Intervention de Louis Margueritte

Mission d'information enjeux de la filière sidérurgique — Réunion du 4 juin 2019 à 14h00
Table ronde sur les politiques publiques en présence du délégué interministériel aux restructurations d'entreprises du secrétaire général du comité interministériel de restructuration industrielle et du délégué aux territoires d'industrie

Louis Margueritte, Secrétaire Général du Comité interministériel à la restructuration industrielle :

J'adhère aux propos de M. Floris, c'est un plaisir de travailler avec lui et avec nos équipes. Le CIRI a été créé en 1982. Il a pour mission d'aider les entreprises de plus de 400 employés qui en font la demande - je reviendrai sur ce point, car nous n'avons pas la capacité de nous autosaisir. Nous sommes un service d'aide aux entreprises, ce qui suppose un engagement de la part des entreprises et de leurs dirigeants. Notre objectif est d'assurer la pérennité des entreprises qui nous saisissent, de leur emploi, et de leur activité économique.

Nous intervenons en procédure amiable, tout d'abord car la saisine du CIRI est confidentielle. Cette confidentialité est précieuse, puisqu'une fuite dans la presse n'est jamais une bonne chose et pose de vraies difficultés. Aucune entreprise ne veut être étiquetée comme étant suivie par le CIRI et allant mal. Nous agissons sur mandat ad hoc ou en procédure de conciliation, en association à ces procédures les acteurs de notre choix - en pratique souvent des acteurs du secteur bancaire ou assurantiel, ou tout acteur témoignant d'un lien avec l'entreprise accompagnée.

Le CIRI a deux rôles principaux. Tout d'abord, il s'agit d'accompagner le dirigeant dans la préparation et la négociation d'un plan de transformation, qui passe souvent par une restructuration de la dette et des finances, et plus largement par une restructuration industrielle. En tant que partie la plus neutre, aux côtés d'un administrateur judiciaire, nous jouons un rôle d'accélérateur des négociations. C'est là le coeur de notre activité et ce en quoi nous sommes les plus efficaces.

La deuxième mission, qui ne converge pas toujours avec la première, est de représenter le créancier public dans les négociations. Conjuguer ces deux missions n'est pas simple, car nous prendrions probablement des positions plus dures en tant que créancier public uniquement. Ce rôle est important car un certain nombre d'entreprises auprès desquelles nous agissons ont déjà un passif public ou vont devoir en constituer.

Le CIRI représente l'ensemble des administrations compétentes et le point d'entrée unique de l'entreprise vers l'administration : cela concerne essentiellement l'administration fiscale et sociale, mais cela peut aussi inclure la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), les douanes dans le cas des entreprises exportatrices... Cet interlocuteur unique limite le risque de contre-arbitrages lors de la procédure.

Le Secrétariat général que j'anime est composé de cinq rapporteurs et est rattaché à la Direction Générale du Trésor - et donc au Ministre de l'Économie et des Finances - depuis 1982. Ce rattachement est précieux car la DG Trésor assure la tutelle du secteur bancaire et assurantiel : c'est souvent à ces acteurs que nous demandons des efforts et assurons en quelque sorte une « police du bon comportement » des banques et assureurs-crédits dans ces procédures amiables. Puisque ces procédures sont amiables, nous n'avons pas force de loi : les parties sont autour de la table car ils n'ont que peu d'intérêt dans une procédure collective, mais nous sommes le garant du comportement des acteurs. À la demande du Gouvernement, nous pouvons intervenir sur certains dossiers d'importance particulière, y compris en procédure collective, mais ce n'est pas le rôle dans lequel nous sommes le plus à l'aise, car un redressement judiciaire n'est jamais une bonne nouvelle et que le mal est déjà fait...

Nous suivons quatre principes directeurs. D'abord, la neutralité : nous intervenons dans des situations où les relations humaines se sont extrêmement dégradées dans l'entreprise. La direction générale ne parle plus à la direction des affaires financières, qui parle encore moins au banquier... Il faut recréer le lien du dialogue, et établir une relation de confiance réciproque avec le dirigeant. Il ne faut pas être naïf, tous les dirigeants ne sont pas vertueux : il faut démêler le faux du vrai, et repérer ceux qui viennent chercher l'appui de l'État pour camoufler leurs mauvais choix. Le second principe est la réactivité : il faut être capable de mettre très vite tous les acteurs autour de la table, ne serait-ce que pour stabiliser la situation, payer les salaires et stopper l'hémorragie de trésorerie. À partir de ce premier éclairage, nous établissons des arbres de décisions. Ensuite, nous répondons à un principe de confidentialité, dont j'ai déjà parlé. Enfin, le dernier principe est le traitement équitable des entreprises. Dans le petit milieu des restructurations, le CIRI joue un rôle de force centralisatrice des bonnes pratiques. Par exemple, une banque faiblement exposée va chercher à partir, alors qu'une banque plus exposée va chercher à négocier plutôt que de mettre l'entreprise en procédure collective.

Notre activité est distincte et complémentaire de celle du délégué interministériel aux restructurations d'entreprises. Nous nous parlons tous les jours, avons des réunions très régulières et nous partageons toutes les informations. Pour les dossiers dépassant 400 emplois et entrant en procédure préventive, nous sommes le point d'entrée unique, puis l'on se coordonne avec tous les acteurs, notamment les CRP, pour obtenir les remontées de terrain. Les dossiers viennent au CIRI, nous menons très peu d'actions sur le terrain. D'une part, cela concourt à la confidentialité, de l'autre, il peut être utile de dépayser le dossier. Nous sommes par ailleurs l'interlocuteur privilégié des commissions des chefs de services financiers (CCSF), qui traitent de dette fiscale et sociale, et émettons des recommandations. Dès la saisine sur un dossier, en pratique, les poursuites sont suspendues le temps de la discussion à l'amiable. Le CIRI participe également à la formation des CRP, en lien avec la DGE et le DIRE. Je ne peux pas juger de la lisibilité du système, il faudrait interroger les entreprises avec qui nous traitons... Mais notre action est complémentaire : nous gérons la négociation, le reste est du ressort du délégué interministériel. Cela fonctionne bien ainsi.

Au sujet de nos outils, je voudrais revenir particulièrement sur le Fonds de développement économique et social (FDES). Il est octroyé dans des conditions strictes, et est réservé aux entreprises dont la disparition aurait des conséquences majeures sur l'ensemble de la filière ou de la région. Il ne dispose que de peu de crédits, ce qui nous incite à l'utiliser avec parcimonie.

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