Intervention de Jocelyne Guidez

Réunion du 29 mai 2019 à 14h30
Le cannabis un enjeu majeur de santé publique — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Jocelyne GuidezJocelyne Guidez :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous ne sommes pas ici pour parler de légalisation du cannabis. Je tiens à réaffirmer devant vous que, à titre personnel et au nom du groupe Union centriste, je suis défavorable à une telle mesure.

Au même titre que l’usage irraisonné de l’alcool ou de la consommation d’autres substances, le cannabis est une drogue, source d’addictions et de drames humains. Cela mérite d’autant plus d’être rappelé que le cannabis est la substance illicite la plus consommée par les adolescents, chez lesquels existe un risque élevé de dépendance.

Néanmoins, le débat d’aujourd’hui mérite d’être apaisé, car il porte sur un tout autre sujet : le cannabis thérapeutique comme enjeu de santé publique.

La question que nous devons nous poser est simple : le cannabis peut-il avoir une utilité thérapeutique ?

Tout d’abord, rappelons qu’il possède des caractéristiques similaires à celles d’autres substances utilisées dans le milieu médical en toute légalité, comme la morphine ou l’atropine.

L’usage thérapeutique du cannabis permettrait de soulager des malades dont les douleurs ne faiblissent pas sous l’effet des antalgiques traditionnels. Aussi, dans un contexte où les prescriptions d’opiacés et les décès pour cause de surdosage ont explosé, les traitements à base de cannabis pourraient représenter une alternative. Le cannabis à usage thérapeutique peut s’imposer comme un antidote à la dérive médicamenteuse.

Dans une étude récente de l’université de Berkeley, environ 90 % des patients estimaient que le cannabis permettait de diminuer leur consommation d’opioïdes et qu’il était plus efficace pour traiter leur état. Cette substitution aurait pour effet de diminuer le coût de la prise en charge pour la sécurité sociale.

Aujourd’hui, vingt et un pays de l’Union européenne sur vingt-huit autorisent le cannabis à usage thérapeutique. En février dernier, les députés européens ont adopté une résolution demandant à établir une distinction claire entre le cannabis médical et les autres usages du cannabis. Ils souhaitent encourager le développement du cannabis thérapeutique, financer la recherche et définir un cadre légal.

En France, si l’usage de celui-ci est encore quasi totalement prohibé, les choses bougent.

Tout d’abord, le Premier ministre lui-même relevait à juste titre en avril dernier qu’« il serait absurde de ne pas se poser la question ». Je ne saurais mieux dire !

Par ailleurs, des professionnels et des institutions médicales étudient sérieusement la possibilité d’encourager le développement thérapeutique du cannabis.

Comme vous le savez, en décembre 2018, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a estimé qu’il pourrait être pertinent, dans certaines situations, d’autoriser l’usage du cannabis pour les patients. Elle préconise de mettre en place une expérimentation à l’échelon national. Je trouve cette recommandation intéressante.

N’oublions pas, enfin, que l’expérimentation doit se faire au bénéfice exclusif des malades. En tant que membre de la commission des affaires sociales, je suis marquée par l’intérêt que nous portons, en France, à la lutte contre la douleur, mais aussi par notre manque d’imagination et d’innovation en la matière.

Nous devons penser aux malades, notamment à ceux qui sont contraints à l’illégalité en recourant au cannabis pour soulager leurs souffrances. Il est inacceptable de laisser quelques petits groupes mafieux, via le marché noir, avec les risques qu’il comporte, profiter de la détresse de ces personnes.

Pour finir, je veux parler des retombées économiques pour notre pays.

La production d’un tel cannabis pourrait apporter une solution à des territoires agricoles en perte de vitesse, suivant l’exemple d’autres pays. La plante de cannabis, peu exigeante, n’a pas besoin d’un sol riche ou profond. Elle nécessite peu d’eau, peu de traitements et peu d’engrais. La situation présente d’autant plus d’intérêt que la France est déjà le troisième producteur mondial de chanvre.

Alors, mes chers collègues, quelle que soit, aujourd’hui, notre opinion sur le sujet, admettons collectivement qu’il y a matière à s’interroger pour l’avenir. Ne tombons pas dans de vaines polémiques !

C’est pourquoi j’aimerais conclure en rappelant que, s’il y a parfois de mauvaises réponses, il n’y a jamais de mauvaises questions. Ainsi en va-t-il de la question du cannabis thérapeutique : elle mérite d’être posée !

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