Intervention de Serge Babary

Réunion du 28 mai 2019 à 14h30
Avenir de l'enseignement professionnel — Conclusion du débat

Photo de Serge BabarySerge Babary :

Monsieur le ministre, vous avez pu mesurer les nombreuses incertitudes que suscite la réforme des lycées professionnels, qui entrera en vigueur à la rentrée de 2019. Je voudrais, en conclusion de ce débat, remercier tous nos collègues qui sont intervenus pour relayer les inquiétudes des élèves, des parents et du corps enseignant.

Cette réforme s’inscrit dans le cadre d’une réflexion articulée autour des réformes du baccalauréat, de l’accès aux études supérieures, de l’apprentissage et de la formation professionnelle.

Il faut savoir qu’un lycéen sur trois est en voie professionnelle. L’enseignement professionnel, ce sont aujourd’hui 665 000 élèves scolarisés et plus de 300 spécialités, même si, en réalité, trois spécialités dans le secteur des services accueillent à elles seules les deux tiers des élèves : gestion-administration ; commerce ; accompagnement, soins et services à la personne.

Voilà tout juste un an, le 28 mai 2018, vous aviez présenté, monsieur le ministre, vos propositions pour un lycée professionnel transformé, qui formerait les talents aux métiers de demain.

Fort du constat que la filière professionnelle connaissait de très belles réussites, vous aviez alors souligné les difficultés dont souffrait la voie professionnelle : un déficit d’attractivité lié à une valorisation insuffisante des formations professionnelles ; une offre de formation pas toujours adaptée aux besoins des territoires et aux enjeux d’avenir ou encore des taux d’insertion insuffisants. Ainsi, quelque 51 % des titulaires d’un CAP et 34 % des bacheliers professionnels étaient au chômage sept mois après l’obtention de leur diplôme.

Nous ne pouvions alors que partager ce constat et saluer l’ambition d’une réforme qui visait à remédier aux déséquilibres de l’enseignement professionnel et à améliorer sa lisibilité pour les élèves et leurs familles.

Sur les neuf leviers du rapport Calvez-Marcon du 22 février 2018 sur la voie professionnelle scolaire, trois ont été retenus : des campus de nouvelle génération, dits « d’excellence », censés incarner une offre de formation riche, claire et attractive ; des formations de pointe en phase avec les grands enjeux du XXIe siècle ; des parcours éclairés par une pédagogie innovante, moteur de réussite. En d’autres termes, il s’agit de relier les enseignements généraux et professionnels pour donner plus de sens.

Il est essentiel de le rappeler, l’objectif du lycée professionnel, c’est de proposer un enseignement en alternance avec l’entreprise et ses métiers, afin de faire acquérir des compétences et des connaissances générales et professionnelles, dans divers secteurs et à différents niveaux de formation.

L’enseignement dispensé a deux finalités : l’insertion professionnelle, certes, mais aussi la poursuite des études. Or, sur ce dernier point, la mise en œuvre de la réforme pose des questions et inquiète.

Le ministère annonce de nouvelles grilles horaires et une nouvelle organisation des études. Les périodes de formation en milieu professionnel sont revues à la baisse, les 22 semaines en vigueur devenant un maximum. L’horaire hebdomadaire est également réduit, au détriment de l’enseignement général. Le français, l’histoire-géographie et l’éducation morale et civique, qui forment une seule discipline, vont perdre 113 heures sur trois ans, sans compensation par la co-intervention.

À cela s’ajoute encore la baisse des enseignements en langues, qui passent de 349 heures à 265 heures, en contradiction avec le souhait de développer Erasmus.

Quelles conséquences auront ces baisses sur les projets des élèves ?

Aujourd’hui, sur les 100 000 élèves des lycées professionnels qui poursuivent leurs études après le bac, 37 000 seulement sont admis en BTS. Or seuls 62 % de ces élèves décrochent leur diplôme, contre 87 % pour les bacheliers généraux.

Ne va-t-on pas creuser encore plus le fossé entre bacheliers professionnels et bacheliers généraux ?

Si la réforme avait pour but d’améliorer la lisibilité de l’enseignement professionnel et visait l’excellence, le risque d’un abaissement du niveau des bacheliers professionnels et de leurs chances en matière d’études supérieures et d’insertion est réel. Au contraire, cette réforme doit pouvoir consacrer le droit à l’erreur de l’élève, tant réclamé par le rapport Calvez-Marcon.

Quant à l’idée de développer l’apprentissage en lycée professionnel, c’est une excellente nouvelle, car celui-ci favorisera l’insertion professionnelle des élèves.

Je regrette cependant que les conditions de sa réalisation restent floues, d’autant plus qu’elle s’inscrit dans un contexte de réforme de l’apprentissage qui, bien qu’elle ait apporté des améliorations, comporte encore de nombreuses zones de vigilance, comme le coût de l’apprenti et le reste à charge pour l’employeur, la situation des 32 000 conjoints collaborateurs, qui, n’étant pas salariés, ne peuvent être maîtres d’apprentissage, ou encore, et surtout, le financement des centres de formation des apprentis.

Sachant qu’un contrat d’apprentissage sur trois est rompu sur l’initiative de l’apprenti, je regrette que toutes ces réformes ne s’accompagnent pas d’un plan plus global évoquant croissance économique, stratégies de recrutement des entreprises ou encore fonctionnement du monde du travail.

Le 17 mai dernier, lors du comité interministériel du tourisme, le Premier ministre a annoncé un grand plan tourisme, défini avec les professionnels du secteur, ayant pour ambition d’ajuster des parcours d’emploi, de faciliter les mobilités et d’adapter les formations aux besoins des employeurs.

J’appelle de mes vœux un plan similaire pour chacune des filières professionnelles, ce que vous appelez, monsieur le ministre, les « familles de métiers ».

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