Les sapeurs-pompiers sont investis d'une mission de service public, nous représentons la République. La question des violences dont nous sommes victimes n'est pas uniquement statutaire. Nous faisons face à une évolution de notre champ missionnel. En 1998, nous avons effectué 3,5 millions d'interventions, dont 50 % au titre du secours d'urgence aux personnes. En 2018, nous avons atteint 4,6 millions d'interventions et ce taux est passé à 84 %. Cette évolution s'explique par la désertification médicale, la disparition de centres hospitaliers, l'éloignement de l'hôpital qui, certes se perfectionne, mais perd en proximité. Parallèlement, la construction de SDIS et leur montée en gamme grâce à l'accompagnement des collectivités territoriales a renforcé l'efficacité des sapeurs-pompiers. Mme Catherine Troendlé, vous avez déclaré récemment à Ajaccio, à juste titre, que les sapeurs-pompiers constituent la première réponse de santé sur le territoire.
Notre proximité territoriale nous conduit à jouer le rôle d'amortisseur des évènements sociétaux. Les agressions peuvent avoir lieu en zone urbaine sensible où se développe une violence extrême. Nos collègues sont victimes de guet-apens, d'attaques visant la République à travers eux. Lorsqu'un pavé atteint un camion rouge, c'est nous tous qui sommes visés. Nous nous formons avec des gendarmes afin de faire face à ces situations que nous connaissons bien.
La violence ne s'exerce pas uniquement dans les zones sensibles mais sur tout le territoire, lors d'interventions qui conduisent les sapeurs-pompiers à approcher la détresse quotidienne due notamment à la consommation d'alcool et de stupéfiants, au chômage, aux difficultés financières. Les sapeurs-pompiers sont agressés dans les domiciles où ils interviennent, sur la route lors d'accidents de la circulation car ils sont pris à témoin. Nous étions traditionnellement accueillis avec empathie, et ce n'est plus le cas. En septembre 2018, nous avons déploré à Paris la perte d'un collègue poignardé par un déséquilibré. Tous les jours nous frôlons la catastrophe sachant qu'une intervention a lieu toutes les sept secondes.
D'autres facteurs exposent les sapeurs-pompiers à des risques d'agressions. Les personnels de l'administration pénitentiaire n'accompagnent plus les détenus à l'hôpital et les sapeurs-pompiers qui les remplacent ne sont pas équipés de gilets pare-balles. Il n'existe plus d'ambulances spécifiques pour les malades psychiatriques qui limitaient les risques d'agression. Nous sommes enfin les victimes indirectes du manque de forces de l'ordre lorsque nous intervenons auprès de déséquilibrés, comme ce fut le cas le week-end dernier à Luynes.