels que les sociétés publiques locales adaptées au contexte de l’outre-mer, un assouplissement du régime contentieux des lois de pays afin d’accélérer la mise en œuvre des politiques publiques locales, des adaptations du code civil spécifiques à la Polynésie, très importantes pour tenter de régler au mieux l’indivision successorale, de nombreuses adaptations du code général des collectivités territoriales pour ce qui concerne les communes et la parité au Conseil économique, social, et culturel et environnemental.
Je souhaite, pour conclure, saluer la forte implication de la sénatrice Lana Tetuanui et de la députée Maina Sage, qui ont eu à cœur de défendre les intérêts de leur territoire en apportant aux textes de nombreuses améliorations sollicitées par l’assemblée de Polynésie française.
Je tiens également à remercier, au nom de mon groupe et particulièrement de ses membres polynésiens, notre collègue Mathieu Darnaud et le député Guillaume Vuilletet, qui ont su appréhender les attentes de la Polynésie française et mesurer pleinement les spécificités de ce territoire. Enfin, je remercie Mme la ministre de son écoute et sa disponibilité tout au long de nos travaux.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera bien entendu ces deux projets de loi en faveur de la modification du statut de la Polynésie française, tout en restant vigilant quant à leur mise en œuvre.