Intervention de Jean-Raymond Hugonet

Réunion du 22 mai 2019 à 14h30
Modernisation de la distribution de la presse — Motion d'ordre

Photo de Jean-Raymond HugonetJean-Raymond Hugonet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « C’est parce que je veux la souveraineté nationale dans toute sa vérité que je veux la presse dans toute sa liberté », déclarait Victor Hugo devant l’Assemblée nationale législative, le 9 juillet 1850.

Près d’un siècle et demi plus tard, la question de la sauvegarde du pluralisme de la presse se pose une nouvelle fois à nous, avec une acuité toute particulière. En effet, l’irruption du numérique nous contraint à adopter désormais une approche renouvelée du sujet de la distribution de la presse.

Or, cela, les auteurs de la loi Bichet ne l’avaient naturellement pas pris en compte, lors de l’adoption de ce texte, en 1947. C’est pourquoi cette réforme apparaît, d’une part, pleinement nécessaire, et, d’autre part, pertinente quant aux enjeux qu’elle a vocation à traiter.

Ce projet de loi nous semble constituer une réponse pragmatique à la crise que traverse la distribution de la presse.

Nous ne reviendrons pas sur le détail de la situation très précaire de Presstalis, déjà évoquée en commission, à de multiples reprises. La solution médiane, consistant à maintenir l’obligation d’un statut coopératif pour les éditeurs – il était proposé de supprimer cette obligation dans l’avant-projet de loi Schwartz – tout en permettant l’ouverture du marché à de nouveaux acteurs, paraît une solution mesurée.

Assurément, la forme coopérative est celle qui, depuis l’origine, permet de garantir l’équité de distribution entre les éditeurs et d’éviter toute situation d’abus de position dominante. En cela, l’article 1er permet de préserver le caractère singulier du système de distribution de presse français.

De plus, le recentrage de la régulation du système autour d’une autorité unique, l’Arcep, et l’élargissement des compétences de celle-ci, vont incontestablement dans le sens d’une plus grande efficacité : efficacité en matière de régulation, puisque l’Arcep agréera les sociétés de distribution et disposera d’un pouvoir de sanction à l’encontre des différents acteurs ; efficacité d’un point de vue économique également, l’Arcep étant reconnue pour son expérience en matière de réseaux et de marchés.

Il est aussi question, dans ce projet de loi, de la distribution numérique de la presse, sujet dont il était à l’évidence impossible de faire l’économie. Si le livre numérique subit déjà un phénomène de stagnation, la presse numérique, elle, explose.

Le cas des jeunes générations est d’ailleurs édifiant : c’est d’abord par le recours aux agrégateurs de contenus que celles-ci accèdent à l’information, et ensuite seulement, éventuellement, via des titres de presse papier.

Or légiférer sur ces agrégateurs, c’est précisément œuvrer pour une meilleure protection des jeunes publics, souvent plus vulnérables que les autres. À cet égard, le texte vise à renforcer la responsabilité des acteurs majeurs d’internet, à savoir les agrégateurs, qu’il s’agisse d’améliorer l’information des internautes en matière d’utilisation de leurs données personnelles ou d’obliger lesdits acteurs à rendre publics les critères qu’ils prennent en compte pour agréger les titres de presse.

Bien sûr, nous encourageons ces évolutions. Mais il est difficile de ne pas poser la question de leur efficience. En un mot : les agrégateurs de presse vont-ils vraiment jouer le jeu ?

Par ailleurs, s’agissant des kiosques numériques, qui posent moins de difficultés, nous considérons, nous aussi, qu’il revient au législateur d’inscrire dans la loi l’obligation pour ces sites d’accueillir la presse d’information politique et générale sur demande.

Quant à la réaffirmation, dans le projet de loi, des valeurs essentielles de la loi de 1947, elle est à nos yeux essentielle. D’ailleurs, le choix du Gouvernement d’inscrire la réforme dans le cadre même de la loi Bichet, plutôt que dans un nouveau texte, est une décision particulièrement bienvenue d’un point de vue symbolique.

Ainsi, la reprise, à l’article 1er, du principe de liberté de diffusion de la presse et son extension à la presse non imprimée pérennisent tout en l’actualisant une liberté qui est au fondement de notre démocratie.

De la même façon, le texte prône la continuité, la neutralité et l’efficacité économique de la distribution de la presse, ainsi qu’une bonne couverture du réseau des points de vente. Ces principes doivent être et demeurer au cœur de la loi.

Mes chers collègues, permettez-moi, pour conclure, de m’associer au concert de louanges adressé à notre collègue rapporteur Michel Laugier pour la qualité de son travail ; il a fait preuve d’une grande clarté sur un sujet pourtant complexe, montrant par là qu’il le possède bien, de façon toute professionnelle.

Comme le remarquait Jean-Paul Sartre, « on croit que le droit à la liberté de la presse, c’est un droit du journaliste. Mais pas du tout, c’est un droit du lecteur du journal ». Or le projet de loi que nous soumet aujourd’hui le Gouvernement tend précisément vers un juste équilibre entre les intérêts des acteurs de la distribution de la presse et ceux, tout aussi essentiels, des lecteurs.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera ce projet de loi, tel qu’il a été élaboré par la commission.

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