Non, les autorisations ne sont pas un moyen détourné de prendre des mesures discriminatoires. Les parts de marché des équipementiers sont respectivement de 30 %, 30 % et 40 % : on peut considérer qu'il n'y a pas de discrimination aujourd'hui, et l'on ne souhaite pas qu'il y en ait demain. Cela dit, le marché va évoluer. Samsung en est pour l'instant absent, et il a décidé de faire de la 5G un axe de développement stratégique. En déplacement en Corée du Sud il y a deux semaines, j'ai constaté que Samsung était présent dans tous les premiers développements de 5G qui ont eu lieu dans le monde. Cet acteur peut aussi offrir une diversification des usages et contribuer à l'innovation. Comme Huawei, il investit massivement dans la 5G.
Les textes d'application sont effectivement en discussion avec les opérateurs. Je précise que l'amendement soumis au Parlement dans le cadre de la loi Pacte procédait aussi d'un travail conjoint avec les opérateurs. La vivacité des réactions de certains fait partie du jeu de la négociation. Pour avoir assisté au G7 numérique sur la partie 5G, je peux vous dire que ces questions sont abordées par l'ensemble des pays, qui poursuivent tous le même objectif de conciliation entre innovation rapide et recherche de garanties.
Dès qu'ils seront disponibles, les textes seront soumis à l'Arcep et à la commission supérieure du numérique et des postes (CSNP), par laquelle vous serez associés au processus. Je ne vois pas d'obstacle au partage de ces informations. Sur ce terrain nouveau, nous gagnerions à partager l'intelligence de ces questions.
Nous n'avons pas retenu l'extension du R. 226 car le sujet est ici différent. Il ne s'agit plus seulement de confidentialité des correspondances. Dès lors que notre souveraineté est en jeu, associer les parlementaires à la décision et ne pas se limiter à des dispositions d'ordre réglementaire ne paraît pas insensé. L'article R. 226-3 du code pénal porte essentiellement sur des caractéristiques techniques sans évoquer les modalités de déploiement des équipements retenues par les opérateurs. Chacun joue son rôle : les équipementiers mettent à disposition les équipements ; les opérateurs choisissent le mode de déploiement, choisissent de développer les compétences en interne ou de s'appuyer sur des compétences externes pour la maintenance et les mises à jour, et choisissent de conduire leurs propres contrôles de sécurité. Il est important que les opérateurs s'emparent de la question de leur propre résilience sur le réseau. Nous avons donc un système à plusieurs étages : les équipements sont autorisés au moyen du R. 226-7 ; les opérateurs bénéficient de la validation préalable des équipements par l'Anssi, et doivent expliquer les modalités de leur maintien - quand, comment, intervention ou non de sous-traitants...
Vous évoquez la question géographique. Chaque opérateur a six ou sept plaques géographiques sur lesquelles il dispose d'une unité d'équipementiers. Certains, comme Free, n'ont qu'un seul équipementier ; d'autres en ont deux, de manière à conserver un peu de concurrence dans leur propre stratégie achat. Je ne crois pas qu'il appartienne à l'Anssi de définir la politique achat des opérateurs télécom, ce que l'agence reconnaît d'ailleurs.
L'Anssi recevra en effet un surcroît de travail. Mais l'agence, qui compte 570 collaborateurs, vient d'en recruter quarante : c'est un signal considérable de soutien qui lui est adressé dans le contexte actuel, alors que d'autres services, comme la direction générale des entreprises ou celle de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, perdent des effectifs.
Nous mentionnons des pays qui n'appartiennent pas à l'Union européenne car nous réalisons le travail de coordination entre pays européens que j'évoquais à l'instant. Mais au fond, l'origine des équipementiers est assez indifférente. La vraie question est celle des pays qui prévoient des lois ayant des dimensions d'extraterritorialité ou permettant une immixtion dans la gestion. Deux exemples viennent facilement à l'esprit - si Cisco n'est pas un fournisseur immédiat, il fait partie du paysage : la législation chinoise oblige depuis 2017 ses opérateurs à communiquer des données par tout moyen technologique ; le droit américain autorise le Président à prendre des décrets, ou executive orders, qui ont un impact sur l'ensemble des pays, comme l'a montré l'exemple du décret en date du 15 mai dernier. Les autorisations délivrées par le Gouvernement ne se contenteront pas de dire oui ou non, elles préciseront pour quoi faire, dans quel ressort géographique, selon quelles modalités de déploiement et de contrôle, et pour une durée maximale de huit ans.
L'Union européenne a indiqué qu'il s'agissait d'une compétence nationale. Nous n'attendons donc aucun ajustement législatif. En revanche, nous partagerons avec les autres États membres les bonnes pratiques et les informations, y compris sur la sécurité des équipements.
Pour restaurer le climat de confiance, je recommande de laisser les négociations se poursuivre. Nous maintenons un juste équilibre entre le souci de sécurité et celui d'être armé pour les années à venir. Ne connaissant pas les risques auxquels nous serons exposés, nous proposons un dispositif législatif laissant de la latitude au pouvoir réglementaire. Une garantie est également donnée par notre engagement de déploiement de la 4G - le New Deal - et de la 5G - dont nous faisons un élément important de notre compétitivité. Si je rends visite à Samsung, c'est aussi pour anticiper toute forme de coopération avec les leaders mondiaux, quelle que soit leur nationalité, et comprendre leur stratégie.