Premier effet du rapport : lorsqu'a émergé la notion de souveraineté numérique, elle a suscité un questionnement chez les scientifiques. Le rapport a été une manière de coucher sur le papier l'ensemble de nos réflexions. C'est à ce jour le seul document, en français et en anglais, de ce genre. Il a été repris par le Comité consultatif national d'éthique lorsqu'il s'est intéressé aux données massives. C'est un document qui nous aide à progresser dans la compréhension d'une notion fondamentale, déclinée à présent à tous les niveaux, individuel, économique, environnementale, etc. La Cerna a émis des recommandations scientifiques - disponibilité des données, concept de souveraineté scientifique, maîtrise des données de travail comme condition d'une recherche au meilleur niveau international... Notre rôle concernait seulement la recherche, mais dès lors que nous avons exploré bien d'autres domaines, nous avons formulé sur ces derniers non des recommandations mais des suggestions d'évolution, reprises par diverses instances.
La maîtrise des données, des algorithmes, des systèmes d'information exige de mettre en place une cyber-sécurité au profit de l'entité qui a besoin de maîtriser ces données. Cela commence au niveau individuel : où sont conservées les photos de famille, qui y a accès, combien de temps, et pour quoi faire ? Nous avons des capacités robustes pour développer une cyber-sécurité. Il n'y a certes pas de sûreté absolue. Les informations chiffrées sont aujourd'hui difficiles à déchiffrer en quelques secondes. Mais, dans cent ans, on saura le faire instantanément. Il importe de prendre en compte la durée pendant laquelle on peut assurer la sécurité des données.
On met en oeuvre aujourd'hui des techniques de chiffrage homomorphe. Une fois les données chiffrées, les calculs ne portent pas directement sur, par exemple, l'âge et le taux de cholestérol, mais sur A et B - si l'on possède les clés de déchiffrement, on peut lire les résultats ; mais une entité peut être chargée de faire tous les calculs souhaités sans disposer de ces clés ; le coût en calculs est élevé, mais on sait le faire, du moins lorsqu'il s'agit d'opérations simples, multiplication, soustraction. Pour calculer un sinus, un cosinus, il en va autrement... C'est en tout cas une piste intéressante, que la recherche pourrait explorer : au lieu de machines souveraines, on pourrait recourir à des machines travaillant sur des objets chiffrés, dont seul le commanditaire aurait la clé.