Intervention de Jean-François Longeot

Réunion du 12 juin 2019 à 15h00
Création d'un statut de l'élu communal — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Jean-François LongeotJean-François Longeot :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons tous été frappés par cette enquête menée par l’Association des maires de France et le Cevipof, selon laquelle 49 % des maires ne souhaitaient pas se représenter aux échéances locales de 2020. Ce nombre atteint même 60 % pour ceux qui réalisent en ce moment même leur premier mandat électif.

Cette étude révélait une tendance sous-jacente, dont, pour fréquenter quotidiennement les élus locaux, nous avions pleinement conscience : le malaise de ces derniers atteint un niveau critique et affaiblit notre République des territoires, celle-là même que nous défendons chaque jour au sein de la Haute Assemblée.

Alors, comment expliquer ce malaise ? Celui-ci tient à deux éléments.

Cela tient tout d’abord à l’exercice du mandat local. Les conditions de celui-ci se sont complexifiées, ce qui représente un frein, une désincitation, pour de futurs engagements, en raison de la difficile conciliation du mandat avec la vie professionnelle et personnelle, alors que, a contrario, la limitation du cumul des mandats appelle davantage de fluidité dans le parcours entre le mandat et la vie professionnelle.

Cela tient ensuite à d’autres facteurs, qui se sont récemment ajoutés et qui aggravent ce phénomène, qui accentuent ce malaise. Alors que la décentralisation a confié un nombre toujours croissant de responsabilités aux élus locaux, le droit que l’élu doit appliquer a continué de se complexifier, sous l’effet d’un mouvement continu de réformes.

Je suis donc ravi que le Sénat soit force de proposition, avec la loi, d’origine sénatoriale, du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat, et avec l’organisation, en 2017, par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, dont je salue le travail de grande qualité, d’une consultation et de différentes tables rondes sur ce sujet. Si nous représentons, à notre échelle, les collectivités territoriales, il est de notre responsabilité d’améliorer les conditions des engagements des élus locaux et de ne pas participer à cette complexification et à l’accroissement de cette insécurité. En effet, les élus communaux incarnent dans notre République des territoires, je le disais, la première ligne de notre démocratie.

Ainsi, au regard des insuffisances régulièrement soulignées, il est impératif d’améliorer les conditions concrètes d’exercice des mandats locaux, sans que soit remise en cause la conception française de la démocratie locale.

Le statut d’élu communal doit permettre de concilier le mandat avec la vie professionnelle et personnelle des élus, de donner à ces derniers les moyens d’exercer leurs fonctions et de fluidifier la circulation entre vie professionnelle et mandat local.

Les maires ont besoin de garanties supplémentaires, et ce texte comporte d’intéressantes propositions, qu’il s’agisse du renforcement du droit à la formation des élus communaux ou d’aménagements de la carrière professionnelle des élus, puisque, je le répète, la limitation du cumul des mandats dans le temps rendra ces garanties de plus en plus impérieuses. De même, je salue la revalorisation des indemnités des maires et des adjoints, bien que je ne sois pas d’accord avec les modalités de celle-ci.

Je salue donc la démarche de nos collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, de même que le travail sérieux de notre collègue rapporteur, le sénateur Darnaud, dont je partage l’analyse ; les pistes de réflexion vont dans le bon sens.

Toutefois, s’il faut donner des garanties et renforcer les droits des élus, il ne s’agit nullement de les professionnaliser en revenant sur le principe de gratuité des fonctions électives. De même, s’il est nécessaire d’étendre la formation des élus, le mécanisme de financement prévu à cet effet pourrait avoir des effets pervers et à rebours de l’objectif souhaité.

Enfin, s’il faut limiter – c’est très important – le risque pénal pesant sur les élus, en précisant les notions parfois ambiguës d’autorité légitime ou de prise illégale d’intérêts, concevoir une nouvelle cause d’irresponsabilité, telle que celle qui est envisagée, pourrait ajouter davantage de confusion et de complexité ; cela ne me paraît donc pas répondre aux enjeux soulevés.

En outre, alors qu’un projet de loi, faisant suite aux propositions émises par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, est annoncé sur ce sujet pour l’automne prochain, et alors que les discussions sont encore en cours avec les représentants des élus locaux, il est sans doute prématuré de se prononcer en faveur de mesures qui pourraient fortement évoluer dans les prochains mois. Cela alimenterait une insécurité juridique que dénoncent les élus locaux.

Les élus communaux peuvent avoir confiance en nous, car, en privilégiant une réflexion globale et en étant force de proposition dans la concertation actuellement menée et dans les débats à venir cet automne, nous serons à même d’apporter des évolutions concrètes, de faciliter l’exercice de leur engagement et de traduire ainsi certaines propositions soumises à notre examen aujourd’hui.

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