Intervention de Nathalie Melin

Mission d'information Gratuité des transports collectifs — Réunion du 23 mai 2019 à 11:5
Audition de mmes claire spitzmuller chargée d'études économiques transport nathalie melin chargée d'études développement et M. John-David Nahon chargé des affaires parlementaires et institutionnelles de la ratp

Nathalie Melin, chargée d'études développement :

Nous n'avons pas pris en compte ce point. En effet, il va être compliqué de gérer les travaux : les plans de transport de substitution sont plus ou moins simples à mettre en place selon les secteurs.

À moyen terme, la situation est plutôt sous maîtrise, si je puis dire.

J'en viens à l'analyse de la situation en cas de gratuité. Nous avons étudié les variations de déplacements par mode de transport pendant un jour ouvrable. En modes actifs et privés, on totalise globalement 16 millions de déplacements, contre 8 millions en transport en commun. En cas de mise en place de la gratuité totale, on note une augmentation de l'ordre de 10 % de l'usage des transports en commun, qui serait toutefois minorée du fait de la congestion de ces transports. Les déplacements en voiture connaissent une diminution de l'ordre de 3 %, et la baisse des modes actifs est de 1 %. Mais, je le répète, pour le report des déplacements très courts, le modèle n'est pas forcément le plus pertinent et minore très probablement cette estimation. La diminution des modes actifs a principalement lieu dans les zones denses, c'est-à-dire à Paris et dans la proche couronne.

Comme je l'ai dit, la gratuité conduirait à une augmentation de l'usage des transports en commun de l'ordre de 10 %, ce qui représente environ 1 million de déplacements par jour. Pour vous donner un ordre de grandeur, entre les deux enquêtes global Transport de 2000 et de 2010, la fréquentation des transports en commun a augmenté de 20 %, avec 1,4 million de déplacements supplémentaires en dix ans, et ce grâce à des leviers tels que les actions liées au PDU. La gratuité équivaudrait donc à sept ans de croissance d'un coup.

Les reports de la voiture vers les transports en commun sont certes importants, mais restent assez limités. Les gains en termes de décongestion et de lutte contre le bruit, la pollution, l'amélioration de la qualité de l'air apparaissent également décevants.

Quels sont les enjeux pour les transports en commun ? Une augmentation très forte de la fréquentation d'un coup, comme je l'ai souligné. Même si les impacts sont plus importants en heures creuses, ceux-ci existent quand même en heures de pointe, où la situation est déjà tendue. Cette mesure a un impact sur la partie dimensionnante de l'offre et conduit à une intensification de l'usage de nos réseaux sur toutes les périodes de la journée : on n'aura plus d'heures creuses pour la maintenance, par exemple. Les impacts en volumes sont plus importants sur les trajets en banlieue, là où l'offre est moins importante. Certes, celle-ci va être complétée, mais se pose la question de l'attractivité. Face à l'offre routière, comment développer le réseau des bus pour éviter des pertes de temps trop importantes ?

Examinons maintenant la quantification en termes de taux de charge. Nous avons opté pour une valeur moyenne, avec une augmentation du nombre de voyageurs par kilomètre comprise entre 6 et 12 %. Nous avons supposé que cette augmentation se répercuterait de manière homogène sur l'ensemble du réseau, en retenant l'hypothèse d'une augmentation de 8 %.

À offre inchangée, même à l'horizon de 2030, six à sept lignes de métro sont en situation de saturation. La situation est critique sur la moitié des lignes. Les effets bénéfiques liés au projet du Grand Paris Express et au projet de modernisation des réseaux de la RATP deviennent bien moindres.

Nous n'avons pas évalué les effets sur les espaces de transport. En fonction de la configuration des espaces, rajouter 100 voyageurs pose problème ; je pense aux enjeux de sécurité sur les quais, par exemple. De la même manière, dans le métro, l'intervalle entre deux rames est très court, parfois à la limite du système. Si l'on veut maîtriser la régularité de l'offre, il faut maîtriser les temps de stationnement. Un afflux très important de voyageurs a déjà un impact sur l'offre. La situation risque donc d'être pire encore que celle que l'on décrit ici.

Concernant le RER, même si le constat est quelque peu différent, car, à terme, les matériels seront très capacitaires, les situations seront plus contraintes. Là encore, on a recréé des marges de croissance du trafic, qui seront consommées par l'effet de la gratuité.

Tels sont les impacts quantifiés sur les différents réseaux.

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