Intervention de Pascale Gruny

Réunion du 29 mai 2019 à 14h30
Le cannabis un enjeu majeur de santé publique — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Pascale GrunyPascale Gruny :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, toutes les drogues sont nocives et socialement dangereuses. Le cannabis est une drogue comme les autres. Ce n’est pas un cas particulier, davantage comparable à l’alcool qu’à la cocaïne et à l’héroïne.

Fort heureusement, le législateur n’a jamais retenu cette approche. Les faits lui ont donné raison, puisque les travaux scientifiques ont démenti les discours sur la faible nocivité du cannabis et que le phénomène croissant des polytoxicomanies démultiplie les dangers liés à la consommation d’une seule drogue. Il n’existe pas de drogue douce !

Le débat sur les effets thérapeutiques du cannabis est légitime, car il faut se préoccuper de la santé des patients, notamment lorsque les thérapies classiques ne viennent plus à bout des douleurs. Beaucoup d’entre eux s’en procurent aujourd’hui dans l’illégalité, sans aucun suivi médical ni garantie sur la qualité des produits.

Mais engager une réflexion sur le cannabis thérapeutique, c’est aussi prendre le risque d’ouvrir la porte à la légalisation du cannabis récréatif. En vingt ans, la consommation de cette substance a doublé en France. Le geste se banalise, notamment chez les adolescents, qui sont devenus les champions d’Europe de la consommation de cannabis.

Ajoutons que la recherche sur son efficacité thérapeutique est encore balbutiante, et les résultats obtenus jusqu’à présent mitigés.

Nous disposons de trop peu d’études menées sur les humains pour savoir si le cannabis ou ses dérivés soulagent effectivement la douleur chronique. Quand elles existent, les recherches se fondent sur des déclarations subjectives, sur des évaluations personnelles de la douleur, ce qui en limite la validité.

Certains travaux ont suggéré une efficacité possible pour les maladies telle que la maladie d’Alzheimer, mais ils demandent à être confirmés. Un rapport de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies notait « des lacunes importantes dans les données scientifiques ».

Surtout, la possibilité d’une consommation excessive existe pour toute drogue affectant le fonctionnement du cerveau, et le cannabis ne fait pas exception à la règle. Comme pour le tabac, nombre de ses consommateurs peinent, eux aussi, à arrêter. Le cannabis a des effets dévastateurs sur la mémoire, il augmente les risques cardiaques et provoque des catastrophes sur la route.

Dès lors, ouvrir davantage l’usage du cannabis, soit-il thérapeutique, doit nous inciter à proposer, aussi, de nouvelles solutions pour en sortir.

Les centres thérapeutiques communautaires peuvent constituer une réponse adaptée aux toxicomanes.

Voilà quelques années, j’ai eu l’occasion de visiter celui de San Patrignano en Italie, un modèle à suivre dans l’accompagnement des toxicomanes dans leur sortie de la dépendance, mais qui est encore peu adapté en France.

La démarche de tels centres repose sur la rupture avec l’environnement familier et les fréquentations, encore plus sur l’apprentissage d’un métier. La participation à des travaux collectifs aide les personnes accueillies à se stabiliser sur le plan comportemental et psychologique en vue de leur réinsertion future. La communauté a vocation à remplir le vide laissé par la drogue et à leur permettre de retrouver une estime de soi.

L’encadrement permanent, le soutien psychologique et l’entraide des pairs sont essentiels pour le maintien dans l’abstinence, objectif qui n’est souvent atteint qu’imparfaitement dans le cadre d’une démarche strictement médicale.

Malheureusement, nous comptons seulement dix structures de ce type en France et, de fait, les listes d’attente sont longues.

Veillons donc, mes chers collègues, à ne pas créer un doute sur la dangerosité du cannabis et les conséquences de sa consommation.

Pour conclure et revenir au débat sur le cannabis thérapeutique, il est trop tôt, me semble-t-il, pour affirmer que les bénéfices potentiels du cannabis dépassent les risques encourus par ceux qui en consomment. Il est temps que la recherche approfondisse ses études pour établir la réalité des faits.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion