Intervention de Huguette Tiegna

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 28 mai 2019 à 15:5
Présentation du rapport de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques « les scénarios technologiques permettant d'atteindre l'objectif d'un arrêt de la commercialisation des véhicules thermiques en 2040 »

Huguette Tiegna, députée, rapporteure :

Les équipes du CEA et de l'IFPEN ont réalisé un travail de grande qualité dans un délai contraint par le calendrier initial d'examen du projet de loi d'orientation des mobilités, témoignant de l'attachement de ces deux organismes à leur mission de conseil de la représentation nationale.

Leurs scénarios sont fondés sur un modèle mathématique à même, à partir des paramètres fournis, de déduire une combinaison optimale de technologies pour répondre à la demande à un coût minimal. Les objets modélisés incluent le système énergétique - mix électrique, carburants liquides, vecteur hydrogène -, les composants technologiques - batteries, piles à combustible et réservoirs pour l'hydrogène - et cinq types de véhicules déclinés par segments ou catégories : citadine, moyenne gamme et haut de gamme. Seuls les véhicules à usage privé sont pris en compte, qu'il s'agisse de véhicules particuliers ou d'entreprise, c'est-à-dire achetés par des sociétés ou appartenant à des loueurs de longue durée. Les véhicules commerciaux ne sont pas modélisés.

Trois scénarios sont envisagés : médian, pro-batterie et pro-hydrogène. Les trois principales hypothèses convergentes concernent un mix électrique conforme au scénario Ampère du Réseau de transport d'électricité (RTE), soit 46 % de nucléaire et 50 % d'énergies renouvelables en 2035 ; une augmentation de la taxe carbone à 100 euros la tonne en 2030 et 141 euros la tonne en 2040 ; une croissance continue des prix des véhicules thermiques.

Les scénarios précités se distinguent par les hypothèses de progrès technologique. Dans le scénario médian, les progrès de la recherche et développement sur les batteries et les piles à combustible sont conformes aux attentes d'une majorité de scientifiques. Dans le scénario pro-batterie, ils se révèlent plus rapides qu'attendu et les prix des véhicules thermiques reculent plus rapidement. De même, dans le scénario pro-hydrogène, les progrès sur les piles à combustible et les réservoirs à hydrogène sont accélérés, ainsi que la baisse des prix.

L'évolution du parc des véhicules thermiques est similaire dans les trois scénarios, avec une disparition totale des véhicules thermiques non hybrides en 2040 et un volant résiduel de véhicules hybrides non rechargeables équivalent. Le scénario pro-batterie conduit à des résultats équivalents au scénario de référence ; les ventes de véhicules électrifiés sont seulement anticipées de quelques années. Le scénario pro-hydrogène indique, quant à lui, que cette technologie pourrait jouer un rôle majeur si deux conditions se trouvent réunies : des progrès techniques plus rapides que prévu, permettant une baisse accélérée des prix, et un soutien public estimé à 10 000 par véhicule jusqu'en 2040.

Dans les trois scénarios, les émissions de CO2 se réduisent considérablement après avoir crû en début de période ; elles sont divisées par cinq d'ici à 2040 dans les scénarios médian et pro-batterie. Pour atteindre les objectifs de décarbonation des transports, notamment la neutralité carbone en 2050, le CEA et l'IFPEN indiquent qu'il serait nécessaire de substituer des biocarburants liquides aux carburants fossiles.

Les coûts associés à cette transition sont élevés, de l'ordre de plusieurs centaines de milliards d'euros sur une période de vingt ans. L'impact financier majeur est lié à la disparition progressive de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). En 2019, elle devrait atteindre 37,7 milliards d'euros : 45,1 % de cette somme reviennent au budget général de l'État, 32,6 % aux collectivités territoriales, 20,1 % à un compte d'affectation spéciale « transition énergétique », notamment pour soutenir les énergies renouvelables électriques et le biométhane, et 3,2 % à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf).

Les coûts liés à la mise en place des infrastructures nécessaires, comme les bornes de recharge et les stations hydrogènes, sont évalués, pour le scénario médian, entre 30,7 et 100,6 milliards d'euros, entre 32,8 et 108 milliards d'euros pour le scénario pro-batterie et, selon le scénario pro-hydrogène, entre 42 et 103,9 milliard d'euros.

Le CEA et l'IFPEN mettent en évidence sept enseignements issus des scénarios technologiques et formulent une quinzaine de recommandations, que nous partageons en majorité, notamment s'agissant de la poursuite de la recherche et développement sur les biocarburants liquides de deuxième et troisième génération. Le biogaz semble, en effet, plus opérationnel dans un contexte de réduction des besoins en hydrocarbures pour la mobilité.

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