Intervention de Stéphane Piednoir

Réunion du 28 mai 2019 à 14h30
Avenir de l'enseignement professionnel — Débat organisé à la demande du groupe les républicains

Photo de Stéphane PiednoirStéphane Piednoir :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mis en place au milieu des années quatre-vingt, le bac professionnel souffre depuis l’origine d’un déficit d’identification, puisqu’il a été créé autant pour répondre à une nécessaire professionnalisation en France que pour atteindre le très contestable objectif des 80 % d’une classe d’âge au niveau du bac.

L’article L. 335-1 du code de l’éducation nationale dispose que l’enseignement technologique et professionnel « contribue à l’élévation générale des connaissances et des niveaux de qualification » et qu’il « doit permettre à ceux qui le suivent l’entrée dans la vie professionnelle à tous les niveaux de qualification et leur faciliter l’accès à des formations ultérieures ».

Force est de constater que la réforme conduite actuellement par votre ministère laisse perplexes bon nombre de professeurs de lycée quant à la réalisation de ces objectifs.

À la suite de plusieurs interpellations de ces professeurs, syndiqués ou non, et au regard de la faible visibilité de cette réforme dans le débat public et dans les médias, le groupe Les Républicains a souhaité que l’ensemble des sénateurs puisse vous entendre, monsieur le ministre, répondre aux multiples questions qui émanent du terrain.

Je me félicite évidemment de la tenue de ce débat, mais je conviens que la tâche n’est pas facile, puisqu’il nous faut interpeller sans caricaturer, définir sans enfermer et finalement dire sans stigmatiser.

Tout d’abord, il est essentiel de rappeler qu’un lycéen sur trois est inscrit dans la voie professionnelle. C’est considérable, et la réussite de ces jeunes est un enjeu national. Mais comment concilier dans une même formation un objectif d’insertion professionnelle immédiate avec un objectif de facilitation de la poursuite d’études ? Claude Lelièvre, historien de l’éducation, reconnaît même que « personne, depuis Chevènement, n’a été capable de dire ce que devait être l’enseignement professionnel ».

Les bacheliers professionnels devraient, théoriquement, être en mesure d’intégrer le monde du travail ou de poursuivre leurs études dans des formations comme les diplômes universitaires de technologie, les DUT, ou les brevets de technicien supérieur, les BTS. Or, les chiffres le montrent, ce n’est pas le cas dans la pratique.

Dans la filière gestion-administration, par exemple, qui est la plus importante de la voie professionnelle, seuls 34 % des jeunes diplômés sont en emploi sept mois après l’obtention de leur baccalauréat.

Quant à la poursuite d’études, le BTS reste la voie « royale » pour ces bacheliers. Mais, là encore, le taux de réussite n’est pas satisfaisant : les bacheliers professionnels accusent un écart de 20 points sur les bacheliers technologiques et de plus de 30 points sur les bacheliers généraux.

Une réorganisation de la voie professionnelle, dans le cadre de la réforme plus globale du baccalauréat, est donc, sur le papier, une bonne idée. Les acteurs du lycée pro y étaient d’ailleurs favorables.

Sur le papier, justement, la réforme que vous avez engagée peut paraître séduisante sur plusieurs points. J’en ai noté deux : tout d’abord, la création des campus d’excellence a pour ambition de conférer une meilleure visibilité, même si elle risque de renforcer les disparités et de créer une mise en concurrence entre les établissements ; ensuite, l’accent mis sur les formations de pointe aux métiers d’avenir contribue à une nécessaire modernisation des filières. Cependant, si on laisse de côté les formules de communication bien huilées, le détail des mesures est plus nuancé.

Instaurer la classe de seconde par famille de métiers tend à reculer le choix de l’orientation à la fin de la seconde et non de la troisième. Chacun sait, et ce n’est pas propre à cette génération, que ce choix est difficile pour des jeunes de 14 ans ou 15 ans et pour leur famille.

Ces jeunes sont confrontés le plus souvent à un échec scolaire qui les enferme en réalité dans un choix par défaut. Mais cette mesure comporte un risque de « dé-spécialisation » des jeunes et, en toute logique, devrait conduire à un allongement du temps de formation professionnelle. Il n’en est rien dans la réforme proposée, qui, au contraire, réduit le nombre d’heures d’enseignement.

Nous en venons à la mesure qui inquiète le plus le corps enseignant et sur laquelle la représentation nationale a été le plus alertée : la perte de quatre heures par semaine d’enseignement général.

Sans caricature ni stigmatisation, partons d’abord d’un constat : les jeunes lycéens professionnels sont issus de milieux les plus fragilisés socialement, financièrement et culturellement. S’ils se destinent à une formation très professionnalisante, ils ont le plus grand besoin d’un enseignement dans des matières comme le français, l’histoire-géographie ou l’éducation civique et morale.

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