Intervention de André Gattolin

Commission des affaires européennes — Réunion du 16 mai 2019 à 8h35
Institutions européennes — Conférence interparlementaire de bucarest en vue du sommet européen de sibiu : communication de m. andré gattolin et de mme gisèle jourda

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Je remercie à mon tour notre président pour m'avoir permis de représenter notre commission à cette conférence, même si le résultat n'a pas été aussi bon qu'on aurait pu l'espérer. Peut-être annonçait-elle le sommet de Sibiu... Peut-être était-elle également trop ambitieuse, comme l'a dit Gisèle Jourda.

Je suis, pour ma part, intervenu dans la session consacrée à la société du futur. Elle a été marquée par l'intervention du directeur anti-discrimination du Conseil de l'Europe. Il a certes évoqué le renforcement du cadre législatif pour les droits de l'Homme et l'État de droit. Mais il a aussi présenté les dangers qui menacent les démocraties européennes. Il s'agit, d'une part, du populisme et du nationalisme qui tendent à passer du discours à la mise en oeuvre politique. J'y reviendrai. Il s'agit, d'autre part, de la numérisation de la société et de la manière dont elle est menée par de grands groupes privés : l'intelligence artificielle, les algorithmes et la constitution de bases de données peuvent constituer un danger pour la démocratie si on ne les encadre pas. Il a aussi appelé à enseigner les valeurs démocratiques européennes.

Je l'ai soutenu lors de mon intervention, en reprenant des idées développées au sein de notre commission, comme le développement d'une intelligence artificielle européenne fondée sur des valeurs démocratiques et une éthique dans la conception. Et j'ai appelé l'Union européenne et le Conseil de l'Europe à travailler ensemble sur ces questions.

La toute première session était consacrée aux « politiques de l'avenir » et visait à donner la parole aux représentants des groupes politiques européens, souvent roumains, pour des échanges retransmis en direct à la télévision. Seul le représentant du groupe des verts, le néerlandais Bas Eickhout, a abordé la question de l'État de droit et en particulier en Roumanie. Cette question a pesé sur la conférence et sur les débats, entachant, d'une certaine façon, la légitimité de la présidence roumaine.

Il faut dire que la situation en Roumanie est préoccupante, comme nous l'a expliqué notre ambassadrice. Le parti au pouvoir est dominé par le Président de la Chambre des députés, Liviu Dragnea, qui fait l'objet de poursuites judiciaires dans des affaires de corruption qui l'empêchent notamment d'accéder au poste de Premier ministre. Des lois visant à réformer l'institution judiciaire ont été adoptées à l'automne dernier et M. Dragnea tente depuis, mais sans succès jusqu'à présent, d'obtenir une ordonnance d'amnistie et de grâce qui effacerait ses condamnations et celles de ses amis politiques.

Face à cette situation, les autorités européennes ne sont pas restées sans rien faire pour défendre l'État de droit. Pas plus tard que vendredi dernier, la Commission européenne a adressé une lettre aux autorités roumaines dans laquelle elle les avertit que sans amélioration de la situation, elle déclenchera le mécanisme prévu en cas d'atteinte à l'État de droit dans un État membre. Ce faisant, la Roumanie ne serait plus soumise au mécanisme de coopération et de vérification auquel elle est assujettie depuis 2007. Elle pourrait même tomber sous le coup du déclenchement de l'article 7 du Traité sur l'Union européenne si les recommandations de la Commission européenne n'étaient pas suivies d'effet.

Pour sa part, le parti socialiste européen a, je crois, pris ses distances avec le parti social-démocrate roumain. De son côté, le président de la République roumain, M. Klaus Iohannis, de centre-droit et opposé politiquement à M. Dragnea, lutte pied à pied, dans les limites de sa fonction, contre ces tentatives antidémocratiques. Il a ainsi décidé que les réformes judiciaires seraient soumises à référendum consultatif le même jour que le scrutin pour les élections européennes. Ce referendum n'aurait de valeur politique que si le quorum de 30 % était atteint. Les sondages évoquent une participation de 39 % avec un vote qui irait dans le sens du président. La Commission a encore signifié lundi dernier que la Roumanie pouvait renoncer à son adhésion à Schengen. Quant aux sondages sur les élections européennes, ils donnent le PSD à 29 %, la droite conservatrice à un peu plus de 20 % et la nouvelle alliance libérale emmenée par Dacian Ciolos, ancien Premier ministre « technique » et commissaire européen à l'agriculture, frôlerait les 20 %...

Il y a donc en Roumanie une situation inquiétante qui rappelle malheureusement celle de la Pologne et de la Hongrie et qui méritera peut-être un travail de notre commission.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion