Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le drame de Marseille a été un choc pour tout le monde dans le pays.
Un tel drame paraissait inimaginable dans la France du XXIe siècle. Cet effondrement de plusieurs immeubles, causant la mort de huit personnes et le déplacement de mille habitants, a mis en lumière, au plan national, l’existence de 450 000 logements indignes ou insalubres.
Dans une France qui est la cinquième puissance économique mondiale, cet état de fait nous interpelle et nous oblige à agir. Alors oui, il faut renforcer les capacités de contrôle et d’intervention des communes et des EPCI en matière de logements insalubres ou dangereux !
L’auteur de ce texte, Bruno Gilles, nous invite à prendre le taureau par les cornes. Mme la rapporteur, Dominique Estrosi Sassone, avec la commission des affaires économiques, a complété ce texte pour s’assurer que les réponses soient juridiquement et techniquement les plus pertinentes.
Bruno Gilles nous propose, dans les zones d’habitat dégradé, de soumettre à autorisation préalable toutes les opérations tendant à diviser un logement en plusieurs, car le droit actuel ne prévoit cette possibilité qu’en cas de travaux. Or le propre des marchands de sommeil, c’est précisément de ne pas réaliser de travaux !
Aussi, il faut détacher l’autorisation préalable de la réalisation de travaux et l’exiger en toutes circonstances.
Ce texte modifie également les conditions de délivrance par le maire ou le président d’EPCI du « permis de louer » un logement lorsque la commune l’a instauré. Actuellement, le silence gardé pendant un mois par le maire sur une demande de « permis de louer » vaut délivrance de cette autorisation. Il n’y a donc pas d’obligation formelle pour l’autorité saisie de s’assurer que le logement appelé à être loué ne présente pas de danger. Il faut inverser le dispositif en remplaçant la décision implicite d’acceptation par une décision implicite de refus.
Le texte vise aussi à permettre au maire ou au président d’EPCI de consulter le casier judiciaire d’une personne qui sollicite un « permis de louer » ou un permis de diviser un logement dans les zones à risques au regard de l’insalubrité.
Il propose encore de simplifier, dans le respect du droit de propriété, l’expropriation en raison de l’insalubrité ou de la dangerosité des immeubles. Actuellement, la loi n’envisage l’insalubrité ou la dangerosité comme une cause d’expropriation que dans des cas très limités. Il faut ajouter à ces cas l’hypothèse des immeubles dans lesquels on peut remédier à l’insalubrité, mais dont le propriétaire ne fait rien.
Il s’agit également d’accélérer les réponses aux situations d’insalubrité et de dangerosité des immeubles.
Ainsi, le texte réduit la durée maximale d’habitation, abaisse de trois mois à un mois le délai imparti pour qu’un agent se rende sur place lorsqu’un citoyen saisit l’administration. Il renforce l’efficacité des sanctions contre les marchands de sommeil et aggrave les sanctions administratives. Bruno Gilles a tiré les conséquences de la forte réticence des occupants des logements loués par des marchands de sommeil. Il complète ainsi la faculté ouverte aux associations de se constituer parties civiles.
Mme la rapporteur, Dominique Estrosi Sassone, dont on connaît l’expertise en matière de logement et le souci d’efficacité et d’efficience, a apporté beaucoup d’améliorations au texte : un diagnostic technique obligatoire pour les copropriétés de plus de quinze ans ; la possibilité pour les syndics de faire des signalements ; la création d’une police spéciale du logement en cas d’insalubrité sur le modèle de celle existant en cas de péril, même si, selon les cas, cette police ne relève pas de la même autorité – maire pour le péril, préfet pour l’insalubrité, mais même procédure –, la présence obligatoire d’un syndic professionnel pour la durée de l’arrêté de péril ou d’insalubrité.
Elle s’est efforcée de renforcer le rôle des collectivités dans cette lutte grâce à plusieurs dispositions : la mise en place d’un droit de priorité au profit des collectivités territoriales pour bénéficier du bien exproprié ; la création d’un nouveau cas d’expropriation ; le versement du produit des amendes prononcées aux collectivités qui assumeront le traitement des demandes du « permis de louer » ; la dispense pour le bailleur de demander un « permis de louer » lorsqu’il aura déjà obtenu une autorisation expresse depuis moins d’un an. Enfin, et surtout, elle a prévu des sanctions plus lourdes contre les marchands de sommeil.
Il ne s’agit pas d’un texte pour se donner bonne conscience après le drame de Marseille. Il s’agit bien d’améliorer la loi pour qu’un tel drame ne se reproduise plus.