L'ère numérique fragilise effectivement ces monopoles régaliens. Des acteurs privés peuvent aujourd'hui se substituer à l'État ou, à tout le moins, le concurrencer en se dotant parfois plus facilement ou plus rapidement que lui, des outils classiques de la souveraineté.
Les frontières sont à repenser mais peuvent être reconstituées. Je parlais des cercles concentriques, qui vont du plus au moins sensible. C'est aussi à l'État de repenser ces frontières logiques, au-delà des frontières physiques. Certains sont capables de penser au-delà de leur sphère normale d'influence et de juridiction. On pense notamment à l'extra territorialité de la législation. Il nous - Français et plus probablement Européens - faut également savoir recréer des frontières. Par ailleurs, certains États ont su se fermer au monde numérique extérieur. C'est donc possible, mais je ne suis pas certaine que ces États soient porteurs de modèles que nous souhaiterions suivre. Le numérique n'est donc pas exclusif de capacités de souveraineté, y compris robustes, si ce n'est autoritaires.
Je vous rejoins en revanche parfaitement sur le monopole de la violence légitime. Les acteurs privés pourraient en effet se faire justice eux-mêmes, en pénétrant dans les systèmes d'information de l'attaquant pour aller détruire l'origine de l'attaque, prenant le risque de se tromper d'attaquant ou de générer des dommages collatéraux, pour reprendre les termes du droit international humanitaire - qui s'applique bien au monde numérique -, avec des risques d'effets de bord si ce n'est d'effet boomerang. D'où l'idée que l'État doit garder ce monopole de la violence légitime.