Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le drame de Marseille n’est que la partie visible d’un mal que nous ne parvenons pas à éradiquer, malgré la volonté des législateurs, des collectivités locales, des associations et de tous les acteurs participant à la lutte contre l’habitat insalubre et en péril. Il doit marquer un tournant dans notre façon de traiter le logement indigne.
Cela semble être le cas, puisque le nombre d’arrêtés de péril a récemment connu une accélération et que certaines collectivités territoriales se sont pleinement engagées dans les limites de leurs moyens. L’État se doit de les accompagner.
La situation de nombreux ménages, qu’il est complexe de détecter, emporte des conséquences graves et irréversibles sur l’ensemble de leurs conditions d’existence, notamment sur leur santé et, en particulier, celle des enfants.
L’habitat dégradé recouvre plusieurs réalités : des propriétaires – occupants ou bailleurs – qui ne peuvent pas se permettre de rénover leur bien ou méconnaissent les aides auxquelles ils ont droit jusqu’aux marchands de sommeil qui font fortune en exploitant la vulnérabilité des occupants. La problématique n’est pas simplement urbaine ; elle est présente, tout aussi bien, dans nos territoires ruraux.
Comme pour tout investissement, les propriétaires doivent pleinement assumer les risques attachés aux avantages auxquels ils ont accès.
Ainsi, un propriétaire bailleur ne saurait, à notre sens, invoquer des circonstances atténuantes lorsqu’il met en location un habitat insalubre ou en péril. L’argument relatif au manque de moyens ne peut, dans ce cas, tout justifier. Rappelons-le, les propriétaires peuvent bénéficier des aides de l’ANAH ; en dernier recours, ils peuvent vendre le bien.
Pourtant, l’arsenal répressif n’a cessé de s’étoffer.
La loi ÉLAN du 23 novembre 2018 reflète la volonté du Gouvernement d’aller plus loin, en complétant les peines complémentaires obligatoires, avec la confiscation des biens ayant servi à commettre l’infraction et l’interdiction d’acheter un bien immobilier à d’autres fins que l’occupation personnelle pour une durée maximale de dix ans. Elle atteint ainsi le patrimoine du marchand de sommeil, afin qu’il n’en use plus aux mêmes fins.
Le nouveau cas d’expropriation selon la procédure simplifiée pour les logements faisant l’objet d’une interdiction temporaire d’habiter, proposé par l’auteur de la proposition de loi, va également dans ce sens.
Plus d’une vingtaine de comportements sont réprimés en matière d’habitat indigne au titre du code pénal, du code de la santé publique et du code de la construction et de l’habitation.
Faut-il encore renforcer la palette d’outils pour lutter contre les marchands de sommeil ? Pour la dissuasion, certainement. Mais un arsenal répressif non appliqué ne peut aucunement être dissuasif ! La faiblesse du nombre de condamnations est ainsi affligeante. Les peines d’emprisonnement restent très rares, et l’on peut presque parler d’une totale impunité.
Le législateur en est contraint à empiler les mesures, à faire évoluer le droit pour tenter de remédier à la situation, au détriment de son intelligibilité, donc de son efficacité. J’espère que la circulaire du 8 février 2019 relative au renforcement et à la coordination de la lutte contre l’habitat indigne, circulaire à destination des magistrats, marquera une évolution dans les condamnations.
Ainsi, cette politique, comme bien d’autres, est victime de sa complexité. Le travail de notre rapporteur, que je tiens à féliciter, apporte une harmonisation bienvenue des procédures relatives à l’habitat insalubre et en péril, quelle que soit l’autorité compétente. Dominique Estrosi Sassone a, à ce titre, exercé autant qu’elle le pouvait un droit d’amendement de plus en plus limité par les nombreuses irrecevabilités.
Pour leur part, certaines collectivités ont décidé de s’approprier l’ensemble des outils qui sont à leur disposition, notamment le permis de louer et le permis de diviser. Faut-il les généraliser ? Nous le savons, des propriétaires, que je qualifierai, par euphémisme, d’« indélicats », exercent une activité souvent dissimulée. Le renforcement des sanctions pour non-respect de ces dispositifs, prévu par la proposition de loi, est donc une bonne chose.
Outre le manque de moyens humains et financiers, comment détecter les situations d’habitat indigne ?
Les occupants n’osent pas dénoncer, connaissant les difficultés rencontrées pour se reloger, et les visites à domicile peuvent être vécues comme des atteintes à leur intimité. Ils préfèrent, dès lors, attendre de pouvoir changer de logement plutôt que de réclamer des travaux.
Nous devons donc réfléchir à l’amélioration des signalements. C’est ce que nous avons tenté de faire, au travers de nos amendements.
Les biens dégradés doivent faire l’objet d’un suivi constant, avec données enregistrées. L’immeuble du 65 de la rue d’Aubagne à Marseille avait été signalé, semble-t-il, depuis 1953…
Bien que sa finalité soit tout autre, la mise en place du carnet numérique du logement dans l’ancien en 2025 participera à cette meilleure connaissance de l’habitat indigne.
Le décret du 22 mai 2019 exigeant la vérification d’une éventuelle condamnation des acquéreurs sur les ventes aux enchères n’est pas suffisant. En effet, au regard du faible nombre de condamnations, la portée de cette mesure sera de fait assez réduite.
Monsieur le ministre, la crise du logement alimente directement l’habitat dégradé. Certains propriétaires occupants, une fois le bien immobilier acheté, ne peuvent plus se permettre ni de le rénover ni d’en améliorer la performance énergétique. Le reste à charge est encore élevé.
La hausse des loyers et les délais d’attente pour obtenir un logement social dans les zones tendues offrent des conditions idéales aux marchands de sommeil, dont certains ont l’impression de rendre service à leurs locataires !
La concentration des activités dans les métropoles avec des zones où il est impossible de se loger, d’un côté, le déclin des centres-villes et des villages ruraux dévitalisés avec des logements vacants, de l’autre, traduisent l’abandon de la politique d’aménagement du territoire de ces trente dernières années.
Si la présente proposition de loi ne peut prétendre apporter une solution pérenne, elle permettra, à tout le moins, d’offrir une réponse aux collectivités volontaristes. Le groupe du RDSE, par conséquent, la soutiendra.