Intervention de Françoise Laborde

Réunion du 22 mai 2019 à 14h30
Modernisation de la distribution de la presse — Motion d'ordre

Photo de Françoise LabordeFrançoise Laborde :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est d’une importance capitale pour la vitalité de notre presse écrite et, donc, de notre démocratie.

Bien des choses ont été dites sur le quatrième pouvoir, que les médias forment aux côtés du pouvoir exécutif, du pouvoir législatif et de l’autorité judiciaire. À l’époque où il était ministre délégué de la communication, André Santini considérait déjà que les médias avaient remplacé le pouvoir législatif dans sa fonction de mise en scène du débat public. Leur utilité démocratique justifie qu’une protection légale, conventionnelle et constitutionnelle leur soit accordée, comme le prévoient aujourd’hui le droit français et le droit européen.

Pour autant, la situation actuelle de la presse écrite nous rappelle qu’il s’agit d’un pouvoir fragile, exposé aux mutations technologiques, aux appétits des grands groupes et aux tentatives d’instrumentalisation politique.

D’ailleurs, lorsque la loi Bichet avait été adoptée en 1947, l’âge d’or de la presse écrite française semblait déjà derrière elle. Celle-ci subissait la concurrence de la radio, avant celle de la télévision, qualifiée de « bourrage de crâne » par Albert Londres, et elle était accusée de corruption au moment de l’affaire des emprunts.

Le secteur de la distribution de la presse n’est pas un secteur économique comme les autres : il figure au rang des « monopoles naturels », ce qui justifie l’intervention de l’État.

À la Libération, le Conseil national de la Résistance avait d’ailleurs favorisé le démantèlement du monopole du groupe Hachette, celui-ci ayant été établi grâce à son entregent politique sous le Second Empire et à sa bonne entente avec les dirigeants des chemins de fer.

Sans le régime de distribution coopératif, particulièrement avantageux, de la loi Bichet et l’existence de tarifs postaux préférentiels, dont la création est plus ancienne, la reconfiguration du paysage médiatique français aurait été plus radicale et peut-être plus exposée aux assauts de « moguls » étrangers, comme ceux de Rupert Murdoch contre la presse anglo-saxonne.

Si un regard extérieur est toujours instructif, nous sommes tous convaincus ici de la nécessité de maintenir les conditions d’existence d’une presse française indépendante, ce qui passe aujourd’hui par une adaptation du régime de sa distribution aux nouvelles circonstances de notre époque.

En effet, dans l’énorme masse des analyses et commentaires diffusés en continu à la radio, à la télévision et sur les réseaux sociaux, la presse écrite fait désormais office de référence. Les grandes plumes et les éditorialistes continuent d’influencer la polarisation des débats dans toutes les strates médiatiques.

Attachés comme nous le sommes à l’état de droit, nous reconnaissons à la presse la qualité de respecter des principes déontologiques forts, qui ébranlent les rédactions lorsqu’ils sont bafoués, comme le montre aujourd’hui l’affaire Claas Relotius au Spiegel, sans oublier les vertus de l’engagement de la responsabilité des journalistes en leur nom propre, alors que, à l’heure du tout numérique, la tentation de l’anonymat et du pseudonyme permet toutes les dérives et toutes les infox.

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