Intervention de Jean Louis Masson

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 29 mai 2019 à 8h30
Audition de M. Jean-Raphaël Alventosa médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques

Photo de Jean Louis MassonJean Louis Masson :

Vos propos sont très intéressants, bien que je ne les partage pas. Je souhaite qu'ils soient reproduits le plus exactement possible dans le compte rendu, et non de façon elliptique.

La banque de la démocratie devait permettre à tout le monde de faire campagne sans blocage financier, et de permettre à des partis, sûrs d'être remboursés, d'avancer ainsi l'argent nécessaire pour financer la campagne. Si vous n'avez pas obtenu un prêt de 4 millions d'euros, vous ne pouvez pas en demander le remboursement ensuite et donc vous ne pouvez pas faire campagne. C'est un problème démocratique !

J'ai déjà pointé les différences de traitement des banques selon les candidats. Or, la CNCCFP est très vigilante pour que les entreprises ne fassent aucune discrimination entre les candidats. Ainsi, un imprimeur doublant ses tarifs pour un candidat mais appliquant une réduction de 50 % à un autre est considéré comme lui attribuant un avantage en nature. Lorsqu'une banque opère des discriminations selon la couleur politique du candidat, selon ses propres sympathies, c'est aussi un avantage en nature !

La fonction de médiateur du crédit aurait dû servir à refuser de telles discriminations. Or, tout le monde le sait, il y a deux types de partis : les bien-pensants europhiles, et les autres. Il n'est pas normal de consentir un emprunt à tel parti bénéficiant d'une bonne image et d'une bonne réputation, et de ne pas prêter à celui ayant une mauvaise image, non pas auprès des électeurs, mais selon les prétentions de la banque. Tout votre travail était de veiller à l'absence de discrimination.

Or les débats dans la presse montrent le contraire. Dans Le Figaro du 6 février 2019, un représentant de la liste du Rassemblement national se plaignait de discrimination, regrettant que « c'est désormais aux banques de dire qui a le droit de se présenter ou non ». C'est extrêmement préoccupant pour la démocratie. De même, un représentant de la liste de la France insoumise estimait que « ce n'est pas aux banques de décider quelles sont les bonnes idées et quelles sont les mauvaises ».

À propos de la liste du Rassemblement national, vous avez indiqué dans ce même article, et cela m'a scandalisé, qu'il y a « un certain nombre de critères à respecter. Celui de la solvabilité ne pose pas problème pour le Rassemblement national. Celui de la conformité, de la réputation et de l'image, c'est une autre chose. »

Monsieur le médiateur, vous estimez que la réputation et l'image, donc la couleur politique et la nature des idées, puissent être un critère pour prêter. Or, une personne morale n'a pas le droit d'aider tel ou tel candidat selon que ses idées correspondent ou non à la pensée dominante. C'est un vrai problème.

Dans un article du Monde du 8 avril dernier, le directeur d'une grande banque déclarait : « C'est une mauvaise querelle qui nous est faite. Des partis sans financement public parce qu'ils n'ont pas de parlementaires, avec peu de ressources et peu de garanties de franchir le seuil des 3 %, se posent en victimes. Mais les banques ne peuvent pas financer une activité à fonds perdus dès le départ. » Mais le parti arrivé en tête des européennes cochait toutes les cases énoncées par le directeur de la banque, et il était en tête des sondages. Il a été évincé en raison d'un délit de mauvaise apparence et d'idées non conformes à la pensée dominante !

Dans le même article du Monde, vous avez affirmé, concernant le refus d'obtenir des crédits, qu'il « n'est pas anormal de faire appel aux militants pour financer une campagne, les partis sont aussi faits pour cela ». Ainsi selon vous, il y a deux catégories de candidats : d'une part, ceux qui ont le soutien des banques et qui, avec leur aide, peuvent financer sans problème leur campagne ; d'autre part, les victimes des banques qui n'ont qu'à se débrouiller en faisant appel aux militants. Dans une vraie démocratie, chacun doit avoir un accès normal au crédit !

J'ai moi-même vécu une telle discrimination. J'ai souhaité emprunter, pour la liste sur laquelle j'étais candidat aux élections européennes, une somme non négligeable, auprès de la banque dans laquelle j'ai mon compte bancaire depuis cinquante ans. Aucun problème, m'a-t-on répondu, puisque je n'avais aucun risque particulier. J'ai signé un papier, en attendant la vérification par les instances supérieures. Deux jours après, mon conseiller bancaire me rappelle : la banque ne pouvait pas me prêter car nous avions écrit dans le projet de nantissement qu'il visait la campagne du parti X - même si c'est moi qui faisais le nantissement ; mais il n'y aurait plus aucun problème si on enlevait la référence au parti X. Nous avons donc enlevé cette référence au parti X, mais un tel procédé est scandaleux ! Pour le parti Y, il n'y aurait eu aucun problème...

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