Intervention de Gérard Longuet

Commission d'enquête Souveraineté numérique — Réunion du 4 juin 2019 à 14h00
Audition de représentants de la commission d'éthique sur la recherche en sciences et technologies du numérique d'allistene l'alliance des sciences et technologies du numérique: Mm. Jean-Gabriel Ganascia eric germain et claude kirchner

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet, rapporteur :

Merci de la qualité de vos interventions, qui apportent un éclairage éthique passionnant, surtout au sein d'une assemblée de parlementaires élus au suffrage universel, qui ont à rendre compte de leurs réflexions et de leurs travaux à nos compatriotes. Ceux-ci se tournent vers le pouvoir politique en se demandant si ce dernier a encore les moyens de ses ambitions - s'il a encore la capacité d'agir. Nos réflexions sur la souveraineté numérique nous conduisent à nous demander quels choix politiques le Parlement pourrait imaginer, pour chaque groupe, dans le débat législatif.

Il me semble que tout ce qui est numérisé a vocation à être connu, par les uns ou par les autres, sans qu'on sache exactement selon quelles règles. Les lois de bioéthique ont été récemment soumises à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), que je préside. Elles rendent le séquençage du génome accessible. Or qui dit diffusion de masse dit utilisation de masse. Nous sommes là au coeur de la souveraineté politique : l'analyse génétique est prescrite, alors qu'elle risque d'être, proprio motu en quelque sorte, diffusée, notamment par des hypocondriaques, dupés par n'importe quel marchand de facéties.

Je trouve passionnant de rencontrer quelqu'un qui s'occupe de l'éthique à l'armée. J'ai toujours pensé que l'armée pouvait faire son métier parce qu'elle avait une culture ancienne, solide et mâtinée d'expérience - frottée à l'épreuve des faits. Cela lui confère la résignation nécessaire pour accepter ce que l'opinion, émotive et immédiate, n'accepterait pas, par exemple, le fait que le feu tue, célèbre expression de la Première guerre mondiale, que nos compatriotes oublient lorsqu'ils demandent des interventions militaires et s'étonnent que celles-ci soient coûteuses, pour nous ou pour les autres.

Un sujet qui mériterait d'être approfondi est celui des diversités culturelles, et des particularités sociologiques ou nationales qui doivent nous faire regarder la souveraineté à l'époque du numérique comme étant d'une nature différente. Prenez par exemple la sécession des classes dirigeantes, thème bien connu de Jérôme Fourquet. Une fraction de nos compatriotes a considéré que l'accès à une pleine liberté numérique est un droit personnel absolu, ce qui n'en fait pas pour autant des libertariens ou des libéraux à l'américaine. On en voit des exemples pittoresques en Californie : certains n'accepteront pas d'être censurés ou encadrés dans leur accès à la connaissance et aux données. Cela ne les empêchera pas de se retourner vers l'État en lui reprochant de ne pas assurer la sécurité. La légitimité de l'État, qui nous impose de respecter la loi et qui nous fait payer beaucoup d'argent pour financer son fonctionnement, est en effet d'abord d'assurer la sécurité.

En France, si l'on excepte le cas très particulier du terrorisme, la probabilité d'être envahi par un ennemi agressif est à peu près nulle. La sécurité, on veut bien la payer, à condition qu'elle soit totale. Or elle touche justement ces secteurs. Il y a donc des catégories qui, s'estimant dispensées de respecter une éthique du numérique, n'hésiteront pas à solliciter l'aide de l'État pour les sécuriser et les protéger contre toute offensive.

Quels ont été les effets de votre rapport ? Vous évoquez la création d'un commissariat à la souveraineté numérique. Comment définiriez-vous votre rôle par rapport à d'autres institutions existantes ? Nous avons reçu notre ambassadeur du numérique, vous avez évoqué M. Bellanger, un autodidacte du numérique passionné et très convaincant - et parfois inquiétant par les solutions qu'il préconise, qui conduisent à un cryptage généralisé. Quant à vous, défendez-vous une ligne - le souhaitez-vous ? Comment la Cerna envisage-t-elle son rôle dans un système français plus marqué par l'organisation de colloques que par l'investissement résolu dans les projets ? Vous êtes des scientifiques : existe-t-il selon vous une communauté européenne, les échanges sont-ils courants en Europe, une ligne directrice se dégage-t-elle ?

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