Monsieur le président, mesdames, messieurs, les questions portent sur deux volets, l'indemnisation et la prévention. Je pense que nous partageons à peu près les mêmes constats. Les représentants des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en parleront mieux que nous mais, pour les départements, la procédure, les critères et leur restitution sont complexes, les élus ne siégeant pas dans les commissions ministérielles compétentes.
La demande des représentants des départements est d'être davantage associés à la discussion afin de faire ressortir la réalité du terrain - par exemple avec le Conseil supérieur de météorologie.
Les départements sont divers : milieu ultramarin, montagne, littoral et autres. Chacun, au moment de l'indemnisation, voit souvent revenir des dossiers de communes, en particulier en matière de sécheresse. Les critères sont parfois difficiles à établir. La procédure promet généralement d'être longue, alors que l'étude se révèle finalement extrêmement rapide. Il conviendrait d'ouvrir davantage ces commissions aux élus.
S'agissant des procédures de reconnaissance de catastrophe naturelle, le déploiement en ligne du dispositif iCatNat reste très intéressant mais également compliqué.
La procédure centralisée dans les services ministériels pose souvent des problèmes aux élus sur le terrain. Les réponses, qui doivent remonter au plus haut niveau de l'État avant de redescendre, ne sont pas toujours évidentes. Certains proposent une procédure plus départementale, décentralisée au profit des préfets, en particulier en matière de prévention.
S'agissant de la réponse, beaucoup d'échelons se mélangent. Les communes sont toutefois toujours en première ligne : c'est le maire qui se retrouve, à 3 heures du matin, face à une difficulté et qui appelle le service départemental d'incendie et de secours (Sdis) et les services de l'État. Leur réponse est toujours très adaptée, mais c'est le département qui demeure le premier mobilisateur des ressources humaines et financières. On l'a vu avec Xynthia : une fois passés les problèmes de submersion et d'aide à la personne, il faut mobiliser très rapidement les aides financières, les services sociaux, l'hébergement.
La loi NOTRe avait dans un premier temps laissé cet aspect de côté, ce qui constitue une erreur fondamentale. Ainsi, lors de la survenue de Xynthia, une cellule d'urgence avait été constituée par le département. La région était également intervenue. Les départements disposent tous aujourd'hui de véritables plans d'intervention, en collaboration avec l'État, qu'il s'agisse d'un collège en feu, d'une marée noire, d'inondations, de submersion, etc. Il ne faut donc pas négliger les moyens financiers des départements, qui savent se mobiliser et qui ont encore des moyens.
Pour nous, en matière d'indemnisation, le cas le plus difficile est celui de la sécheresse.
Cependant, l'ADF considère qu'il existe un véritable retard en matière de prévention. Nous ne savons et n'avons jamais su y répondre au niveau national, malgré la qualité de nos intervenants - pompiers, militaires, service civil, etc.
Le principe est toujours le même : il est centralisateur. Il s'agit de définir un plan « digue », un plan « séisme », et de les imposer aux collectivités. Pour la submersion, on a les fameux plans de prévention des risques littoraux (PPRL). Ils ont certes un rôle extrêmement intéressant, puisqu'ils définissent des zones à risque, mais après ? Si on définit les zones à risque, il faut que cela se traduise en matière d'urbanisme, et non pas simplement par une interdiction.
En France, nous avons un véritable problème : nous sommes toujours dans la gestion de crise, rarement dans l'anticipation du risque. On ne vit pas avec le risque, mais contre le risque.
En matière de submersion et d'inondations, il faudra bien admettre un jour que ceux qui habitent dans une vallée qui peut être inondée ou sur un littoral qui risque d'être submergé ne sont pas entièrement responsables. On sait en effet que 71 % des Français sont dans une zone à risque, qu'il s'agisse d'un risque d'avalanche, d'inondation, de submersion marine ou de séisme. Pratiquement tout le monde vit, travaille ou se déplace quotidiennement dans une zone à risque.
On établit sur le littoral des plans de prévention draconiens et difficiles à mettre en place pour les élus locaux, faute de moyens. Alors que moins de 50 % des plans communaux de sauvegarde (PCS) sont en place - dix ans après Xynthia - et nous n'avons toujours pas réformé notre urbanisme. On ne sait toujours pas faire des maisons sur pilotis, et on attend encore un grand plan national d'urbanisme pour le littoral, alors que les Néerlandais réalisent déjà des maisons qui flottent.
On ne favorise pas la prévention face aux risques, et on est toujours à la recherche d'indemnisations. Le fonds Barnier est une vraie problématique. Il est tout d'abord insuffisant étant donné les risques que l'on va devoir affronter. S'il n'augmente pas, il ne répondra pas aux besoins. Il peut à la rigueur servir à réaliser des systèmes de digues. C'est une très bonne chose, mais les digues ne répondent pas à tous les besoins. Nous le savons, en Charente-Maritime, où on doit reprendre 230 kilomètres de digues, soit 50 % de notre littoral.
Le fonds Barnier n'intervient pas, par exemple, en matière de repli stratégique et d'érosion. On ne peut financer l'érosion. Or beaucoup de pays européens et d'autres ont déjà des réponses. Quand cela casse, des ressources existent, pas quand cela s'érode. On est dans un repli stratégique, mais on ne s'est pas replié stratégiquement. Il faut une loi pour imposer que des zones soient réservées à des personnes. La commune de Lacanau essaye de réaliser un repli stratégique et, au fur et à mesure du financement, s'aperçoit qu'elle va au-devant de difficultés sans nom. Elle n'a pas les instruments juridiques pour le faire ni les terrains.
Quels doivent être les niveaux d'indemnisation en cas d'expulsion de propriétaires ? La solution apportée à l'immeuble du Signal à Soulac-sur-Mer ne répond qu'au cas d'espèce. Cela ne constitue pas une jurisprudence, dix ans après Xynthia. Comment déménager les personnes ? Si on ne le fait pas, il faut les protéger. Pour cela, il faut y mettre des millions et des millions. Comme en matière d'environnement durable, la meilleure consommation, c'est de ne pas consommer, mais on consomme sans arrêt, puisque les personnes sont toujours là.
Il faut donc revoir complètement le volet relatif à la prévention. On a l'impression - et les départements le ressentent très bien - qu'on recherche plutôt des responsabilités. C'est bien d'identifier des responsables, mais cela ne suffit pas.
Une vraie ambition serait un projet de loi qui définisse complètement la prévention et qui aille beaucoup plus loin : soit on vit avec le risque et on change alors profondément notre approche de l'urbanisme, soit on demande aux gens de partir, mais si on reste dans l'entre-deux que nous connaissons actuellement, cela revient à conduire une voiture sans pare-chocs.
Le département doit rester au coeur du sujet. On le voit avec la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi), dont le département avait été écarté. On s'est aperçu que les EPCI de 15 000 à 18 000 habitants, avec leurs limites budgétaires, ne seraient pas en mesure de faire face sans les 20 % du département ou de la région.
Comme toujours, le maillage du territoire est fondamental. Le département conserve une position de centralisateur décentralisé. Nous voulons rester - c'est la proposition de notre président Dominique Bussereau - dans cette solidarité, dans les procédures et dans le financement. Les départements ne peuvent s'écarter des financements, qu'ils soient en zone de montagne, littorale, ultramarine ou autres. Ils prendront leurs responsabilités et resteront dans la compétence générale en cas d'événement climatique majeur.