Je vous remercie pour votre invitation. Comme vous le savez, la CADA est une autorité administrative indépendante, chargée d'émettre un avis préalable à la saisine du juge administratif, lorsqu'une administration au sens large refuse à une personne la communication d'un document administratif. La saisie de la CADA constitue un recours préalable obligatoire. Une fois l'avis de la commission rendu, celui-ci peut utilement éclairer l'administration sur le caractère communicable ou non du document. C'est la décision prise par l'administration suite à ce recours qui peut être déférée le cas échéant à la juridiction administrative.
Traditionnellement le droit d'accès aux documents administratifs porte sur le caractère communicable de documents existants. Mais le législateur a prévu par l'adoption de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique un renforcement de la transparence de l'action administrative, en contraignant, par un article L. 311-3-1 du code des relations entre le public et l'administration, les administrations à informer les administrés faisant l'objet d'une décision administrative prise sur le fondement d'un traitement algorithmique. Cette information, porte sur les règles définissant ce traitement ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en oeuvre. Les dispositions réglementaires prises pour l'application de ces dispositions prévoient que sont communiquées les informations suivantes : le degré et le mode de contribution du traitement algorithmiques à la prise de décision, les données à traiter et leurs sources, les paramètres du traitement et, le cas échéant, leur pondération, appliqués à la situation de l'intéressé et enfin les opérations effectuées par le traitement.
Par ailleurs, le législateur a également prévu en créant un article L. 312-1-3 du même code que les administrations publient en ligne les règles définissant les principaux traitements algorithmiques utilisés dans l'accomplissement de leur mission, lorsqu'ils fondent des décisions individuelles. C'est ce que la CADA considère comme le droit commun de l'accès aux documents administratifs pris sur le fondement d'un traitement algorithmique. En septembre 2018, puis en janvier 2019, nous avons été saisis de plusieurs demandes à la suite de refus de communication, le plus souvent implicites, de près de 68 universités de communiquer les procédés algorithmiques utilisés dans le cadre du traitement des candidatures d'entrée dans le premier cycle de l'enseignement supérieur.
Dans le cadre de l'examen de ces demandes, nous avons entendu les représentants du ministère chargé de l'enseignement supérieur sur la portée qu'ils donnaient aux dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'éducation. Cet article n'est pas d'une appréhension aisée. À l'issue de cette audition et d'un délibéré, le collège de la commission a rendu l'avis du 10 janvier 2019 que vous mentionniez Monsieur le Président. Le collège a considéré, s'agissant des algorithmes locaux mis en place par les établissements, qu'en prévoyant qu'étaient satisfaites les obligations de droit commun et en leur substituant la délivrance d'une information différente, le législateur du code de l'éducation avait créé un régime particulier d'accès au procédé algorithmique ainsi mis en place ; et que, d'autre part, ce régime faisait nécessairement obstacle aux obligations de publication en ligne génériquement prévues par le code des relations entre le public et l'administration. Sans trahir le secret des délibérations, le raisonnement a été de dire qu'une restriction ne touchant que les candidats à l'exclusion des tiers, lesquels tiers auraient donc pu avoir accès à l'information dont la communication était refusée aux candidats, n'avait guère de sens et privait d'effet utile les dispositions prévues par le code de l'éducation. C'est le sens de l'avis que nous avons émis, en relevant que nous déplorions cette dérogation qui ne dit pas formellement son nom eu égard à l'intérêt qui s'attache à la transparence de l'action administrative ainsi qu'à l'accessibilité sociale des algorithmes qui sont de plus en plus utilisés par l'administration. La lecture retenue par la commission n'a pas été suivie par le tribunal administratif de la Guadeloupe, qui avait pourtant notre avis en sa possession. Nous attendons désormais la décision du Conseil d'État qui ne saurait tarder car un recours en cassation a eu lieu. Si mes informations sont exactes, le rapporteur public a conclu à l'annulation du jugement du tribunal pour un motif de fond.