Intervention de Gisèle Jourda

Commission des affaires européennes — Réunion du 16 mai 2019 à 8h35
Institutions européennes — Conférence interparlementaire de bucarest en vue du sommet européen de sibiu : communication de m. andré gattolin et de mme gisèle jourda

Photo de Gisèle JourdaGisèle Jourda :

Merci au président Bizet de sa confiance. C'était la première fois que j'assistais à une telle conférence à la conférence. On en revient avec des questionnements : quand on entend les différents parlementaires et leur vision de l'Union européenne, on a de quoi être inquiet.

Cette réunion était organisée dans le cadre de la présidence roumaine de l'Union européenne, qui voulait se valoriser, et à l'initiative conjointe des présidents des commissions des affaires européennes de la Chambre des députés et du Sénat roumains. Elle avait pour objectif affiché d'apporter une contribution des parlements nationaux au sommet de Sibiu du 9 mai.

J'ai retenu une phrase, qui pouvait susciter l'espérance : un des interlocuteurs a ainsi qualifié l'Union européenne de « modèle de coopération fructueuse capable de s'adapter aux politiques du futur ». Mais ni cette conférence ni le sommet de Sibiu n'ont pas eu du tout les effets escomptés : la montagne a accouché d'une souris.

Je me suis particulièrement consacrée au Partenariat oriental. La présidence roumaine a, en effet, voulu mettre l'accent sur cette politique. Les ministres des affaires étrangères réunis ce lundi 13 mai à Bruxelles en ont célébré les 10 ans. Là aussi la déclaration est stupéfiante : le bilan est fait, mais aucune perspective n'est tracée, ce qui est assez angoissant !

Parmi les derniers entrés dans l'Union, la Roumanie estime de son devoir de soutenir le destin européen de ses voisins à l'Est de l'Europe et, plus particulièrement du plus proche d'entre eux, la Moldavie. Que souhaite la Roumanie ? Son grand rêve, c'est de réunir les territoires de l'ancienne principauté de Moldavie. Avec la République de Moldavie au sein de l'Union européenne, elle pourrait ainsi gagner en force.

Le vice-premier ministre moldave, qui représentait son pays, a dressé un bilan positif des actions menées dans le cadre du Partenariat oriental : un régime sans visas, l'accord d'association et la zone de libre-échange. Il a toutefois rappelé l'écart de richesse entre la Moldavie et la Roumanie et les bienfaits de l'intégration européenne : aujourd'hui, le PIB par habitant de la Roumanie est cinq fois supérieur à ce qu'il est en Moldavie. Enfin, il a plaidé pour le maintien d'une perspective européenne pour son pays, nécessaire selon lui pour mettre en oeuvre la réforme de la justice. Je remarque que, dans la déclaration adoptée lundi, les ministres appellent à prolonger et approfondir la coopération sans toutefois mentionner un avenir européen pour les pays partenaires.

Durant ce débat, j'ai également été marquée par les propos de la présidente de la commission de l'intégration européenne du parlement géorgien, Mme Khulordava. Elle a rappelé que la volonté de se rapprocher de l'Union européenne est un choix du peuple géorgien, qui est prêt à assumer les efforts pour cela car il croit à un avenir meilleur avec l'Union européenne. Elle a également mis en exergue le fait qu'aujourd'hui l'enthousiasme pour le projet européen se situe plus à la périphérie de l'Europe qu'en son sein, où, comme on le sait, une partie grandissante de la population doute du projet commun - faisant ainsi référence aux futures élections européennes.

La session précédente était consacrée à l'économie du futur. Le débat a été marqué par l'intervention de l'économiste belge André Sapir. Il a défendu le modèle européen, qui a favorisé la cohésion économique, sociale et territoriale. Il a cependant relevé qu'il reste encore trop de disparités entre les régions et que les fonds européens doivent être mieux utilisés pour y remédier. Pour lui, le modèle économique ne doit pas être abandonné, mais il doit évoluer. Il a repris un constat que nous avons fait ici aussi : l'Europe est à la traîne dans la révolution numérique, au risque d'une dépendance technologique envers les États-Unis et la Chine. À son sens, pour y remédier, il faut une stratégie industrielle européenne pour le numérique et l'élimination du carbone en alliant la définition d'un cadre régulateur à des investissements dans la recherche et l'innovation. En outre, pour remédier aux menaces venues de l'extérieur, il faut lutter contre l'évasion et l'érosion fiscales et mettre en place une politique d'achat privilégiant les produits européens. Un « buy european act » cher au président Bizet.

Pour ma part, j'ai rappelé l'importance de la Politique de voisinage, qu'il s'agisse de la Méditerranée ou du Partenariat oriental, qu'il faut maintenir à l'heure où la Commission critique son coût. Ces pays ont besoin de nous, et nous avons besoin d'eux. J'ai rappelé que la politique économique, comme toute politique, résulte d'abord de choix et qu'il nous fallait définir collectivement l'Europe que nous voulons.

En conclusion de cette conférence, les deux co-présidents voulaient remettre au ministre roumain des affaires européennes une déclaration destinée à nourrir les échanges du sommet de Sibiu, mais nous n'en avons pas jugé le contenu satisfaisant. C'était pour ainsi dire de l'eau tiède ! Mais nous n'avons pas pu en débattre ni même l'amender. Il nous a été présenté en fin de conférence... c'était un peu particulier. C'est pourquoi beaucoup se sont désolidarisés de la démarche. Si les interventions ont été nombreuses, il y a eu, dans le fond, très peu d'échanges et nous n'avons pas dégagé de ligne commune. Peut-être eût-il été préférable de centrer l'apport des parlements nationaux sur certains points plutôt que de rechercher l'exhaustivité.

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