Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la modernisation de la presse que nous examinons aujourd’hui était très attendu.
Nous le savons : la distribution de la presse est en grande difficulté ; sa messagerie Presstalis est au bord du redressement judiciaire, et, avec elle, à terme, des milliers d’emplois sont menacés. Quel avenir, alors, pour la presse ? Qu’elle soit quotidienne, régionale ou magazine, c’est la grande question qui se pose à nous aujourd’hui.
Internet, pour elle, a été un choc ; il l’est toujours, après plusieurs années. Son avènement a mis les journaux en difficulté et a poussé les groupes à se restructurer. Vous le savez, monsieur le ministre, avec ce projet de loi, il n’y va pas d’un simple problème économique ; il est aussi question de sujets plus fondamentaux pour notre démocratie, tels que le droit à l’information et la liberté de la presse.
À cet égard, nous ne pouvons que nous féliciter que ce projet de loi soit soumis en premier lieu au Sénat. Cette reconnaissance est à la hauteur du travail mené par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, sous la présidence de Catherine Morin-Desailly, et de l’investissement sans faille de notre rapporteur Michel Laugier – je tiens à les remercier, l’un et l’autre, de la grande qualité des travaux menés.
Le défi à relever est de taille. En effet, nous ne vivons pas uniquement une crise de la distribution, mais aussi une profonde mutation de la presse dans notre pays.
Il est mis fin, par ce texte, à l’obligation à laquelle étaient tenues les sociétés de distribution d’avoir leur capital majoritairement détenu par les coopératives d’éditeurs. Ces dernières pourront ainsi contracter avec des sociétés agréées, suivant un cahier des charges précis.
Néanmoins, l’objectif fixé – ce cahier des charges ne serait établi qu’à l’horizon 2023 – inquiète. On laisserait en effet planer des doutes durant plusieurs années, ce qui ne saurait être bénéfique s’agissant d’un secteur déjà fragilisé. D’autres interrogations demeurent sur le service rendu par ces nouveaux acteurs, et, en particulier, sur l’incidence d’une telle ouverture du marché sur le droit à l’information.
À cet égard, nous avons proposé un amendement visant à garantir que les différents points de vente d’un territoire soient desservis de manière non discriminatoire. Les marchands de journaux auront par ailleurs une plus grande liberté dans la gestion de leurs stocks, compte tenu du nombre croissant de leurs invendus.
Quant à la régulation, elle est une nouvelle fois modifiée, le rôle d’autorité de régulation étant confié à l’Arcep. Cette évolution est bienvenue, car elle confère à cette autorité un pouvoir d’intervention plus important, ainsi qu’un pouvoir de sanction. L’Arcep aura également pour mission d’agréer les nouveaux acteurs souhaitant proposer un service de distribution de presse.
Nous souhaitons toutefois insister sur la nécessité d’accompagner le régulateur dans sa nouvelle mission. Comme l’a rappelé M. Sébastien Soriano à l’occasion de son audition par notre commission, ce rôle de régulateur est inédit pour l’Arcep.
Certains points du projet de loi – je pense notamment au cahier des charges que devront respecter les sociétés de distribution – sont sources d’interrogations. J’espère que, à l’issue de nos travaux, nous les aurons clarifiés.
Il semble en outre nécessaire de ne pas réitérer les erreurs passées et de conférer à l’Arcep un réel pouvoir de réformation. Dans cette perspective, nous avons présenté en commission un amendement visant à donner au régulateur un tel pouvoir de réformation en cas de non-conformité de l’accord interprofessionnel conclu entre les différents acteurs de la distribution de la presse mentionné à l’article 1er.
Ce texte élargit par ailleurs la loi de 1947 au numérique. Venant après la récente adoption par le Parlement européen de la nouvelle directive sur le droit d’auteur, une telle évolution, émanant du législateur, est à la hauteur du défi de notre nécessaire adaptation aux nouveaux enjeux du numérique.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, nous ne partageons pas la vision apocalyptique d’une presse condamnée par internet, incapable de survivre sans le soutien de l’État. Nous pensons que des possibles s’offrent à elle, que des initiatives peuvent être prises.
Selon la théorie de l’économiste Israël Kirzner, l’entrepreneur est celui qui saisit les opportunités ; de telles opportunités, s’agissant de l’avenir de la presse, existent aujourd’hui ; le présent texte en est une. C’est pourquoi notre groupe le votera.