Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je précise d’emblée que l’usage thérapeutique du cannabis est déjà permis en France : un décret de juin 2013 autorise en effet la commercialisation de médicaments dérivés du cannabis.
De plus, en septembre 2018, l’ANSM a créé un comité scientifique spécialisé temporaire sur l’évaluation de la pertinence et de la faisabilité de la mise à disposition du cannabis thérapeutique en France.
En décembre dernier, ce comité a estimé qu’il serait pertinent d’autoriser l’usage du cannabis dans certaines situations, comme soin de support en oncologie, ou dans le traitement de certaines douleurs résistantes, en particulier dans le cas de la sclérose en plaques.
Je le rappelle à la suite d’Esther Benbassa : ce comité souhaite qu’un suivi des patients traités soit mis en place sous forme d’un registre national, pour assurer une évaluation des bénéfices et des risques inhérents à l’utilisation du cannabis thérapeutique. Il a également insisté sur l’importance de la recherche dans ce domaine.
Ce point d’étape étant fait, j’en viens au débat d’aujourd’hui. Inscrit à l’ordre du jour sur l’initiative du groupe CRCE, il porte plus précisément sur l’accès des patients au cannabis, présenté comme un enjeu majeur de santé publique.
Pour ma part, j’estime que la lutte contre les addictions est un enjeu majeur de santé publique.
Sur la base de l’avis du comité de l’ANSM, il me semble que les deux questions qui se posent désormais sont les suivantes : quelle sorte de médicament est le cannabis ? À quels malades le cannabis thérapeutique pourrait-il être prescrit, et sous quelle forme ?
Le cannabis est utilisé depuis plus de 5 000 ans pour des indications variées. Et pourtant, les académies de médecine et de pharmacie restent réservées quant à une légalisation du cannabis thérapeutique, en raison de ses effets secondaires psychiques et physiques.
Il faut souligner et sans cesse rappeler que le cannabis est une vraie drogue psychotrope qui agit durablement sur l’organisme : ce n’est pas une substance anodine.
Les effets négatifs de sa consommation sur la santé sont nombreux. En voici quelques-uns : altération de la mémoire et du champ visuel, troubles de l’équilibre, troubles de la concentration, crises d’angoisse, dépression, repli sur soi, schizophrénie, AVC, etc. Un lien a également été établi entre l’importance de l’utilisation du cannabis et la survenue d’idées suicidaires.
Avant de prescrire un médicament, tout médecin doit avoir la conviction que les avantages qu’en retirera le patient sont supérieurs aux risques qu’il court. Pour ce qui est du cannabis thérapeutique, le rapport des bénéfices et des risques devrait pouvoir être évalué au cas par cas, indication par indication.
Même si la situation est un peu différente, il ne faut pas perdre de vue les leçons de la crise actuelle des opioïdes, responsables de dizaines de milliers de morts en Amérique du Nord.
Ne laissons pas croire que le cannabis est un médicament. Se pose en réalité la question de savoir s’il n’existerait pas d’autres molécules que le cannabis pour soulager ces douleurs.
L’usage du cannabis thérapeutique ne doit pas laisser penser à une éventuelle innocuité de cette drogue et transformer ce débat en un cheval de Troie pour la libéralisation de la consommation du cannabis. Actuellement, le rapport entre les bénéfices et les risques est le suivant : tous les bénéfices sont pour les dealers et les trafiquants, tous les risques pour les patients !