Je tiens à féliciter le rapporteur de ce travail remarquable, ainsi que pour la citation de Victor Hugo ! Je partage très largement son analyse. La modération de ses propos laisse cependant poindre une certaine inquiétude - on le sent bien, lorsqu'on le connaît...
J'ai moi aussi bien du mal à comprendre de quelle urgence nous parlons. Elle est réelle pour la préservation du monument dans cette période post-incendie, mais celle affichée par le Gouvernement me semble d'abord répondre à des injonctions présidentielles, ce qui est beaucoup moins acceptable.
Selon l'article 8 du projet de loi, « l'ordonnance peut prévoir que les dirigeants de l'établissement public ne sont pas soumis aux règles de limite d'âge applicables à la fonction publique de l'État ». Peut-être devrions-nous ajouter, comme condition de nomination, que les épaulettes doivent avoir cinq étoiles...
Nous devons défendre les grands principes de fonctionnement de nos institutions et je ne crois pas que nous sortirons collectivement grandis, si nous pratiquons de la sorte. Le Général de Gaulle disait qu'il n'y a rien de bon à se mêler du « vulgaire et du subalterne »...
Il faut distinguer clairement ce qui relève effectivement de l'urgence et le reste. Or aujourd'hui aucun obstacle n'empêche la réalisation des travaux urgents, y compris en terme archéologique. Le ministre nous a dit qu'un système dérogatoire devait être adopté pour que l'État passe commande à l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) d'opérations de fouille ; ce n'est pas exact !
Avec ce texte, j'ai le sentiment que certains utilisent l'émotion, qui est légitime - je le dis en tant qu'athée -, pour autre chose que la reconstruction. Il n'est pas normal de mettre en place un système complètement parallèle sous l'égide de l'Élysée. Or ce qui constitue la force du patrimoine en France, ce sont bien évidemment les monuments, mais aussi la méthode et les règles mises en oeuvre par André Malraux. Ce sont ces règles qui permettent à la France de porter à l'international une certaine éthique du patrimoine.
Je ne veux pas entrer dans le débat sur une reconstruction « à l'identique », nous n'en sommes pas là. En revanche, je sais que, si nous détruisons le savoir-faire forgé par le ministère de la culture depuis 60 ans, tout notre patrimoine sera perdant ! Et le Sénat a un rôle particulier à jouer sur ces sujets, parce qu'il a déjà adopté, depuis longtemps, des positions particulièrement marquantes.
Enfin, je crois qu'il serait très intéressant d'imaginer quelque chose sur le parvis, d'autant que la première cathédrale se situe en dessous - je vous rappelle qu'une crypte ouverte au public révèle le groupe épiscopal Saint-Étienne. Même si tout ne peut pas s'écrire dans une loi, il est essentiel de restituer la continuité historique de ce lieu : île de la Cité, oppidum gaulois, groupe épiscopal Saint-Étienne, cathédrale Notre-Dame... S'appuyer sur cette histoire permettra d'éviter les débats stériles et d'apaiser les discussions, notamment sur la reconstruction de la flèche...