Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 5 mars dernier, nous avons examiné la proposition de loi de Bruno Gilles et, considérant qu’elle pouvait être complétée, nous l’avons renvoyée en commission. Il est vrai que le drame de Marseille avait révélé l’urgence de mesures adaptées et rapidement applicables, car la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux concerne tous nos territoires, avec près de 600 000 logements entrant dans cette catégorie. Plus de 1 million de personnes restent dans des logements « qui menacent leur santé et leur sécurité », dont 50 % de propriétaires pauvres incapables de réaliser des travaux de rénovation.
Contextualiser la question de l’habitat insalubre renvoie à la politique du logement. Or le Gouvernement, malheureusement, persiste à ne pas écouter les alertes répétées. Alors que la reprise était engagée pour atteindre en 2017 le seuil des 500 000 logements construits, dont près d’un tiers de logements sociaux, les résultats se sont dégradés très rapidement, poussant même tous les acteurs – l’Union sociale pour l’habitat ou USH, les associations d’élus, la Fédération française du bâtiment – à lui adresser un appel commun. Dans celui-ci, ils précisent : « Nous sommes collectivement très inquiets face à la crise du logement qui risque de s’aggraver. »
Ce qui s’est produit, ce n’est pas le choc de l’offre tant annoncé, mais ce que nous redoutions : la baisse des permis de construire et des mises en chantier. Et les perspectives sont peu encourageantes, avec une réduction de 11 % des ventes en neuf dans l’individuel diffus et une production de logements sociaux pouvant chuter à 65 000 par an, contre plus de 100 000 aujourd’hui. On semble y aller tout droit !
Les raisons de ce revirement, nous les connaissons, à commencer par l’explosion du coût du foncier – il faut une politique foncière. S’y ajoutent une réduction drastique des ressources du logement social – la clause de revoyure ne nous satisfait pas –, une stratégie de vente massive du patrimoine HLM, une hausse des loyers, une précarisation accrue des publics les plus fragiles, la suppression de l’APL accession, sur laquelle nous reviendrons, le relèvement du taux de TVA à 10 % pour les opérations de construction de logements sociaux et le désengagement de l’État des aides à la pierre.
Dans nos rencontres, les associations et les acteurs du logement nous ont également fait part de leurs craintes quant à la mise en application de la loi ÉLAN, par exemple, monsieur le ministre, sur l’obligation d’installer un ascenseur au-delà de deux étages. Des dérogations seront-elles possibles ? Nous avons été alertés sur ce point.
S’agissant du logement évolutif – puisque l’objectif de logements accessibles est passé de 100 % à 20 % –, je voudrais insister sur la nécessité de supprimer les ressauts de douche. Pas question de tergiverser entre 2 ou 4 centimètres, monsieur le ministre ; ce sont des douches à l’italienne qu’il faut pour toutes les personnes en situation de handicap ou vieillissantes ! Cette exigence doit être formulée par tous, pas seulement par les associations.
De nos rencontres sur le terrain remonte aussi une information concernant la pression accrue que des propriétaires indélicats exercent contre leurs victimes pour faire respecter une loi du silence, assortie de menaces et de violences. D’où nos différentes propositions : établir une présomption de bonne foi de l’occupant victime de violences, afin, notamment, de lui permettre de conserver son droit au relogement et de limiter le risque de relogement dans un autre logement insalubre ; prévoir que le propriétaire fera deux offres de relogement, au lieu d’une ; passer l’indemnité représentative des frais de relogement d’un an à dix-huit mois de loyer.
La prévention de l’habitat dégradé est indispensable. Elle implique des outils de veille pour éviter d’en arriver à des situations irréversibles. Nous persistons à penser qu’il doit y avoir un comité de suivi et de veille des ventes de logements sociaux associant les parlementaires. C’est une mesure essentielle en termes de prévention, de même que le rétablissement de l’APL accession.
Clarification et simplification, notamment des polices, participent aussi de cette efficacité. Mais, alors que l’on attendait plutôt le Gouvernement sur le sujet, c’est Mme le rapporteur Dominique Estrosi Sassone qui a réalisé cet énorme travail ! La création d’une police spéciale consacrée au logement insalubre avec une autorité unique qui respecte la responsabilité des maires, comme la reprise par Mme le rapporteur de notre amendement tendant à rectifier la situation de l’occupant d’un bien présentant un danger grave et immédiat, ainsi que l’obligation faite au maire de saisir le tribunal d’instance pour qu’un syndic professionnel soit désigné sous un mois vont dans le bon sens.
Comme le soulignait la présidente Sophie Primas, cette lutte nécessite une coordination entre pouvoirs publics sur le terrain et des moyens financiers suffisants ; à défaut, c’est leur crédibilité qui est en jeu, comme en témoignent les conséquences de la suppression de l’APL accession, notamment en outre-mer.
Ma collègue Catherine Conconne y reviendra, car l’habitat indigne est une problématique touchant durement les outre-mer. Dans les départements d’outre-mer, 13 % des logements sont jugés insalubres, soit dix fois plus qu’au niveau national ! L’habitat informel y est très développé, avec des taux de pauvreté oscillant entre 19 % en Guadeloupe et 44 % en Guyane !
Cette lutte passe, enfin, par le renforcement de la lutte contre les marchands de sommeil. Les collectivités territoriales doivent effectivement bénéficier des produits des amendes et les associations de lutte contre l’habitat indigne pouvoir agir en justice. Il est anormal que les maires se substituent en proposant trois offres, alors que les marchands de sommeil ne doivent en faire qu’une, fréquemment dans un lieu où personne ne veut aller ! J’ajoute, comme le rappelait Marc Daunis, qu’il est souhaitable que nous trouvions un point d’équilibre pour l’affectation des biens confisqués aux marchands de sommeil, regrettant que notre amendement visant à réaffecter ces biens au logement social ait été frappé d’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution.
Nous souhaitons vraiment que toutes les mesures que nous allons voter ce soir soient mises en application rapidement.