Intervention de Julien Denormandie

Réunion du 11 juin 2019 à 21h30
Lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Julien Denormandie :

Madame la présidente, madame la présidente de la commission, madame le rapporteur, monsieur le sénateur Gilles, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de vous retrouver, après que la commission a mené de nombreuses auditions et réalisé des travaux complémentaires pour enrichir le texte initial de la proposition de loi que nous avions examinée ici même il y a quelques mois.

Je veux tout d’abord saluer et remercier pour leur travail M. le sénateur Bruno Gilles, Mme le rapporteur, ainsi que l’ensemble des sénateurs de la commission des affaires économiques : ceux-ci ont réellement cherché à mettre en place des solutions efficaces pour prévenir et combattre le fléau de l’habitat indigne.

C’est le sens de l’action que je mène depuis deux ans avec le plan « Initiative copropriétés », la relance du programme de rénovation urbaine ou les améliorations apportées par le projet de loi ÉLAN, autant de sujets sur lesquels j’aurai l’occasion de revenir.

Depuis le drame de la rue d’Aubagne qui a emporté plusieurs vies il y a quelques mois, nous avons eu l’occasion de travailler intensément et de manière collégiale sur cette question. Je suis retourné à de multiples reprises à Marseille pour rencontrer les habitants et accompagner les sinistrés, et pour m’assurer que tous les acteurs, services et opérateurs de l’État, collectivités, se mobilisent pour gérer les suites immédiates de l’effondrement des immeubles et les évacuations.

Les mesures d’urgence ont permis de reloger plus d’un millier de personnes sur les 2 700 habitants évacués. Les délais pour organiser ce relogement peuvent paraître trop longs à certains : je partage pleinement cette impatience que je sais être également la vôtre. Mais, grâce à l’action des services locaux de l’État, grâce à la mobilisation de mon ministère, et avec les collectivités, toutes les solutions de relogement sont explorées, que ce soit chez les bailleurs sociaux, au sein du parc privé en centre-ville ou dans les bâtiments de l’État, notamment la caserne du Muy à proximité du centre-ville.

Nous allons bientôt finaliser avec la métropole et la ville de Marseille de nouveaux outils qui permettront d’accélérer la rénovation du centre-ville. Je pense à cette société de portage que nous cofinancerons – l’État entrera à son capital – ou à la mise en place d’un plan partenarial que nous développerons localement.

Parallèlement à ces mesures, la garde des sceaux et moi-même nous sommes beaucoup impliqués dans la lutte contre l’habitat indigne : nous avons signé, le 8 février dernier, une circulaire très importante, qui commence à produire ses effets, dans la droite ligne des dispositions que vous avez adoptées dans le cadre de la loi ÉLAN.

Sur le plan pénal, par exemple, la circulaire insiste sur le renforcement de la collaboration entre les services instructeurs et les parquets. Et les résultats sont là : dernièrement, sept condamnations ont été prononcées dans le département de la Seine-Saint-Denis, ce qui a entraîné la confiscation d’immeubles, conformément à l’une des mesures que vous aviez votée dans le cadre de la loi ÉLAN.

Pour donner davantage de moyens aux collectivités et leur faciliter la réalisation des travaux d’office, l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH a, à ma demande, porté de 50 % à 100 % la subvention qu’elle accorde cette année aux collectivités dans les six départements retenus pour une mise en œuvre accélérée du plan de lutte contre l’habitat insalubre que je défends, à savoir les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône, l’Essonne, le Nord, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne.

Cette subvention est une mesure importante. Par exemple, le pôle départemental de lutte contre l’habitat indigne – le PDLHI – de la Seine-Saint-Denis a identifié un besoin de 3 millions d’euros de travaux d’office. Dans votre département des Alpes-Maritimes, madame le rapporteur, ce sont également plusieurs logements qui ont d’ores et déjà bénéficié d’une disposition qui permet d’engager très rapidement ces travaux d’office.

Enfin, j’ai demandé aux préfets de faire part de leurs propositions dans des plans départementaux de lutte contre l’habitat indigne. Je leur ai demandé de livrer des objectifs chiffrés, discutés avec les élus locaux, par exemple sur le nombre d’arrêtés à prendre, sur le nombre de bâtiments évalués comme indignes, insalubres ou indécents. L’objectif est de pouvoir piloter une politique efficace.

Le Gouvernement continuera à travailler dans ce sens et je peux vous assurer que je reste très attentif à toutes les propositions susceptibles d’améliorer encore les dispositifs existants, conformément à la position que j’ai toujours adoptée en matière de lutte contre ce fléau que constitue l’habitat indigne. Sachez-le, c’est vraiment avec cet état d’esprit que j’aborde les discussions qui se dérouleront ce soir sur ce texte.

D’autres propositions ont été formulées, notamment par un certain nombre de vos collègues députés de tous bords politiques, qu’il s’agisse de Stéphane Peu ou de députés de la majorité présidentielle. Je pense aussi au député Guillaume Vuilletet qui finalise actuellement ses recommandations dans le cadre d’une mission préparatoire à l’élaboration des ordonnances prévues par la loi ÉLAN.

Votre proposition de loi, monsieur le sénateur, vise à introduire de nouvelles dispositions très importantes : vous voulez renforcer les capacités de contrôle et d’intervention des collectivités territoriales, accélérer les réponses aux situations d’insalubrité – les délais sont évidemment encore trop longs sur le territoire ! – ou encore renforcer l’efficacité des sanctions.

Sous l’égide de Mme le rapporteur, cette proposition de loi s’est enrichie d’ajouts essentiels : la commission propose des mesures en matière de détection et de prévention de la dégradation des logements, des mesures pour donner davantage de moyens aux collectivités ou encore des mesures de simplification des procédures.

Je voudrais vraiment le dire avec force : beaucoup de ces mesures vont dans le bon sens. Par exemple, les collectivités territoriales doivent être encore davantage soutenues dans leur mission de détection. Il est nécessaire d’augmenter le montant des amendes en cas de manquement à l’obligation de déclaration ou d’autorisation préalable à la location et de faire en sorte que ces sommes soient affectées aux collectivités locales, dans l’esprit des dispositions que vous avez adoptées dans le cadre de la loi ÉLAN.

Depuis le mois de février, les astreintes ordonnées par une police, qu’elle soit municipale ou spéciale, dans le cadre de l’identification de logements indignes ou insalubres, ne sont plus versées au budget de l’État – c’était une hérésie ! –, mais directement aux collectivités locales pour leur permettre de renforcer leur action. C’est bien mieux ainsi et cela contribue à créer un cercle tout à fait vertueux.

Autre exemple, la détection est améliorée dans cette proposition de loi, grâce à la possibilité offerte aux syndics de signaler au maire les cas d’habitats insalubres, dangereux et non décents. Cette mesure, introduite en commission par vous-même, madame le rapporteur, constitue de nouveau une avancée par rapport à la loi ÉLAN, laquelle donnait obligation à certains acteurs – je pense, par exemple, aux agences immobilières – de dénoncer les marchands de sommeil dont ils avaient connaissance.

Je ne peux qu’adhérer, évidemment, à l’accélération des réponses apportées aux situations d’insalubrité et de dangerosité des immeubles, aux tentatives pour améliorer le permis de louer, au renforcement des actions menées à l’encontre des marchands de sommeil. Je partage l’ensemble de ces objectifs et c’est dans cet état d’esprit, me semble-t-il, que nous avons travaillé collégialement depuis maintenant de longs mois.

Eu égard à tous ces points, je m’en remettrai à la sagesse de la Haute Assemblée s’agissant de l’adoption de ce texte, et je voudrais expliquer les raisons de cette position.

De nombreuses mesures contenues dans cette proposition de loi vont dans le bon sens, mais il me semble que celle-ci peut encore être enrichie, notamment par les travaux que j’ai demandés au niveau de l’Assemblée nationale. Je pense en particulier au rapport du député Guillaume Vuilletet, que je n’ai pas encore reçu.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion