Intervention de Jean-Dominique Giuliani

Commission des affaires européennes — Réunion du 22 mai 2019 à 14h50
Institutions européennes — Étude confiée à la fondation robert schuman sur les attentes des citoyens européens envers l'union européenne : présentation par m. jean-dominique giuliani président et mme pascale joannin directrice générale

Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman :

Monsieur le Sénateur, vous avez raison. Nous Français, nous avons un consensus national autour de notre diplomatie et de nos forces armées que l'on ne retrouve nulle part en Europe, sauf peut-être au Royaume-Uni, et encore, l'armée britannique est en grande difficulté budgétaire. Nos partenaires européens ont tiré d'autres leçons de leur histoire récente, à commencer par les Allemands. Et c'est une bonne chose que les citoyens allemands soient devenus pacifiques, et encore plus pacifiques que nous. On ne peut pas leur reprocher d'avoir mis dans leur constitution, qu'ils respectent, qu'ils ont l'interdiction de faire des opérations extérieures. Il va falloir faire preuve d'imagination. Ceci suscite chez moi l'idée que l'évolution du projet européen se fera désormais en intégrant par l'exemple, plutôt que systématiquement par la même méthode : un accord intergouvernemental, une proposition de la commission, des législations... Je pense que l'évolution de la politique de défense européenne avec la coopération structurée permanente qui comprend aujourd'hui 25 États, s'est ainsi construite à partir d'avancées modestes de la France et de l'Allemagne. À l'origine, à Évreux, notre ministre de la défense et son homologue allemand avaient décidé de partager nos moyens de transport aérien militaire, ce qui a créé un choc chez nos partenaires. On a ensuite continué à avancer avec un projet d'avion de combat commun, de char commun, ce qui a créé un mouvement susceptible d'emporter d'autres partenaires. Cette méthode nous interpelle, nous qui avons un système politique de longue tradition. On doit comprendre que l'Europe, ce n'est pas la France en grand, que nous devons tenir compte de nos partenaires et que nous devons montrer l'exemple. Quand je discute avec nos militaires, ils en sont parfaitement conscients. Ils savent que l'on ne fait plus d'OPEX tout seul. Bien sûr nous avons la capacité de le faire mais pas de durer. Nous devons aussi tenir compte des contraintes des autres si l'on veut les entraîner. La position de la France en matière de sécurité, de défense et de diplomatie est en train d'irradier la pensée européenne. Mais cela se fait lentement. Le principe d'autonomie stratégique désormais accepté au niveau européen vient de France. C'est un concept français. Nous défendons même l'indépendance stratégique. C'est vraiment une nouveauté considérable. Ce sont les circonstances qui ont poussé nos partenaires à évoluer mais cela peut être difficile pour eux. Dès que l'on parle défense en Allemagne, c'est le Bundestag qui décide et les citoyens ne sont pas enclins à dépenser de l'argent pour l'outil militaire comme ils le sont chez nous. Deuxièmement, avant de céder la parole à Mme Joannin, je souhaiterais revenir sur vos propos. Quand vous dites qu'on a été imprudent avec les pays de l'élargissement en leur imposant seulement quelques règles, je rappelle qu'il s'agit quand même de 100 000 pages de Journal Officiel. Cela a été peut-être trop technocratique, trop économique, trop brutal mais il y avait aussi les textes des traités, et en particulier la charte des droits fondamentaux et la Cour de justice qui garantissent une situation moins dramatique que ce que l'on peut percevoir. On a ainsi vu la Cour de justice faire reculer la Pologne sur sa réforme de la justice suite à une décision en référé sur saisine de la Commission. Il faut bien comprendre aussi que ces pays retrouvent une capacité de gouvernance qui leur a été enlevée pendant des années et qu'il faut à cet égard un peu de compréhension.

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