Quand j'étudiais le droit européen, sous l'autorité du professeur Teitgen, il avait utilisé le syndrome du nénuphar sur l'étang pour qualifier le processus de construction de ce qui allait devenir l'Union européenne. On découvre un jour que le nénuphar a recouvert toute la surface de l'étang, grâce au déploiement des rhizomes sous la surface de l'eau. Les Gafam vont encore au-delà, grâce au principe d'extraterritorialité qui les caractérise. Comment contrôler leur action à l'échelon européen ? Peut-on envisager une souveraineté européenne qui les forcerait à respecter les valeurs des 28 États membres ?
Dans nos discussions avec les Gafam, il faudrait que nous puissions faire valoir notre souveraineté sur tous les sujets. Comment le pourrions-nous dès lors que notre président reçoit M. Zuckerberg comme un chef d'État ?
Mme Türk a mentionné le droit constitutionnel global, en précisant que les Gafam n'étaient pas les partenaires des États. Parmi les acteurs de ce droit, il faut aussi prendre en compte les organisations non gouvernementales, comme l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), ou bien la Fédération internationale de football association (FIFA) qui joue un rôle quasi-étatique dans les négociations très politiques où l'on décide du lieu où sera organisée la Coupe du monde. Les Gafam ne pourraient-ils pas entrer dans un cadre de ce type ?
Le débat autour de la propriété des données personnelles a été abordé à plusieurs reprises au cours de nos auditions. Peut-on imaginer que l'Europe ou la France la consacrent ? On nous a laissé entendre, lors de notre première audition, qu'il était possible de rétablir ou d'imposer une forme de territorialité pour ces données. Le champ d'action extraterritorial des Gafam ne rend-il pas ce processus compliqué ? Sans doute vaut-il mieux continuer d'avancer pas-à-pas plutôt que d'entrer dans des conflits qui favoriseraient les blocages.