Intervention de Brigitte Henriques

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 7 mai 2019 : 1ère réunion
Audition de Mme Brigitte Henriques vice-présidente déléguée de la fédération française de football et vice-présidente du comité d'organisation de la coupe du monde féminine de la fifa

Brigitte Henriques, vice-présidente déléguée de la Fédération française de football et vice-présidente du comité d'organisation de la Coupe du monde féminine de la Fifa :

Je disais simplement qu'on ne peut rien faire aujourd'hui, faute de recettes. Je suis aussi diplômée du centre de droit et d'économie du sport de Limoges, où j'ai côtoyé Zinedine Zidane. Un des paramètres serait de faire diminuer la dépendance aux droits TV. Les ressources des clubs allemands, par exemple, sont beaucoup plus diversifiées, ce qui leur donne une grande résilience face à des chocs financiers. Au Royaume-Uni, les droits TV atteignent six milliards d'euros ; même si la part qui revient aux équipes féminines est infime, elle leur suffit pour se développer. Chez nous, les droits vont augmenter dans deux ans, et nous avons accru les exigences sur la présence des équipes féminines pour l'obtention des licences des clubs. Ce n'est donc qu'une question de timing - et la Coupe du monde accélérera cette évolution.

Il y a trois ans, on entendait beaucoup que les clubs de judo étaient les vraies écoles de la vie. Nous savions qu'il nous fallait réaffirmer les valeurs du football. Nous avons donc lancé un plan éducatif fédéral, qui est un dispositif dans lequel les clubs s'engagent volontairement, en instaurant un référent éducatif chargé de la lutte contre le racisme et l'homophobie et de la diffusion de nos valeurs : plaisir, respect, engagement, tolérance et solidarité (PRETS). Pour nous, l'éducation se fonde sur la famille, l'école et le club, et nous insistons pour que les joueurs adultes reviennent de temps en temps dans les clubs. Chaque année, lors de la finale nationale à Cap-Breton, filles et garçons sont sur le même site, et l'équipe la plus fair-play reçoit des points supplémentaires.

Avant de parler de casser les stéréotypes dans les écoles, encore faut-il parvenir à y faire entrer le football ! Les médias parlent tant de ses dérives que ce n'est pas évident. Cela rebute les enseignants. Pourtant, les dispositifs de foot à l'école que j'ai mis en place quand je suis arrivée en 2011 sont très efficaces.

Je n'aime pas qu'on préfère le football féminin parce qu'il n'y a pas de critiques de l'arbitre et que le jeu dure plus longtemps parce que, quand elles tombent, les joueuses ne restent pas au sol... Il ne faut pas opposer les deux mondes. Pour ma part, à 48 ans, je joue encore régulièrement, et avec des garçons. Je constate que l'envie de gagner fait que cela peut partir très vite ! La vraie différence reste que les hommes courront toujours plus vite et sauteront toujours plus haut, même si les différences physiques tendent à se réduire. En tous cas, il faut développer les passerelles entre les deux univers, et faire évoluer les mentalités, qui pendant longtemps n'avaient pas de représentation de ce qu'est un match féminin de haut niveau. Pour le handball, c'est plus simple, car ce sport a toujours été identique pour les filles et les garçons.

Pour le football, à l'Olympique lyonnais, à Guingamp, dans d'autres clubs, les équipes commencent à se mélanger et à partager des moments ensemble. Quand j'étais en équipe de France, nous avons été au Château avec Aimé Jacquet et les joueurs de l'équipe de France - même si ce n'était pas médiatisé. La campagne de communication de TF1 pour la Coupe du monde à venir ne laisse plus apparaître de différence, puisque les commentaires seront assurés par Bixente Lizarazu et Grégoire Margotton pour tous les matchs de l'équipe de France.

Par ailleurs, je vais inaugurer tout à l'heure le nouveau centre d'entraînement du Paris Football Club (PFC) : pour la première fois, joueurs et joueuses se côtoieront dans la même structure, dans un même lieu de vie. C'est cela, la solution. Aux États-Unis, le soccer est très féminin parce que garçons et filles pratiquent tous les sports à l'Université.

Comme le dit Noël Le Graët, ce qui a changé, c'est que les railleries qui accueillaient auparavant l'arrivée d'une jeune fille dans un club de foot ne durent plus qu'une journée...

Pour obtenir l'organisation de la Coupe du monde face à la Corée, nous savions que la Fifa souhaitait que l'ensemble des territoires aient déjà développé le football féminin. La région du Sud-Ouest est plus une terre de rugby que de football... Remplir le stade Chaban-Delmas et le Matmut Atlantique n'est pas si facile, même pour les garçons. Nous avions déjà joué là-bas, et le public ne répondait pas. Or la Fifa nous imposait des jauges, jusqu'à 50 000, à remplir pour six ou sept matchs - et pas uniquement ceux de l'équipe de France. Sacré défi ! De fait, pour les cadres techniques, la Nouvelle-Aquitaine est une région plus difficile à investir en raison des mentalités plus tournées vers le rugby.

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