Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 23 mai 2019 à 8:5
Institutions européennes — Audition de Mme Marija Pejcinovic-buric vice-première ministre de la république de croatie ministre des affaires étrangères et européennes

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

Nous sommes heureux de recevoir aujourd'hui Mme Pejcinovic-Buric, vice-Première ministre de la République de Croatie, ministre des affaires étrangères et européennes. Nos deux pays entretiennent des relations anciennes, particulièrement en matière culturelle et scientifique. Ainsi, l'Institut français de Zagreb, créé en 1921, a été l'un des tout premiers du réseau culturel français en Europe.

Ces relations sont toujours plus vivantes ; elles se développent sur le plan économique, mais aussi politique : l'an dernier, nos deux pays ont signé le nouveau plan d'action 2018-2021 du partenariat stratégique France-Croatie lancé en 2010.

La Croatie est membre de l'OTAN depuis 2009 ; elle participe à la coopération structurée permanente, visage actuel de l'Europe de la défense, qui vient en complément de l'OTAN, et rassure les pays qui nous ont récemment rejoints. Nous sommes encore loin de ce que le Président de la République appelle l'« armée européenne ».

La Croatie est entrée dans l'Union européenne il y a plus de cinq ans, au terme de huit années de négociations d'adhésion au cours desquelles elle a toujours été soutenue par la France. Un long chemin a été parcouru. Le processus de transition n'est pas achevé ; la Croatie n'est pas encore partie à l'espace Schengen ni à la zone euro.

Votre pays connaît par ailleurs une croissance économique régulière, même s'il reste exposé à certains risques structurels persistants : un chômage et une dette élevés, que nous connaissons aussi en France, une démographie déclinante, une productivité faible et une économie informelle encore importante.

Surtout, votre pays joue un rôle précieux de stabilisation de cette partie de l'Europe. Il est activement engagé dans la coopération régionale. Avec le groupe de Viegrad, il participe à l'Initiative des trois mers qui rassemble douze pays européens de la Baltique à la mer Noire et à l'Adriatique autour de projets communs d'infrastructures, en particulier dans le domaine de la coopération énergétique, pour favoriser la pluralité des sources d'énergie et diminuer la dépendance énergétique.

En outre, votre pays soutient les pays des Balkans occidentaux dans leurs efforts pour adhérer à l'Union européenne. J'ai pu accueillir la semaine dernière une délégation de parlementaires albanais. J'ai rencontré trois femmes remarquables : Mme Hajdari, présidente de la commission de l'intégration européenne de l'Assemblée, Mme Kumbaro, ancienne ministre de la culture, et Mme Mesi, ancien vice-Premier ministre. Elles ont souligné les progrès accomplis par l'Albanie, notamment en matière de réforme de la justice, même si la corruption persiste dans ce pays.

Dès que les élections européennes seront passées, l'Union européenne devra se prononcer sur l'éventuelle décision d'ouvrir les négociations d'adhésion avec l'Albanie et la Macédoine du Nord. Il s'agit d'une question d'importance stratégique, surtout quand on connaît les ambitions géopolitiques de la Chine, de la Turquie et de la Russie, voire de l'Arabie saoudite, dans la zone des Balkans.

À ce propos, j'ai eu l'occasion, lors de mon déplacement en Serbie l'an dernier, de me familiariser avec les méthodes employées par la Chine dans le cadre des « nouvelles routes de la soie ». La réalité n'est pas aussi belle que le concept ! Les taux offerts sont très élevés et les modèles assez grossiers : en cas de difficultés à rembourser, les Chinois se rendent propriétaires d'infrastructures stratégiques. Le risque de dépendance est trop élevé. Je me réjouis que l'Union européenne ait enfin ouvert les yeux et ait mis en place, dans un délai très court, un règlement sur les investissements directs étrangers.

Je ne doute pas que ces questions géopolitiques se situent en haut de votre agenda, alors que votre pays se prépare à prendre, pour la première fois, la présidence du Conseil de l'Union, au premier semestre 2020.

La Croatie est déjà certainement impliquée dans l'élaboration du programme de cette présidence, avec la Roumanie, qui détient encore la présidence jusqu'à la fin du mois prochain, et la Finlande, qui en sera chargée de juillet à décembre. Le semestre où la présidence vous reviendra pleinement sera décisif : ce sera peut-être le moment de conclure les négociations sur le cadre financier pluriannuel, à moins qu'elles n'aient déjà abouti, ce qui semble improbable. Ce sera aussi le moment d'accompagner le lancement des nouvelles initiatives que prendra la Commission tout juste installée.

Je profite de cette opportunité pour insister sur l'importance à accorder au volet parlementaire durant votre présidence. Les parlements nationaux représentent une charnière précieuse entre les citoyens et les institutions européennes. Aussi, il convient de leur donner suffisamment de place pour qu'ils soient partie prenante des politiques européennes. Permettez-moi à ce titre d'attirer votre vigilance sur le déroulement des conférences interparlementaires qui seront organisées sous votre présidence, afin qu'elles se déroulent dans la confiance mutuelle et dans le respect des différentes nationalités et sensibilités politiques. Nous avons été déçus à cet égard par la dernière, qu'a organisée début avril la présidence roumaine à Bucarest et à laquelle deux de nos collègues ont participé.

Je vous cède maintenant la parole pour entendre votre vision du rôle et de la place de la Croatie dans l'Union européenne et connaître les priorités que votre pays entend poursuivre durant sa présidence de l'Union européenne.

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