On sait que dans les prochaines décennies, les débits moyens et les débits d'étiage des cours d'eau vont baisser dans tout le pays, notamment dans le Sud. On sait aussi que le niveau des nappes phréatiques va fortement diminuer. L'agriculture doit donc devenir beaucoup plus économe en eau. Les agriculteurs le savent. Les usages plus économes de l'eau passent par des changements multiples : progrès variétal, changement des itinéraires techniques, changements des assolements, optimisation de l'irrigation, travail agroécologique pour préserver ou restaurer la qualité des sols. Les voies de progrès sont désormais bien identifiées. Mais seront-elles suffisantes ? On sait qu'avec le réchauffement climatique, l'évapotranspiration va fortement augmenter et que les risques de sècheresse des sols vont se généraliser. Même si l'agriculture réalise toutes les transformations qu'on l'encourage à réaliser pour utiliser l'eau de manière plus économe, peut-on affirmer qu'elle pourra se passer d'un développement important des capacités de stockage hivernal de l'eau ? Ce n'est pas sûr. Et s'il faut développer le stockage de l'eau, comment faire en sorte que ce stockage ne soit pas la solution de facilité, qu'il ne se fasse pas au détriment des efforts d'économie de l'eau ?
Ma deuxième question porte sur l'accompagnement des agriculteurs dans la transition climatique, notamment sur l'accompagnement financier. Adapter l'agriculture aux nouvelles conditions climatiques sera long et coûteux. Cela demandera des investissements en formation, en conseil, en matériel. Cette adaptation de l'agriculture créera un avantage compétitif à moyen terme, mais pas forcément à court terme. Par ailleurs, le coût lié aux calamités agricoles risque aussi d'augmenter pour les agriculteurs. Enfin, si on développe le stockage hivernal de l'eau, il faudra financer les infrastructures et payer pour l'utilisation de l'eau stockée. Comment par conséquent financer l'adaptation de l'agriculture ? Sur quelles ressources s'appuyer ? Un des moyens pourrait être d'utiliser des fonds pris sur le pilier 2 de la Politique agricole commune (PAC) pour rémunérer à leur juste valeur les services environnementaux rendus à la société et à la nature, à savoir : le stockage du carbone dans les sols et les plantes, le maintien de surfaces non imperméabilisées qui contribuent à l'infiltration des eaux de pluies et, par suite, à l'alimentation des nappes phréatiques et à la lutte contre les inondations, le maintien de continuités écologiques ou encore l'entretien des paysages qui, sans l'agriculture, retourneraient à l'état de friches ou bien seraient artificialisés. Si tous ces services rendus gratuitement par l'agriculture étaient rémunérés, la transition climatique serait fortement encouragée !