Intervention de Stéphane Piednoir

Réunion du 28 mai 2019 à 14h30
Avenir de l'enseignement professionnel — Débat organisé à la demande du groupe les républicains

Photo de Stéphane PiednoirStéphane Piednoir :

Même si la réforme permet la co-intervention des professeurs, qui est d’ailleurs déjà mise en place dans les faits dans beaucoup de lycées, le français qui sera enseigné en atelier, par exemple, ne sera qu’un français dit « utilitaire ». Or les enseignants exerçant en lycées professionnels ne peuvent être assimilés à des formateurs en recrutement.

Cette réduction horaire pénalisera l’ensemble des élèves, quel que soit leur choix à l’issue du baccalauréat.

S’ils visent une insertion professionnelle, des jeunes qui ne maîtrisent pas correctement notre langue, que ce soit à l’écrit ou à l’oral, auront plus de difficultés à entrer sur le marché du travail.

S’ils s’inscrivent dans une poursuite d’études, ils souffriront encore davantage de lacunes en français ou en mathématiques, déjà largement constatées dans des filières comme les DUT ou les BTS.

Enfin, que l’on ne me parle surtout pas de l’élargissement du dispositif d’accompagnement personnalisé, véritable « tarte à la crème » des réformes de l’éducation nationale depuis vingt ans, qui ne repose sur aucun programme, dont l’application varie d’un professeur à l’autre, et dont on attend de constater l’inutilité pour pouvoir supprimer ultérieurement de nouvelles heures ! Le fort absentéisme révèle d’ailleurs à lui seul tout l’intérêt que les élèves lui portent…

Un autre pan de la réforme prévoit la mixité des publics et des parcours, avec la généralisation de l’apprentissage.

Nous l’avons assez répété sur ces travées, l’apprentissage est pour nous une composante essentielle de la formation des jeunes, et tout ce qui permet de l’encourager est une bonne chose.

Toutefois, il nous faut être vigilants quant à sa réalisation concrète. Comment, en effet, concilier les absences prolongées de certains avec le continuum des cours des autres ? De plus, en dehors de toute stigmatisation, nous savons que les jeunes inscrits dans la voie professionnelle n’ont pas toujours tous les codes : trouver un contrat d’apprentissage peut parfois se révéler pour eux un vrai casse-tête.

Par ailleurs, l’intégration programmée en troisième professionnelle des élèves provenant d’unités localisées pour l’inclusion scolaire, d’ULIS, de sections d’enseignement général et professionnel adapté, de Segpa, ou d’instituts médico-éducatifs, d’IME, ne manque pas d’interroger également. Quelle formation est prévue pour les enseignants, afin de les adapter à ces publics ?

Monsieur le ministre, pour présenter votre réforme, vous parlez de la voie professionnelle comme d’une « nouvelle voie vers l’excellence ». Force est de constater que bon nombre d’acteurs de l’enseignement professionnel doutent des capacités de vos mesures à répondre à cet objectif.

À mon sens, contrairement à l’ambition affichée au départ, cette réforme ne conduira pas à ne plus considérer cette filière comme une voie « de garage », dans laquelle on envoie les collégiens qui rencontrent le plus de difficultés.

Elle ne permet pas de combattre le sentiment, constaté chez la majorité des jeunes qui arrivent en seconde professionnelle, de dévalorisation, de démotivation, voire de pessimisme quant à leur avenir. Enfin, elle ne fait nullement écho à l’abattement des professeurs, tellement désabusés qu’ils renoncent à engager un mouvement de protestation et font massivement des demandes de mutation.

Bien sûr, les textes réglementaires ont presque tous été pris, et les lycées sont d’ores et déjà en train de s’organiser, parfois dans l’urgence, pour les mettre en œuvre dès la rentrée prochaine.

Notre débat n’a donc pas pour ambition de modifier votre trajectoire, mais il a le mérite d’engager une réflexion qui devra porter sur le long terme. Il sera aussi l’occasion d’apporter des réponses au désarroi exprimé par les professionnels de l’éducation, par les familles et par les élèves eux-mêmes.

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