Intervention de Aline Magnien

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 23 mai 2019 à 9h40
Sciences et technologies en appui de la restauration de notre-dame de paris — Tables rondes

Aline Magnien, conservatrice générale du patrimoine, directrice du laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) :

Le LRMH est un service à compétence nationale du ministère de la culture, créé voilà près de cinquante ans, dont la mission principale est d'appuyer scientifiquement les travaux de restauration conduits par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), les conservateurs des monuments historiques, les architectes en chef des monuments historiques. Installé au château de Champs-sur-Marne, et ce depuis sa création par Jean Taralon, ce service compte trente-six personnes, dont vingt-trois scientifiques. Au cours des années soixante et soixante-dix, sous l'influence de la charte de Venise, on a pris conscience de la nécessité de comprendre et d'identifier les matériaux originaux pour pouvoir comprendre comment ils s'altéraient et comment les restaurer de façon respectueuse et durable, sans effet secondaire.

À propos de Notre-Dame, on parle de grande brûlée, de grande malade, et nous nous identifions beaucoup aux médecins qui vont au chevet des malades.

Nous participons donc à ce contrôle scientifique et technique aux côtés de nos collègues ingénieurs, docteurs en sciences des matériaux, géologues. Le LRMH compte neuf pôles : béton - matériau très fragile qu'on retrouve sur de nombreux monuments protégés -, bois, grottes ornées, métal, microbiologie, peinture murale et polychromie, pierre, textile et vitrail.

En temps ordinaire, nous assistons nos collègues sur les différents chantiers. La catastrophe de Notre-Dame a fortement mobilisé nos services - c'est en 1990 que nous sommes intervenus pour la première fois sur la cathédrale. Nous avons connu plusieurs incendies : le palais du Parlement de Bretagne en 1994, le musée des monuments français à Chaillot en 1997, le château de Lunéville en 2003, l'hôtel Lambert à Paris en 2013. Nous avons donc une certaine expérience des dégradations immédiates dues aux infestations microbiologiques causées par l'eau et la chaleur, de la protection des vitraux quand leur démontage rapide est nécessaire, de la fragilisation de la pierre, dont il faudra s'assurer de la solidité avant d'installer notamment les platelages de chantier.

Ces premières interventions d'urgence, qui font appel à des appareils techniques et à des méthodes scientifiques, sont au service immédiat du chantier. Cela a été dit, nous avons assisté la police dans le tri des éléments tombés à la croisée du transept qui permettront de déterminer les causes de l'incendie. Il faut conserver ceux qui nous livreront des informations précieuses pour la suite des études qui devront être menées et pour la compréhension de Notre-Dame. Pour cela, nous nous sommes associés avec le service régional de l'archéologie et avons mis en place des protocoles pour procéder à ce premier tri.

Il y a ce qui va servir à la restauration, ce qui va servir à la connaissance ultérieure de Notre-Dame et, plus généralement, ce qui va servir à la compréhension du comportement de tel ou tel matériau. La charpente brûlée, par exemple, peut nous renseigner sur la charpente elle-même de Notre-Dame, mais aussi éclairer les études ultérieures consacrées au comportement du bois en pareil cas.

Il fallait établir ce protocole rapidement, mais pas trop cependant, au risque de perdre des informations. Ainsi, notre pôle « pierre » a besoin d'étudier par quel type de pierre vont pouvoir être remplacées les pierres qui doivent l'être. Notre travail sur les percolations de manganèse au château de Lunéville nous aidera beaucoup à comprendre ces phénomènes.

Cette recherche scientifique immédiate en laboratoire et les recherches ultérieures permettront de nourrir nos travaux sur Notre-Dame en particulier, mais aussi sur d'autres édifices.

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