J’en viens maintenant aux textes proprement dits, qui, vous l’aurez sans doute déjà compris, n’appelleront pas d’objection particulière de ma part. Je me contenterai d’évoquer les quelques dispositions qui ont plus particulièrement retenu mon attention.
En premier lieu, il est important que la loi soit la traduction fidèle de la reconnaissance de la place de la Polynésie française dans la construction de la capacité de dissuasion nucléaire de la France.
Ainsi, se borner à affirmer sa contribution au processus de construction de force nucléaire sans reconnaître la dimension « subie » de cette implication aurait été, en réalité, amputer son histoire commune avec la République.
Je suis convaincu que la République se grandit chaque fois qu’elle endosse ses responsabilités, sans qu’il s’agisse nécessairement de faire acte de repentance. Il en est ainsi avec l’article 1er du projet de loi organique. Nul doute que cette affirmation forte, figurant en tête du statut de la Polynésie, favorisera la résilience ; facilitée par la reconnaissance, celle-ci est plus difficile lorsque subsiste un malentendu.
Il s’agit d’une avancée historique, et pas seulement symbolique, qui vient parachever le processus de réparation en prenant en compte et en inscrivant dans la loi cette part de l’histoire commune, dans des termes qui correspondent à la manière dont elle a été vécue par les Polynésiens.
À cet égard, la sanctuarisation de la « dette nucléaire » est elle aussi une disposition de nature à sceller une relation de confiance entre la collectivité et l’État.
En outre, en matière institutionnelle, le texte organique protège la stabilité de l’assemblée territoriale en corrigeant une « malfaçon », pour reprendre les termes du rapporteur, par la suppression d’une règle qui aurait pu la déstabiliser en cas de mise en œuvre.
Les autres dispositions institutionnelles visent, quant à elles, à une meilleure articulation et une plus grande fluidité dans le fonctionnement des institutions.
Une autre avancée concerne le contentieux des lois du pays. De fait, cette procédure révisée et la modification des délais du contrôle a priori exercé par le Conseil d’État contribuent à sécuriser le corpus juridique local et à assurer la lisibilité des règles. C’est cela aussi, l’État de droit, et l’on ne peut que se réjouir chaque fois qu’il progresse et lorsque son fonctionnement est amélioré sur le territoire, y compris à l’échelon local.
Si le transfert de la compétence est une responsabilité qui implique de veiller au strict respect de la hiérarchie des normes, il n’en demeure pas moins qu’un délai trop long pour l’entrée en vigueur des règles peut fragiliser la mise en œuvre d’une politique publique ou rendre le droit illisible ou moins intelligible.
La collectivité de Saint-Barthélemy a eu l’occasion de l’éprouver en matière pénale, certes dans une moindre mesure, certaines sanctions des infractions aux règles fixées par la collectivité n’ayant été adoptées qu’au bout de trois ans, faute d’exercice du contrôle de l’État dans un délai raisonnable.
Je relève également l’encouragement à la mutualisation des compétences à l’échelon communal et la mise en œuvre d’un principe de subsidiarité local, à l’échelle intercommunale. S’agissant d’un territoire grand comme l’Europe – on ne cessera jamais de le rappeler –, les intercommunalités peuvent être les leviers d’une planification stratégique et de développement réussie.
Par ailleurs, je ne bouderai pas mon plaisir et saluerai les mesures concernant l’indivision foncière, largement issues des travaux de la délégation sénatoriale aux outre-mer, que j’ai l’honneur de présider.
En Polynésie française, comme dans les autres territoires du Pacifique, l’enjeu réside dans l’équilibre à trouver entre la sécurisation des droits et le respect des identités locales, en particulier des pratiques sociales. Les recommandations de la délégation en matière d’indivision ont trouvé une application concrète dans la proposition de loi du député Serge Letchimy, elle-même déclinée dans le présent projet de loi ordinaire.
Le texte final est très satisfaisant, mais j’ai noté la déception exprimée par notre collègue Lana Tetuanui à la suite de la suppression de l’article 14 du texte, qui prévoyait un rapport du Gouvernement au Parlement portant sur l’intelligibilité et l’accessibilité de la loi en Polynésie.
Je dois le dire, si j’approuve cette suppression, fidèle à la position régulièrement affirmée par le Sénat sur les demandes de rapport, je comprends néanmoins, parallèlement, le point de vue de notre collègue. Celui-ci exprime une réalité ultramarine, à laquelle s’applique un droit qui ne lui est pas toujours adapté, quand les particularités des outre-mer n’ont pas été prises en compte au moment de la rédaction d’un texte.
Je me permets donc de suggérer, à la faveur de cette disposition, que, à défaut de prise en compte originelle de ce problème, une réflexion soit conduite sur la portée des avis rendus par les collectivités lorsque celles-ci sont consultées sur les projets de textes qui leur sont ensuite applicables. Le sujet me semble concerner l’ensemble des collectivités d’outre-mer.
Enfin, le texte rédigé par la commission mixte paritaire est le fruit d’un compromis respectueux du travail du Sénat, qui l’avait adopté à l’unanimité ; ses orientations ne peuvent donc que recueillir l’assentiment du groupe Les Républicains et le mien.