Intervention de Colette Mélot

Commission des affaires européennes — Réunion du 22 mai 2019 à 14h50
Économie finance et fiscalité — Wifi pour tous : communication de mme colette mélot

Photo de Colette MélotColette Mélot :

Monsieur le Président, mes chers collègues, l'initiative « Wifi pour tous » - Wifi4EU en anglais - a été lancée il y a un an. Il me paraissait donc opportun, à la veille des élections européennes, de faire un point avec vous sur cette mesure à destination directe des communes.

Pour mémoire, voici ce que propose ce dispositif : il s'agit d'apporter une aide financière aux communes qui souhaitent installer une connexion Wifi gratuite dans les principaux lieux de la vie publique locale. C'est-à-dire les places et les parcs, mais aussi les bibliothèques, les hôpitaux, les stades et les principaux bâtiments publics.

Les conditions sont les suivantes :

- il ne doit pas y avoir une offre similaire pour la zone visée, qu'elle soit d'origine publique ou privée ;

- l'aide permet de financer du matériel et des équipements et, en échange, la collectivité s'engage à entretenir ledit matériel et à proposer le service pendant trois ans ;

- chaque commune peut recevoir jusqu'à 15 000 € et cette somme couvre jusqu'à 100 % des coûts éligibles ;

- les candidatures sont acceptées selon le principe du « premier arrivé, premier servi », assorti d'une répartition géographique équilibrée entre les pays. Chaque commune s'inscrit directement en ligne sur un site internet dédié, en réponse à des appels à candidature.

Depuis l'adoption du règlement, deux appels à candidatures ont eu lieu : le premier à la fin de 2018 et les résultats du second ont été annoncés la semaine dernière. Un troisième est prévu avant la fin 2019 et un quatrième aura lieu en 2020.

Un premier appel a donc eu lieu en mai 2018 pour l'attribution de 1 000 coupons. Une faille technique ayant permis à des communes de candidater avant l'heure d'ouverture de l'appel, la Commission européenne a décidé d'annuler la procédure. En conséquence, à l'automne 2018, elle a proposé d'attribuer 2 800 coupons pour un montant total de 42 millions d'euros. Sur les 21 500 communes enregistrées au préalable, environ 13 200 ont répondu à l'appel à candidature, dont 3 500 dans les 5 premières secondes ! Au total, on constate que 21 % seulement des demandes ont été satisfaites.

Dans notre pays, toutes les catégories de territoire ont été représentées, notamment tous les types de communes, les grandes comme les petites. Toutefois, le pourcentage a été moins bon que dans le reste de l'Europe. Si 2 116 communes étaient inscrites, seules 224 ont obtenu un coupon, soit à peine plus de 10 %. Ce faible nombre a amené le Gouvernement, par la voix de Jacqueline Gourault, à demander à la Commission européenne une modification des critères de répartition géographique. L'Allemagne était sur la même ligne.

La répartition géographique reposait en effet sur les règles suivantes : 15 coupons au minimum par pays et un maximum de 8 % du total, soit 224. En réponse à la demande de révision de ces règles, la Commission a décidé de relever le plafond à 15 % pour les appels suivants, soit 510 communes maximum par pays.

C'est dans ces conditions que s'est déroulé le second appel dont les résultats ont été publiés le 15 mai. 51 millions d'euros d'aides ont été attribués à 3 400 communes. Plus de 10 000 candidatures ont été enregistrées, on constate donc un taux de satisfaction de 34 %, soit nettement plus qu'au premier appel. C'est également le cas dans notre pays où plus de 410 coupons ont été attribués pour 1098 candidatures. Au final, 40 % de satisfaction en France, contre 10 % au premier appel, mais deux fois moins de candidatures !

Quel bilan en tirer à ce stade ?

Tout d'abord, le constat d'une action efficace de la Commission européenne. Au-delà du problème technique de départ, en un an, elle a attribué 93 millions d'euros d'aides à destination de 6 200 communes en Europe. Et les premières installations ont été faites, notamment dans l'Hérault.

Et cela répond à une demande ! Il y a un intérêt important des communes européennes pour la mesure, comme en attestent le nombre de candidatures et le fait que tout le monde a joué le jeu du « premier arrivé, premier servi ». Sur le second appel, 98 % des coupons ont été attribués en seulement 60 secondes !

Ce faisant, la Commission européenne réussit son pari, que nous avions soutenu, de créer un contact direct entre l'échelon européen et l'échelon local. Cette mesure très concrète permet aux maires d'offrir un nouveau service et de proposer du réseau gratuit pour tous.

C'est sans doute ce qui a incité les législateurs européens à porter le budget global du programme de 120 à 150 millions d'euros pour 2019-2020. Ce faisant, l'Union espère aider 9 000 communes, soit 10 % du nombre total de communes en Europe. Après le second appel, la Commission estime que dans certains pays, plus de 50 % des communes ont déjà pu bénéficier de l'aide. C'est le cas en Bulgarie, en Croatie, en Grèce, en Irlande, en Lituanie, au Portugal et en Slovénie.

Cependant, il y a des limites. D'abord, 10 %, ce n'est pas beaucoup. En France, les résultats pourraient être meilleurs. Il est encore trop tôt pour une analyse complète du second appel, mais pourquoi n'avons-nous pas atteint le nombre plafond de 510 coupons par pays, à l'instar de l'Allemagne, de l'Espagne et de l'Italie ?

En outre, notre pays pâtit de deux caractéristiques qui le handicapent. Un tiers des communes d'Europe sont en France : 36 000 sur 90 000. L'augmentation du plafond du nombre de coupons à 15 % par pays ne suffira pas à couvrir nos besoins. Ensuite, pour proposer du Wifi à très haut débit, il faut que la commune bénéficie d'un réseau fixe à très haut débit de qualité. Or, nous savons très bien qu'une bonne partie de notre territoire ne profite pas encore d'une telle connexion, en particulier dans les zones rurales.

Rappelons-le, « Wifi pour tous » n'est pas là pour pallier cette carence. C'est une aide complémentaire, mais elle n'est pas censée se substituer à l'aménagement numérique du territoire. Et je rappelle que les fonds de cohésion peuvent aussi être utilisés pour le développement du numérique.

Quelles sont les perspectives ?

Au-delà des deux prochains appels qui attribueront encore près de 60 millions d'euros d'aide, l'initiative devrait être prolongée. La Commission européenne l'a en effet inscrite dans son règlement concernant le Mécanisme pour l'interconnexion en Europe pour la période 2021-2027.

Bien entendu, cette enveloppe sera soumise aux arbitrages budgétaires dans les négociations à venir sur le cadre financier pluriannuel. Mais, somme toute, ce programme ne coûte pas très cher au regard du budget européen. Un effort de quelques centaines de millions d'euros pourrait être fait pour des aides limitées dans le temps. Par exemple, pour deux ans supplémentaires.

On peut aussi envisager de la voir évoluer. Elle pourrait être destinée en priorité à des communes qui en ont le plus besoin, soit en raison de leurs moyens limités, soit en raison de leur situation géographique. C'était déjà une demande de la France pour l'actuel dispositif. Or, actuellement, les critères empêchent les plus petits projets d'être éligibles. Dans mon département, sur 507 communes, il y a eu 28 candidatures lors du premier appel à projets et un seul élu : la ville de Chelles, une des plus grandes de la Seine-et-Marne. D'ici à 2021, on peut espérer que la quasi-totalité du territoire aura été couvert en très haut-débit et qu'on sera en mesure de proposer du Wifi presque partout.

Une autre piste pourrait constituer à ne pas prendre en charge 100 % des coûts pour augmenter le nombre de bénéficiaires. Dans ce cas de figure, un cofinancement pourrait être mis en place.

Enfin, la Commission européenne réfléchit aussi à soutenir des technologies autres que le Wifi, à l'avenir. Elle pense en particulier à la 5G et aux micro-antennes pour relayer l'internet fixe. Ces technologies vont devenir essentielles pour l'émergence des villes intelligentes, des véhicules autonomes ou à conduite assistée et, enfin, de l'agriculture numérisée. Il y a là un travail prospectif à mener, encore.

J'ajouterai enfin que la volonté européenne de proposer du Wifi gratuit est partagée par le Gouvernement. Il a clairement donné l'ordre aux préfets de recourir à la dotation de soutien à l'investissement local, la DSIL, pour renforcer la présence du Wifi gratuit dans des espaces où sont délivrés des services au public.

Pour mémoire, cette dotation dispose d'une enveloppe budgétaire de 570 millions d'euros en 2019. Certes, tout ne sera pas consacré au Wifi. Mais la couverture mobile des territoires s'inscrit dans le plan « France très haut débit » et dans le « Grand plan d'investissement ».

Les maires qui n'auraient pas vu leur projet retenu par l'Union européenne peuvent s'adresser au préfet de leur département et lui présenter ce projet. Il y aura des crédits disponibles pour les y aider.

Je vous remercie.

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