Intervention de Céline Géraud

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 16 mai 2019 : 1ère réunion
Table ronde sur le rayonnement de la coupe du monde féminine de football 2019

Céline Géraud, ancienne championne de judo, rédactrice en chef de la matinale de RMC Sport :

Merci beaucoup. Les questions sont nombreuses. Je suis ravie d'être parmi vous pour partager mon expérience. Effectivement, j'ai fait du sport de haut niveau. Ce fut un élément très important dans ma carrière. Cela m'a évidemment apporté une plus-value, car la plupart des journalistes de sport - je rejoins Nathalie Iannetta sur ce point, il convient de parler de journalistes de sport, et non de journalistes sportifs, sauf s'ils font du jogging - sont souvent des passionnés de sport qui auraient adoré toucher le haut niveau, au moins du bout des doigts. J'ai eu cette chance et j'ai essayé de la partager très vite. Je suis passée par d'assez nombreux médias, ce qui a nourri mon expérience. J'ai d'abord travaillé à la télévision, chez France Télévisions, où j'ai été pigiste durant un long moment. J'ai fini par être embauchée. J'avais fait une école de journalisme et je ne voulais pas être commentatrice de judo, tant celui-ci est peu visible à la télévision. On ne le voyait à peu près que tous les quatre ans, à l'occasion des Jeux Olympiques. Je voulais surtout être journaliste.

J'ai été reporter et j'ai couvert de nombreuses éditions du Paris-Dakar et du Tour de France. J'ai ensuite présenté « Tout le sport » en 1998, juste après la Coupe du monde de football. J'avais fait des interviews sur le parvis de France Télévisions. Le rédacteur en chef, Jacques Ségui, pour qui j'ai une pensée émue, car il vient de nous quitter, m'avait donné ma chance. Je m'étais retrouvée à l'antenne alors que ce n'était pas du tout mon destin au départ. J'étais plutôt sur une trajectoire de terrain, que j'appréciais beaucoup.

J'ai ensuite rejoint TF1 pour couvrir la Formule 1, le rugby, le foot et L'Ile de la tentation, car il faut aussi s'imprégner d'autres aventures. Je ne le regrette pas, car ce fut un tremplin pour de nombreuses autres choses. J'ai quitté TF1 pour rejoindre Orange, qui se lançait à l'époque. Là aussi, ce fut une belle aventure avec Patrick Chêne et Xavier Couture, qui venait de récupérer les droits du football pour quatre ans. J'étais au bord du terrain, et nous faisions cinq heures de direct tous les samedis soir. Une belle expérience !

Cela s'est arrêté brutalement. En judo, nous avons le « Sen-No-Sen », qui signifie « action-réaction ». On anticipe toujours ce qui peut se produire. J'ai alors eu la chance de partager une expérience en radio, déjà avec RMC. François Pesenti cherchait de nouveaux collaborateurs pour les Jeux de 2012 et je me suis retrouvée à Londres avec toute l'équipe, 18 heures sur 24. J'ai ensuite un peu travaillé sur Europe 1, durant des soirées et matinales. Puis je suis revenue à France Télévisions pour présenter Stade 2. J'ai endossé, là encore, un rôle de pionnière malgré moi, en quelque sorte, puisque j'étais la première femme à présenter cette émission, qui existe depuis quarante ans. J'ai été très flattée de la chance qui m'était donnée et je l'ai saisie. J'ai fait cela durant quatre ans. Je crois à la notion de cycle, et je trouve qu'une durée de quatre ans représente un cycle intéressant. Peut-être est-ce mon passé de judoka, et l'expérience des Jeux Olympiques, qui influencent ma perception de ce point de vue.

J'ai alors présenté « Tout le sport », émission qui existait depuis vingt ans et qui était présentée depuis longtemps par Henri Sannier, qui partait à la retraite. « Action-réaction », « Sen-No-Sen », je me retrouve à présenter cette émission - que je connaissais pour l'avoir présentée durant les week-ends. Cela a duré une saison. Puis j'ai été tentée par une aventure à RMC, pour une matinale qui a vu le jour en novembre 2018. De 6 heures à 9 heures, tous les jours, nous sommes au micro. Je suis levée, présentement, depuis 2 heures ce matin. J'espère que cela ne se voit pas ! C'est encore le besoin de me mettre en danger, de relever des défis et de tenter de nouvelles expériences qui m'a guidée dans ce choix. Je crois aussi qu'il est bon de sortir de sa zone de confort, comme nous le faisons tous à notre niveau.

Pour répondre à votre question, j'ai eu un rôle de pionnière que j'ai beaucoup utilisé au profit des autres. Je rejoins Magali Munos quant à cette dimension collective. On m'a souvent appelée en me sollicitant pour telle ou telle chose, parce que j'avais été la première femme à avoir telle ou telle expérience. J'ai partagé cette expérience et je pense avoir donné envie à de nombreuses jeunes filles d'aller plus loin, au sein des écoles de journalisme, car j'ai donné des cours dans des écoles, notamment au CFPJ. Il y avait beaucoup d'a priori quant à la possibilité, pour une femme, d'embrasser ces carrières. À une étudiante qui m'interrogeait, je répondais : « Si tu bosses, si tu lis L'Équipe et que tu connais tous les sports, pas seulement le tien ou celui qui t'intéresse, tu as une chance d'y arriver ! » J'en connais deux ou trois, au moins, qui ont passé certains filtres parce qu'elles ont cru à cette histoire.

J'ai l'impression que les temps changent, que les lignes bougent. Je ne suis absolument pas en faveur de la surreprésentation des femmes. Je suis pour que la bonne personne soit à la bonne place. Dans le paysage audiovisuel français actuel, toutes les femmes qui parlent de football ou de sport sont crédibles. Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'erreurs de casting. Il y en a eu au début, parce que les chaînes avaient tendance à choisir de jeunes femmes très jolies pour présenter du sport. Cela ne servait pas à grand-chose et elles n'ont pas fait illusion longtemps. C'est une réalité. Les téléspectateurs ou les lecteurs paient pour voir, bien souvent. Lorsque c'est gratuit, ils sont exigeants, et ils le sont plus encore vis-à-vis des femmes. Lorsque nous faisons une faute, nous sommes immédiatement brocardées. Nous devons donc être efficaces, pertinentes et percutantes.

Deux ou trois femmes, actuellement, commentent le foot, notamment sur la chaîne L'Équipe, et cela se passe très bien. Je ne suis pas non plus en faveur d'une surreprésentation des femmes commentatrices, mais je trouve que celles qui sont vraiment bien valorisent le sport. Les tandems homme-femme fonctionnent bien également.

Quant à la Coupe du monde, je crois qu'il faut juste la gagner. On a beau faire tous les efforts de médiatisation possibles, il faut aussi des résultats sur le terrain. TF1 fait un effort colossal, de même que Canal Plus. RMC est la radio officielle de la compétition avec Radio France. Nous serons donc présents. Maintenant, il faut qu'elles gagnent. Les quarts de finale ou les demi-finales, cela ne suffira pas. Si elles l'emportent, cela leur donnera un éclairage complètement différent. J'ai vécu l'épopée du rugby féminin car j'étais à France Télévisions à ce moment-là. Je les ai vues grandir. Une Coupe du monde a été organisée en France et les filles sont allées très loin. Nous avons d'ailleurs fait des records d'audience, sur France 4, avec la demi-finale malheureusement perdue par les Françaises. Elles ont un tournoi des Six Nations, où elles sont percutantes. En handball, de même, elles ont gagné des titres. On en parle davantage. Maintenant, il faut juste gagner : la différence se fait par la performance. J'espère sincèrement qu'elles iront très loin.

J'en ai un peu assez qu'on « tape » systématiquement sur les médias. Je l'ai vécu à France Télévisions, car nous étions en quelque sorte pilotes de l'opération « 24 heures du sport féminin » organisées chaque année. Cette opération a changé de nom. Elle s'appelle désormais « Les quatre saisons ». À chaque fois, on nous reprochait de ne pas montrer suffisamment de sport féminin. Or, pour commencer, le sport n'a pas de sexe. Tout le monde fait le travail à faire, que ce soit dans les journaux papier, en presse digitale, en radio ou en télé. Nous le faisons lorsqu'il y a des résultats. Nous mettons en avant les filles des équipes qui cartonnent.

Je crois que la réflexion doit aussi inclure la gouvernance. Il est facile d'affirmer qu'on ne voit pas suffisamment de basket, de football ou de rugby féminin. Peut-être est-ce plus simple pour des sports individuels, notamment lorsque les fédérations s'entendent pour programmer les compétitions féminines en même temps que celles des hommes. C'est beaucoup plus simple à médiatiser, car hommes et femmes se trouvent ensemble au même moment, au même endroit. Dans le cas du football, c'est plus compliqué. Il en est de même pour le basket, avec la WBA et la NBA. Dans le rugby, on parvient à trouver des solutions. C'est sans doute possible dans le handball également. Je lance un appel aux fédérations internationales et aux instances : à vous de faire ce qu'il faut, arrêtez de taper sur les médias. Ensemble, nous y parviendrons ! Je crois à cette Coupe du monde. Nous soutiendrons les filles, bien évidemment, et j'espère avoir la chance de participer à la fête, le 7 juillet, avec vous tous.

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