Intervention de Agnès Canayer

Réunion du 12 juin 2019 à 15h00
Création d'un statut de l'élu communal — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Agnès CanayerAgnès Canayer :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, si ce débat sur le statut de l’élu local arrive au bon moment, à la suite de la déclaration de politique générale du Premier ministre s’inspirant de ses expériences havraises, il arrive certainement au bon endroit, au Sénat, chambre des territoires.

L’élu local est au cœur de la démocratie. À ce titre, il est désigné pour représenter nos concitoyens et conduire une collectivité, à savoir mettre en place les politiques publiques et les projets qui la font vivre.

Premier interlocuteur des concitoyens, il est en contact direct et permanent avec eux, « à portée d’engueulade », pour reprendre l’expression désormais célèbre et souvent citée de notre président Gérard Larcher. À cette fin, il exerce un mandat.

Un principe historique préside à l’exercice de sa mission : la gratuité. Héritée de la pratique romaine, elle a été reprise dans les lois municipales de mars 1831 et confirmée par celle de 1884. C’est précisément cette gratuité qui fait la force de notre démocratie locale. Le mandat est libre, dénué d’intérêt pécuniaire. C’est un engagement citoyen au service de la collectivité, même si le principe de gratuité n’empêche pas une indemnisation, une compensation juste de cet engagement.

Les travaux du Sénat et le rapport de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, intitulé Faciliter l ’ exercice des mandats locaux, ainsi que de nombreux témoignages d’élus montrent que la conduite du mandat et l’engagement sont devenus très difficiles. Les facteurs sont identifiés et connus : multiplication des normes, manque de moyens, attentes fortes des citoyens, flou dans la répartition des compétences… À un an des élections municipales, Le Monde, en partenariat avec l’Association des maires de France et le Cevipof, publiait ainsi une enquête sur le blues des élus locaux.

La proposition de loi du sénateur Pierre-Yves Collombat et de plusieurs de nos collègues préconise la création d’un statut de l’élu communal et un ensemble de mesures lui garantissant un cadre sécurisé. Elle nous donne surtout l’occasion de débattre et de réfléchir sur un sujet très attendu par de nombreux élus et de trouver des solutions pour favoriser leur engagement dans un contexte ayant largement évolué ces derniers temps. Ce texte soulève toutefois quatre remarques de ma part.

Tout d’abord, la création du statut de l’élu risque d’enfermer la personne dans un cadre strict et de figer le dispositif. C’est pourquoi j’ai souhaité déposer un amendement visant à poser les principes généraux des conditions d’exercice des mandats locaux. Ces dispositions, plus souples, permettent néanmoins de guider et d’éclairer les élus.

Ensuite, la suppression de la gratuité du mandat remet en cause le sens historique de l’engagement volontaire et désintéressé des élus. Conférer une dimension pécuniaire revient à professionnaliser les élus locaux, en leur conférant les charges, les devoirs et les droits d’un salarié. L’élu local devient un salarié de la commune. Or je suis profondément opposée à ce changement de paradigme. C’est le sens de l’amendement que j’ai déposé, cosigné par plusieurs de mes collègues.

Par ailleurs, l’impact financier de cette proposition de loi est fort pour les collectivités locales. Il me paraît à ce jour déraisonnable. La conduite d’une étude d’impact et d’une concertation approfondie me semble donc nécessaire, comme a pu le souligner la commission des lois.

Les conditions matérielles sont souvent évoquées comme un frein à l’engagement politique. J’ai souhaité déposer un amendement tendant à ouvrir le bénéfice du complément de mode de garde aux élus. Une telle disposition, dont le champ est plus large que le remboursement des frais de garde, devrait permettre à de jeunes parents de s’engager et de disposer du temps nécessaire, en toute sérénité, à l’exercice de leur mandat local. Il est de notre devoir d’accompagner les jeunes parents élus dans cette mission.

Enfin, l’enchevêtrement et la multiplication des normes rendent encore plus indispensable la formation des élus. Elle est désormais bien établie, grâce aux lois de 1992 et de 2015. L’article 3 tend à renforcer ces obligations de formation et à instituer un fonds national pour la formation des élus locaux, qui serait alimenté par les communes. Toutefois, le mécanisme mis en place présente un double écueil d’ordre financier et politique : la création d’un fonds national pour la formation des élus risque de conduire à nationaliser le financement de la formation des élus, ce qui reviendrait à brider l’autonomie des collectivités locales.

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