Intervention de Elisabeth Bougeard-Tournon

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 16 mai 2019 : 1ère réunion
Table ronde sur le rayonnement de la coupe du monde féminine de football 2019

Elisabeth Bougeard-Tournon, responsable du Service communication et promotion du football amateur de la Fédération Française de Football :

Merci de me donner la parole. Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, avant de vous parler de ce musée itinérant, j'aimerais rebondir sur ce que disait Frédérique Jossinet, sur l'année clé qu'a été 2011 pour l'évolution incroyable du football français en matière de féminisation. En effet, depuis 1970, date de l'intégration du football féminin à la Fédération, différents plans de développement avaient été initiés, avec plus ou moins de succès. Certains d'entre eux se sont révélés fortement incisifs dans le contexte du moment. J'aimerais mettre en évidence la date de 1998 avec l'organisation de la Coupe du monde masculine en France, qui a déjà donné un élan au football féminin. Nous avons en effet vu de nombreuses femmes dans les stades. En outre, un premier plan très ambitieux a fixé comme objectif d'avoir un cadre technique consacré exclusivement au football féminin dans chaque ligue régionale. Ces évolutions ont connu des fortunes diverses jusqu'à l'arrivée de l'équipe de Noël Le Graët à la Fédération en 2011, qui a accéléré le processus de façon exponentielle.

Le musée « Il était une fois les Bleues » résulte d'une mission qui a été commandée par la Direction générale de la Fédération. Dans la perspective de la Coupe du monde féminine, il a semblé important de faire la promotion de l'équipe nationale, qui est encore très peu connue, voire invisible, au coeur des territoires et du grand public. À partir de cette commande, nous avons décidé de mettre à contribution toutes les joueuses, quelle que soit leur génération. Nous avons réussi à les fédérer depuis une dizaine d'années dans un genre de club des internationales qui a pour slogan « Bleues un jour, bleues toujours ». Elles se rassemblent une fois par an et ont de nombreux échanges. Pour assurer la promotion de l'équipe de France dans les territoires, nous avons donc fait appel à elles. Une exposition photo peut être intéressante, mais nous avons souhaité aller plus loin en sollicitant les contributions des joueuses. Nous leur avons demandé d'apporter à ce musée ce qu'elles avaient de plus symbolique, de plus précieux, de plus affectif, pour le partager avec le public. Cela fonctionne très bien.

Le musée « Il était une fois les Bleues » retrace la grande histoire de l'équipe de France à travers le témoignage de joueuses de toutes les générations. Le football féminin a été intégré à la Fédération en mars 1970. Le premier match international féminin reconnu par la Fédération s'est tenu le 17 avril 1971. Depuis, tous les matchs de l'équipe de France sont officiellement reconnus. Avant ce tournant, la pratique féminine, quoique fréquente, demeurait officieuse. Le football féminin a ensuite connu un essor exceptionnel dans un anonymat presque total. Certes, les médias se sont intéressés ponctuellement à l'équipe de France féminine lorsqu'elle se qualifiait pour une compétition. Aujourd'hui, l'équipe de France navigue dans le « top 5 » mondial. Il était donc temps de faire connaître ces grandes dates, la Coupe du monde féminine nous en donnant l'occasion.

Dans ce musée, nous montrons la genèse de l'histoire. En 1920, à la sortie de la Première Guerre mondiale, les femmes se tournent vers les activités de plein air, au premier rang desquelles se trouve le football. Il s'agissait alors de la seule activité sportive appropriée en plein air. Le football féminin a eu de véritables ambassadrices à cette époque, dont la désormais célèbre Violette Morris. Elles ont été médiatisées à l'époque et ont, par exemple, joué en Angleterre devant 25 000 spectateurs. Les Anglaises ont d'ailleurs été des pionnières dans ce domaine. Nous racontons cette période par le biais de l'image et du texte. En effet, nous n'avons pas d'objet qui y soit rattaché étant donné que nous n'avons pas retrouvé de femmes témoins de cette époque.

Ensuite, nous évoquons ce qu'il s'est passé depuis la reconnaissance officielle. De 1970 à 1997, le football féminin traverse une période d'apprentissage. L'UEFA ne crée sa première compétition féminine qu'en 1982 suivie par la FIFA en 1991. La France est inscrite dans ces compétitions et participe aux phases de qualification. Elle ne réussit pas à se qualifier pour les grandes compétitions, car quatre nations dominent alors les tournois (Norvège, Danemark, Allemagne et Suède). En 1997, date clé, l'équipe de France féminine se qualifie pour le Championnat d'Europe. À partir de ce moment, nous nous sommes toujours qualifiées dans les grandes compétitions internationales, sauf en 2007 pour la Coupe du monde qui se tenait en Chine. Nous avons ensuite obtenu quelques grands résultats et avons été demi-finalistes de la Coupe du monde en 2011 et demi-finalistes des Jeux Olympiques en 2012. Le musée retrace ces événements au travers de quatre grandes époques.

Nous abordons également la mode vestimentaire et l'évolution des équipements. Jusqu'à récemment, nous prenions les équipements pour les femmes dans les stocks des équipements masculins. Nous étions très à l'aise dans nos vêtements ! Il est amusant de constater cela aujourd'hui. L'équipementier n'a pas ménagé ses efforts pour proposer aux joueuses des équipements adaptés.

Par ailleurs, nous avons aussi remporté des trophées chez les jeunes : quatre championnats d'Europe et un championnat du monde qui demeure notre événement phare. Ces trophées sont présentés dans le musée, assortis de récompenses individuelles, car nous comptons un Ballon d'or dans le Championnat du monde des moins de 17 ans et trois Ballons de bronze dans les différentes compétitions européennes de jeunes. Nos équipes féminines de jeunes (U17, U19 et U20) ont disputé quatorze finales européennes ou mondiales en dix-huit ans. Une politique de formation importante et efficace s'est déployée à la Fédération depuis vingt ans. Les sélections de jeunes ont démarré en 1998, lorsqu'une réelle politique technique s'est mise en place, notamment avec l'école de formation à Clairefontaine. Les résultats ont été immédiats sur le plan européen, comme le montrent nos quatre titres et nos quatorze finales.

De nombreux visiteurs du musée nous demandent pour quelle raison nous n'avons pas converti cet effort avec l'équipe A et pourquoi cette dernière n'a pas gagné de titre. Les sportifs présents dans la salle savent qu'il existe un réel écart entre les matchs de jeunes et la sélection A. Nous espérons bien remédier à cela cette année et remporter un titre mondial.

Les joueuses qui se sont succédé depuis cinquante ans nous ont prêté leurs objets les plus précieux. Nous présentons notamment le Ballon d'argent remporté lors de la dernière Coupe du monde au Canada par Amandine Henry, actuelle capitaine de l'équipe de France. Il a parfois été compliqué d'en obtenir certains, comme les maillots des premières joueuses sélectionnées car si les joueuses reçoivent aujourd'hui un maillot par match, voire deux ou trois, c'était encore une exception à l'époque de laisser les joueuses le conserver après un match, ce qui confère donc à ceux-ci une réelle valeur.

Le musée recueille un grand succès populaire auprès d'un public curieux, mais qui pensait que l'équipe de France n'existait seulement que depuis dix ans. Il est vrai que nous n'étions alors médiatisées que sur des chaînes confidentielles ou payantes cette dernière décennie. Or l'équipe de France féminine a presque 50 ans, ce que le public est heureux de redécouvrir. Nous lui proposons d'écrire une nouvelle page de l'histoire de l'équipe de France avec la fédération et les joueuses. Les anciennes joueuses interviennent lors des étapes de notre exposition. Elles racontent, elles transmettent au public. Il s'agit pour elles d'une façon de devenir visibles et d'être associées à l'équipe actuelle. Les femmes de 60 ou de 70 ans signent des autographes et font des selfies comme les joueuses d'aujourd'hui, ce qu'elles n'ont pas connu lorsqu'elles jouaient.

En outre, nous touchons de nombreuses catégories de population : les écoles, les clubs, mais aussi des associations de femmes. Nous avons ainsi rencontré un groupe de femmes entrepreneures en Auvergne-Rhône-Alpes lors de notre étape dans l'Ain. Le public ressent une forme de surprise et parfois de sidération en découvrant notre musée. Les gens estiment qu'il n'est pas normal de ne pas connaître toute cette histoire. Cela correspond en réalité à des contextes sportifs et sociétaux. Le football féminin a épousé l'évolution de la place des femmes dans la société et la courbe de l'émancipation féminine. In fine, le football n'est pas plus mal loti que les autres sports. Nous sommes d'ailleurs aujourd'hui dans une position privilégiée par rapport à d'autres sports féminins, même si l'écart avec les garçons reste important.

Enfin, nous avons réalisé un film en réalité virtuelle qui permet au public de plonger durant trois minutes au coeur de l'univers des Bleues. Les visiteurs sont immergés dans le château de Clairefontaine, sur le terrain, dans le vestiaire, dans la salle de réunion ou à table. Ce dispositif dynamique finalise la visite de manière moderne. Ce parcours du vintage à la réalité virtuelle est très apprécié.

Notre tour de France des territoires a commencé le 19 janvier au Havre. Les étapes se multiplient. Quelques villes-hôtes accueillent ce musée. Toutefois, ces territoires bénéficiant de nombreuses animations, nous avons décidé de nous arrêter dans des territoires qui n'accueilleront pas de matchs afin d'entraîner la population derrière l'équipe de France. Nous sommes donc allés à Bourg-en-Bresse plutôt qu'à Lyon ou Grenoble. Nous sommes allés dans les villes-hôtes de Reims et Rennes et nous irons à Nice. Nous nous sommes parfois installés dans des centres commerciaux. Le public a aimé notre démarche. À Paris, nous avons présenté notre musée au Comité olympique. Nous avons fait étape à Auxerre et à Rodez, qui a été un moment extraordinaire pour toucher le public rural ; à Chartres, à Orléans, à Bordeaux et à Capbreton. Nous nous arrêterons à Clairefontaine, où nous espérons que les joueuses pourront se joindre à nous en dépit de leur agenda chargé. Enfin, nous nous installerons à Lyon pour la fin de la Coupe du monde, à partir des quarts de finale.

Je vous invite donc à venir nous voir, car le musée est une façon de découvrir le football féminin et son histoire par le prisme d'objets majeurs.

[Une vidéo est projetée.]

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