Intervention de Xavier Huillard

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 29 mai 2019 à 10h00
Audition de Mm. Xavier Huillard président-directeur général et pierre coppey directeur général adjoint du groupe vinci

Xavier Huillard, président-directeur général du groupe Vinci :

Merci de votre accueil. C'est en effet la première fois que je me présente devant votre commission mais, lorsque j'étais président de l'Institut de l'entreprise, j'avais été auditionné dans cette même salle.

Notre groupe à 120 ans. Il a été créé à la fin du dix-neuvième siècle avec la conviction que cela apporterait de la valeur à tout le monde, et en particulier à notre pays, de mettre ensemble des métiers de travaux et des métiers de de concessions. Notre intérêt pour les concessions ne date pas d'hier, et nous nous targuons d'être ceux qui avons développé ce concept et l'idée de mettre ensemble ces deux métiers. Nous avons été beaucoup imités de par le monde, et beaucoup suivent ce modèle, en particulier en Amérique latine et dans les pays qui font face à des besoins croissants en termes d'infrastructures de mobilité.

Nous employons 211 000 personnes, en effet, et nous réalisons quelque 43 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel. Nous n'opérons pas uniquement dans la construction et les concessions d'autoroutes : nous intervenons aussi, depuis peu, dans les concessions aéroportuaires, et nous sommes également un acteur majeur de l'ingénierie électrique, ce qui nous donne à connaître des problématiques de smart cities et de smart grid - et cela représente quelque 13 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 77 000 collaborateurs chez Vinci Énergies. Nous sommes également dans les métiers de la route, à travers Eurovia, qui est sans doute le numéro deux mondial. Nous avons des positions de leadership international sur plusieurs de nos activités, ce qui fait de nous un groupe extraordinairement connu au niveau mondial. Ainsi, nous sommes souvent approchés spontanément par des clients lorsqu'ils ont des problématiques d'aménagement urbain ou d'aménagement du territoire.

Très tôt, notre groupe a fait un choix presque philosophique d'organisation très décentralisée. Il est ainsi découpé en quelque 3 500 business units, avec 3 500 patrons autonomes, en charge à la fois de leur métier et de la géographie sur laquelle s'exprime ce métier. Évidemment, il faut du lien entre ces collaborateurs, pour éviter que leur talent entrepreneurial ne nous fasse prendre le risque de diverger. Ce lien, c'est une culture très forte. C'est aussi l'actionnariat salarié, que nous avons développé de façon très proactive depuis 25 ans. Le plus gros actionnaire de notre groupe est, de très loin, la communauté des salariés : 130 000 salariés et quelques retraités sont collectivement propriétaires d'à peu près 11 % du capital du groupe, pour environ 5 milliards d'euros. Nous sommes en effet convaincus qu'il est très important de jeter des passerelles entre le monde du capital et le monde du travail.

Notre conviction est qu'on ne peut pas réussir tout seul, et qu'il faut donc aller dans le sens de ce qu'on appelle l'entreprise inclusive. Il y a longtemps que nous déployons de très gros efforts pour continuer à progresser sur les thèmes qu'on appelle la RSE. Nous sommes sans doute l'un des champions de France en matière d'insertion. Nous allons chaque année chercher 4 000 personnes exclues du monde de l'emploi, à qui nous proposons de remettre le pied à l'étrier à travers un emploi sur un de nos projets, de nos chantiers ou sur une de nos concessions, et à qui nous offrons, en lien avec des associations et des entreprises d'insertion partenaires, un accompagnement social, indispensable pour quelqu'un qui a été longtemps en dehors du monde de l'emploi.

Nous avons lancé une opération ambitieuse, Give me 5, qui consiste à aller chercher des collégiens dans les zones REP +, qui n'ont pas accès au monde de l'entreprise, pour leur trouver des stages de découverte du monde de l'entreprise ou de l'administration. Nous avons décidé, pour le stage obligatoire de troisième, d'accueillir chaque année 5 000 jeunes exclusivement en provenance de zones REP +.

Le groupe Vinci ne se résume pas à ce qu'on peut lire de temps en temps dans la presse, notamment sur les autoroutes en France. C'est beaucoup plus que ça, et notamment un modèle économique et social que nous sommes fiers de porter aux quatre coins du monde, dans plus de cent pays.

J'ai été très heureux de vous entendre nous parler du TRI, car cela fait partie des éléments qui expliquent une partie de l'incompréhension de certains sur les concessions. Une concession ne se mesure pas, comme on le fait d'habitude dans les autres secteurs d'activité, par un ratio entre le résultat et le chiffre d'affaires. Pour une concession, le TRI est la seule manière de mesurer la rentabilité - et, en réalité, celle-ci n'est réellement connue qu'à la fin de la concession et, entre-temps, nous assumons tous les risques.

La privatisation des autoroutes a eu lieu en 2005. C'était une période économique, avant la crise de Lehman Brothers, assez euphorique. Aussi les business plans sur la base desquels ont été faites les estimations des différents protagonistes qui ont participé à la compétition ont-ils été construits sur des prévisions de croissance économique, de trafic, de prix du pétrole, de taux d'intérêt qui ont été extrêmement perturbées par la suite. La crise de Lehman Brothers nous a coûté à peu près dix années de trafic poids lourds, celui-ci n'ayant retrouvé son niveau antérieur qu'en 2018 ! Une concession est aux risques et périls complet du concessionnaire. L'année dernière, nous avons enregistré un trafic négatif, en raison de la crise des gilets jaunes. Alors que nous avions prévu une croissance du trafic de 1,7 % sur nos différents réseaux français en 2018, nous avons terminé l'année à - 0 5 %. La seule manière de mesurer la rentabilité d'une concession est d'en attendre le terme.

Nous avons une concession que personne ne cite jamais, et dont nous sommes fiers, c'est le duplex A86 entre Rueil-Malmaison et Vélizy. Nous avons investi 2,1 milliards d'euros pour créer ce tunnel original et très performant en milieu urbain, et que nous montrons beaucoup à nos clients et aux Gouvernements étrangers. Nous l'avons complètement financé, et en assumant tous les risques. C'est une concession de 75 ans, sur laquelle nous faisons pour l'instant des pertes lourdes, conformément à la courbe en cloche, classique, du monde de la concession : au début, le trafic s'installe de façon progressive, et il faut amortir les lourds investissements et les frais financiers.

L'État doit-il confier en concession des ouvrages d'aménagement du territoire et d'infrastructures de mobilité à des entreprises privées ? J'ai mon opinion sur la question, mais je n'ai pas à l'exprimer. Nous nous adaptons : si les décideurs sont ouverts au principe de la concession, nous essayons d'y participer. Ainsi, la Colombie sort tout juste du problème des FARC et a pris conscience du fait que les infrastructures de mobilité, notamment les infrastructures de transport, sont des accélérateurs de croissance économique. Après des dizaines d'années durant lesquelles ce pays n'a pas pu faire les gestes nécessaires d'infrastructures de transport pour permettre le déploiement économique et rattraper son retard, son Gouvernement a décidé d'utiliser de façon extensive le principe des concessions, considérant que les moyens de l'État ne lui permettrait pas de faire tous les gestes nécessaires dans un temps rapide.

Ce n'est pas nous qui avons décidé de faire un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Nous n'avons fait que répondre à un appel d'offres il y a une douzaine d'années, et nous l'avons gagné - après une rude compétition. Nous avons fait au mieux pour continuer à développer la plateforme de Nantes-Atlantique.

En ce qui concerne l'indemnisation, nous avons été informés par l'État qu'il s'apprêtait à résilier mais, pour l'instant, il ne l'a pas fait. L'État attend d'avoir élaboré un projet, de l'avoir soumis aux enquêtes diverses et de lancer un appel d'offres pour désigner un nouveau concessionnaire de l'aéroport de Nantes-Atlantique. C'est lorsqu'il aura une certitude sur la date à laquelle ce nouveau concessionnaire sera en charge qu'il procédera à la résiliation. Ainsi, il n'y aura pas de discontinuité dans la gestion de l'aéroport. Or, ce n'est que lorsque l'État notifiera de façon officielle la résiliation qu'il nous indiquera le montant de l'indemnité de résiliation qu'il entend nous verser. C'est alors que, peut-être, nous en discuterons le montant, si nous considérons que ce qui nous est proposé ne correspond pas à ce qui est indiqué dans le contrat. Pour l'heure, il n'y a pas de négociation en cours. Nous sommes toujours concessionnaires de l'aéroport de Nantes, que nous continuons d'ailleurs à développer, comme nous l'avons fait de façon assez exceptionnelle depuis une dizaine d'années, puisque le trafic a plus que doublé sur la période, avec des taux de croissance de trafic très supérieurs à ce que l'on peut voir sur les autres plateformes françaises.

L'idée selon laquelle il pourrait y avoir des liens entre l'indemnisation de Notre-Dame-des-Landes et l'ouverture du capital éventuelle d'ADP est invraisemblable dans notre pays ! Ce ne sont pas les mêmes interlocuteurs, ce ne sont pas les mêmes ordres de grandeur et cela ne se passe jamais comme ça !

Sur l'ouverture de capital d'ADP, nous sommes très sereins. Nous avons décidé il y a une dizaine d'années de nous déployer dans les infrastructures aéroportuaires et nous l'avons fait de façon très dynamique, puisque nous sommes le premier opérateur privé d'aéroports au monde et, en nombre de passagers, nous sommes sans doute le deuxième opérateur tous acteurs confondus dans les métiers aéroportuaires. Évidemment, c'est bon pour la France, et c'est bon pour notre groupe, pour nos collaborateurs, et surtout pour les passagers, pour les compagnies aériennes et pour tout l'écosystème politique et entrepreneurial qui gravite autour des 46 plateformes que nous gérons. Nous avons accueilli London Gatwick la semaine dernière et nous continuerons à déployer notre modèle sur le métier de l'aéroportuaire. Notre ambition est de continuer à occuper les premières places dans les classements internationaux, car nous sommes convaincus que nous pouvons apporter de la valeur aux passagers, en termes de qualité de service et de fluidité, mais aussi aux compagnies aériennes à tout l'écosystème politique et entrepreneurial que j'ai évoqué. S'il ne se passe rien pour ADP, ce ne sera pas un drame pour Vinci.

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